La nouvelle filière oléicole française Oil'ive Green et l'association marocaine Prosperitas Africa vont signer un partenariat à Toulouse le 18 janvier 2024. Objectif : permettre aux agriculteurs français et marocains de collaborer pour développer la culture de l'olivier à grande échelle dans le Sud de la France.
"De la Charente-Maritime jusqu'à Lyon, on trace un trait. On aimerait planter des oliviers partout en dessous de cette ligne du Grand Sud", nous explique Thierry Laplaige, président de la Coordination rurale en Haute-Garonne, agriculteur et membre de Oil'live Green, le plus gros réseau de producteurs d'huile d'olive en France.
60 000 hectares d'oliviers d'ici 10 ans
L'ambition est donnée. Selon ce réseau, la culture de l'olivier doit se développer partout dans le Sud de la France. Implantée à Villemoutaussou dans l'Aude, la société Oil’Ive Green a déjà lancé le projet de plantation de 60 000 hectares d’oliviers de la Gironde à la frontière italienne d'ici dix ans. Un projet pharaonique pour produire des huiles alimentaires mais également du biocarburant.
"Avec le réchauffement climatique, nos agriculteurs sont en difficulté, on doit s'adapter. Dans le Sud-Ouest, avec le réchauffement climatique, à terme, nous aurons des températures qui nous permettront de développer la culture de l'olivier à très grande échelle", poursuit Thierry Laplaige.
Seulement 800 m3 d'eau par an pour un hectare d'oliviers
Cet agriculteur céréalier installé à Lux près de Villfranche de Lauragais en Haute-Garonne en est convaincu et il a déjà franchi le pas.
Aujourd'hui l'agriculture française est à l'agonie. Il nous faut trouver d'autres sources de revenus. Depuis 2008, je cultive 150 hectares de céréales mais ces derniers temps, la rentabilité n'est plus au rendez-vous, je ne m'en sors pas entre la crise climatique, le manque d'eau et le contexte international. J'ai décidé de planter quatre hectares d'oliviers sur mon exploitation pour produire de l'huile d'olive extra vierge. Ils commenceront à produire dès 2025, ce qui me permettra d'avoir une autre source de revenus.
Thierry Laplaige, agriculteur haut-garonnais
L'olivier, un symbole de la Méditerranée, une culture peu gourmande en eau qui pourrait devenir une solution à terme pour les agriculteurs victimes du réchauffement climatique. "Pour un hectare d'oliviers, on consomme 800 m3 d'eau par an, en comparaison je consomme 3 500 m3 d'eau pour un hectare de céréale type maïs. Le besoin en eau est beaucoup moins important. L'olivier va devenir plus simple à cultiver dans nos régions de plus en plus sèches. C'est une culture très robuste", précise Thierry Laplaige.
Une idée qui séduit de plus en plus d'agriculteurs du grand sud-ouest. Mais cette culture nécessite un savoir-faire unique. Aspect physiologique, technique de culture, appréhension des maladies, gestion des rendements, la culture de l'olivier nécessite une formation et des compétences.
Les Marocains vont aider les Français
Pour aider justement les agriculteurs français à développer l'oléiculture, Oil'live Green va donc signer le samedi 18 janvier 2024 un partenariat à Toulouse avec Prosperitas Africa, une association qui œuvre pour la mise en relation des sociétés françaises et marocaines.
L'objectif est de construire des échanges pour que les Marocains partagent leurs compétences et leur savoir-faire dans l'oléiculture.
Le Maroc est un des géants dans la production mondiale d'huile d'olive. Le pays possède plus de 1,3 million d'hectares d'oliviers. L'idée est de créer des échanges et des partenariats. Les agriculteurs marocains peuvent nous transmettre leur savoir-faire pour nous permettre de développer une véritable filière ici en France. Quant à eux, avec les très fortes chaleurs de ces dernières années, leur production d'huile d'olive s'est effondrée. Dans plusieurs années, notre production pourra venir compléter leurs besoins sur leur marché.
Thierry Laplaige, président de la Coordination rurale de Haute-Garonne
Une centaine d'hectares d'oliviers a déjà été plantée grâce à Oil'live Green, et 7 000 sont en cours de plantation sur l'Aude et la Haute-Garonne notamment. "Il nous faut diversifier nos cultures dès à présent pour faire face au réchauffement climatique et maintenir notre activité agricole", conclut Thierry.
"Changer de culture pour sauver l'agriculture"
Serge Zaka, chercheur indépendant et conférencier sur l'agroclimatologie à Montpellier est ravi de cette volonté de diversification des cultures dans le Sud-Ouest.
Je trouve que cette envie de partenariat entre des Français et des Marocains est une excellente nouvelle ! On a une évolution de ce que l'on appelle la bio géographie. Les climats remontent vers le Nord, c'est à dire que le Sud-Ouest de la France va avoir un climat qui va de plus en plus ressembler à celui de l'Espagne. Toulouse aura bientôt un climat avec des caractéristiques méditerranéennes.
Serge Zaka, agroclimatologue
L'agroclimatologue explique également que "vu que chaque type de culture pousse dans un climat donné, il faut développer l'olivier dès à présent ! C'est un arbre qui pousse lentement. Il faut plusieurs années pour qu'il soit productif, bref d'ici là le climat lui sera totalement favorable. La culture sera prête et déjà implantée. Le Maroc va de son côté sortir peu à peu de la culture de l'olivier, il fera trop chaud et trop sec. Le pays risque de devenir plus importateur que producteur à partir de 2050."
Le Sud-Ouest futur verger de l'Europe ?
Pour ce chercheur, le but est de remplacer nos cultures pour ne pas perdre notre agriculture. "Il faut transformer notre façon de produire et notre production pour rester une puissance mondiale agricole en 2050", poursuit Serge Zaka. "Le sorgho va prendre la place du maïs, la culture de cacahuète débarque déjà dans le Sud-Ouest, tout comme la pistache ou le pois chiche. La culture des agrumes arrivera aussi très certainement dans nos contrées d'ici 2030. C'est une diversification qui est essentielle puisque le Maroc et l'Espagne sont en voie de désertification progressive, il y a des marchés intéressants à prendre. À terme le Sud-Ouest et la partie centrale de la France doivent devenir le futur verger de l'Europe".
Une profonde révolution de l'agriculture, pas facile pour nos agriculteurs qui essayent déjà d'améliorer leurs cultures pour les adapter à ce nouveau climat plus sec.
Importer une nouvelle culture est très difficile pour nos agriculteurs, car il faut acquérir de nouvelles compétences, de nouveaux outils et du matériel mais dans le sud de la France, on n'y échappera pas. Adapter nos cultures ne suffira pas pour sauver notre agriculture.
Serge Zaka, agroclimatologue
La filière Oil'live Green en est convaincue aussi. Selon elle, l'olivier peut relancer des filières agricoles en France. Le travail de mise en relation entre les sociétés françaises et marocaines débutera dès le 18 janvier prochain après la signature de ce partenariat à Toulouse.