Cadeaux du laboratoire Urgo : condamné, un pharmacien fait son mea culpa et dénonce des pratiques mafieuses

Marc Alandry est pharmacien dans l'Aude et vice-président de l'Association des pharmacies rurales. Il a été condamné en novembre pour avoir accepté des cadeaux du laboratoire Urgo. Alors que la ministre de la santé en interim Agnès Firmin Le Bodo est entendue dans une affaire similaire, Marc Alandry dénonce un système illégal de grande ampleur.

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Des montants et un témoignage édifiants, dévoilés dans un premier temps par une enquête de journal Le Parisien. Pharmacien à Couiza dans l'Aude, Marc Alandry y raconte avoir été condamné, en novembre 2023, à 17 500 euros d'amende par le tribunal judiciaire de Carcassonne. Il lui est reproché d'avoir perçu des cadeaux du laboratoire Urgo, de manière illégale.

L'enquête du Parisien apprend également que 8 000 responsables de pharmacie, soit 40 % de la profession, auraient reçu des cadeaux de ce même laboratoire, entre 2015 et 2021. Un système que dénonce aujourd'hui Marc Alandry, contacté par France 3 Occitanie.

"Je croyais être un client prémium"

Le système était simple, et bien rodé. Un commercial du laboratoire Urgo, que Marc Alandry connaissait depuis longue date, proposait au pharmacien un "deal". Il consistait à offrir des cadeaux au directeur de l'officine, si celui-ci renonçait aux remises commerciales du laboratoire prévues dans les accords de négociations. La manœuvre permettait à Urgo de vendre le plus de médicaments dans un maximum de pharmacies, en "achetant" les responsables.

Je demandais systématiquement au commercial si c'était légal tout cela, il me répondait que oui.

Marc Alandry


"Je me sens trahi par mes amis d'Urgo, je croyais être leur client premium", se lamente aujourd'hui Marc Alandry. ll dénonce un système insidieux, puisque le laboratoire proposait la majorité du temps du matériel destiné à la pharmacie, tel qu'un aspirateur ou un fauteuil pour les pharmaciens. "Je demandais systématiquement au commercial si c'était légal tout cela, il me répondait que oui."

Mais le pharmacien a, un jour, reçu deux montres de luxe pour sa femme et son fils, "j'ai été bête" reconnaît-il. "Nous manquions d'informations et de formations sur cette pratique dans les pharmacies", se défend-il néanmoins.

Une pratique de grande ampleur ?

Joint également par téléphone, Philippe Besset, président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France dit ne pas être en mesure "d'infirmer ou de confirmer" le chiffre de 40 % de pharmacies concernées entre 2015 et 2021.

De nombreux confrères ont sollicité récemment la fédération pour nous demander quoi faire s'ils étaient inculpés.

Philippe Besset, président de la SFPF

Mais Philippe Besset avoue que "de nombreux confrères ont sollicité récemment la fédération pour nous demander quoi faire s'ils étaient inculpés pour avoir reçu des cadeaux. Il y a beaucoup de débats internes sur ces histoires. Nous leur conseillons de plaider coupable", explique-t-il.

Enfin, il l'assure, Urgo était le seul laboratoire à pratiquer ce genre "de système de troc" à sa connaissance. Le laboratoire français, connu pour ses pansements, a été condamné à 1.125 millions d'euros par le tribunal de Dijon en janvier 2023.

Ministre soupçonnée, que dit la loi ?

Mardi 9 janvier 2024, la dernière ministre de la Santé du gouvernement Borne, Agnès Firmin Le Bodo, a été entendue par la police. Elle aurait reçu de la part du laboratoire l'équivalent de 20 000 euros de cadeaux depuis 2015.

Une loi "anti-cadeaux" existe depuis 1993. Elle stipule : "Le fait d'offrir ou de promettre des avantages en espèces ou en nature, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, à des personnes est interdit à toute personne assurant des prestations de santé [...] "

Des exceptions existent cependant, notamment les gratifications d'une valeur "négligeables" qui varient selon les cadeaux. Mais cela concerne par exemple des petites fournitures de bureau n'excédant pas des dizaines d'euros. Très loin donc des montres de luxe.

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