Deux anciens dirigeants de l'ex-entreprise Spanghero de Castelnaudary, Jacques Poujol et Patrice Monguillon, ont été mis en examen, vendredi, à Paris, dans l'enquête sur le scandale de la viande de cheval vendue pour du boeuf, a indiqué à l'AFP, une source judiciaire.
Les deux hommes, qui sont les premières personnes mises en examen dans ce dossier, sont notamment poursuivis pour "tromperie" et "escroquerie en bande organisée".
Un juge spécialisé devait encore se prononcer vendredi soir sur un possible placement en détention provisoire de M. Poujol, requis par le parquet.
Jacques Poujol, directeur général de fait de Spanghero, et Patrice Monguillon, directeur du site, sont les deux premières personnes formellement mises en cause par les juges Serge Tournaire, du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, et Aurélie Reymond, du pôle santé, dans ce scandale aux ramifications européennes.
2 mises en examen pour "tromperie" et "escroquerie en bande organisée"
Signe de la gravité accordée par la justice à cette affaire de santé publique, le parquet a requis le placement de M. Poujol en détention. C'est à un juge spécialisé qu'il appartenait de se prononcer.
M. Monguillon a été laissé libre sous contrôle judiciaire.
MM. Poujol et Monguillon sont poursuivis pour "escroquerie en bande organisée", mais aussi "tromperie sur une marchandise", "tromperie sur l'origine française ou étrangère d'un produit", "tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal", "faux et usage de faux", "altération des preuves d'un délit", "introduction sur le territoire d'animaux vivants, de produits ou de sous-produits ou aliments pour animaux non conformes aux conditions sanitaires".
Les deux hommes sont ainsi renvoyés à leurs anciennes responsabilités chez Spanghero, l'entreprise au coeur d'une affaire qui, partie en février de Grande-Bretagne et d'Irlande, a mis en lumière certains agissements de l'industrie agroalimentaire et signalé l'opacité de ses circuits d'approvisionnement.
Spanghero a été ouvertement accusé par le gouvernement d'avoir trompé ses clients en revendant sciemment de la viande de cheval pour du boeuf. La viande a ensuite servi à la préparation de millions de plats cuisinés, comme des lasagnes, pour des marques comme Findus ou la grande distribution.
"C'était lui le patron"
M. Poujol était dans les faits le directeur général de Spanghero, même s'il opérait officiellement sous contrat de consultant le liant avec la coopérative Lur Berri, propriétaire de Spanghero. "Aux yeux de tous, salariés, clients, fournisseurs, c'était lui le patron", a indiqué un connaisseur du dossier.
Ses responsabilités, la gravité des évènements, sa personnalité et ses relations se sont conjuguées pour qu'il se retrouve très vite en première ligne quand le scandale a éclaté en février et pour que Lur Berri l'écarte en mars. Sa position était devenue intenable après la révélation, quelques jours auparavant, qu'en plus de viande de cheval, on avait trouvé chez Spanghero de la viande de mouton britannique prohibée.
Formellement, c'est sa société J. Poujol Holding qui était en contrat avec Spanghero. Or le nom de Poujol a été montré du doigt dès les premiers jours de l'affaire quand les autorités ont entrepris de remonter les filières et que le ministre de la Consommation Benoît Hamon a désigné une "holding Poujol" comme ayant acheté la viande de cheval surgelée auprès d'un négociant chypriote. Celui-ci aurait sous-traité la commande à un négociant situé aux Pays-Bas, lequel se serait fourni auprès d'un abattoir et d'un atelier de découpe situés en Roumanie.
Au printemps déjà, les liens prêtés à M. Poujol avec le négociant néerlandais Jan Fasen, dirigeant d'une société de négoce basée à Chypre intervenue à la fois dans l'affaire de la viande de cheval et de mouton, suscitait des interrogations.
Quant à M. Monguillon, il était davantage un exécutant, plus proche donc de la production.
Ces deux hommes pouvaient-ils ne pas savoir ce qui se passait dans l'entreprise, se demandent des proches du dossier.
Selon l'un d'eux, c'est aussi ce que les gendarmes ont cherché à savoir des six autres personnes qu'ils ont interpellées cette semaine, des cadres de niveau inférieur de Spanghero qui ont été relâchés sans être mis en cause.
Les gendarmes ont aussi interrogé différents témoins, dont Barthélémy Aguerre, ancien président de Spanghero et vice-président de Lur Berri.
Spanghero, qui comptait 360 salariés auparavant, ne s'est jamais vraiment remise du scandale. Lur Berri l'a vendue. Elle a été mise en liquidation judiciaire et a craint pour sa survie. Elle a été reprise par l'un de ses fondateurs, Laurent Spanghero, et deux partenaires, qui l'ont rebaptisée La Lauragaise. Ils se sont engagés à sauvegarder 90 emplois pendant au moins deux ans.
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