Le maire de Trèbes sera présent, ce vendredi janvier 24 janvier, au procès des attentats islamistes qui ont endeuillé sa ville ainsi que celle de Carcassonne en mars 2018. Eric Ménassi accompagnera les familles des victimes appelées à témoigner. Il estime que sa ville sera marquée "d'une manière indélébile" par les attentats. France 3 Occitanie l'a rencontré.
Eric Ménassi sera à Paris ce vendredi 24 janvier pour accompagner les familles des victimes appelées à témoigner dans le cadre du procès des attentats de Trèbes et de Carcassonne. Sept personnes sont jugées depuis lundi, en l'absence du principal accusé Radouane Lakfim, tué le jour des attentats.
Le maire de Trèbes était sur place le 23 mars 2018 lors des fusillades et de la prise d'otages du supermarché, qui se sont soldées par la mort de quatre personnes, dont le gendarme Arnaud Beltrame. France 3 Occitanie a rencontré Eric Ménassi avant son départ pour Paris.
Pourquoi serez-vous à Paris ce vendredi ? En quoi estimez-vous votre présence utile ?
Je me rends à Paris parce que j'ai l'intime conviction que c'est ma place d'être aux côtés des familles des victimes et ensuite parce que je devrais être entendu en tant que témoin. Pendant cette période extrêmement douloureuse, d'une violence inouïe, les élus sont là pour être à l'écoute, pour faciliter les choses et pour faire en sorte que les familles se sentent moins seules dans des moments terribles. Le plus important pour moi, en ma qualité de Maire, c'est de faire preuve de beaucoup d'attention auprès des familles des victimes et d'être au rendez-vous de cette émotion, parce que je crois qu'elles appréhendent toutes ce procès qui va être difficile. Mon rôle est d'être là.
On imagine que vous êtes impliqué émotionnellement, à titre personnel, comment allez-vous appréhender cette audience ?
Oui, bien sûr, je suis impliqué émotionnellement et j'appréhende moi aussi un peu ce procès. Je vais raconter ce que j'ai vécu ce vendredi 23 mars et comment j'ai appréhendé cette journée qui a été à la fois interminable, mais aussi extrêmement rapide. Moi, j'ai toujours un regard bienveillant. J'appréhende que les familles des victimes vivent mal cette audience, donc je ne sais pas trop comment ça va se passer à vrai dire. J’ai le sentiment que c'est le maire de Trèbes qui va s'exprimer et qui va expliquer un peu comment la ville a pu réagir, comment les élus ont réagi lors de cette funeste journée et surtout les jours qui ont suivi.
Vous allez revenir sur cette journée… comment l’avez-vous vécue ?
Nous étions nombreux autour de ce supermarché et chacun a vécu cette journée avec ses yeux, en fonction du rôle qu'il avait ce jour-là, soit le rôle de victime, soit le rôle de primo-intervenant comme les pompiers, les gendarmes. Moi, mon rôle était particulier, il était surtout un rôle de facilitateur. Donc je suis arrivé sur les lieux très tôt. J'ai participé tout au long de la journée à l'ensemble des opérations sans être vraiment un acteur. J'étais surtout en facilitateur pour que les forces de l'ordre et le préfet de l'époque puissent œuvrer dans les meilleures conditions.
Après le drame, quel a été votre rôle ?
En tant que partie civile par rapport aux familles, mon rôle a été d'être bienveillant, mais je crois que ça a été le rôle de tous les élus, d'être à l'écoute, d'être disponible. Il y a bien sûr les familles des victimes, mais il y a aussi les victimes collatérales, les clients, les agents du supermarché, toutes celles et ceux qui ont été de près ou de loin mêlés à tout ça. Elles ont bien sûr toutes un avocat, elles ont des conseils, elles ont des psychologues. Les élus ont été, me semble-t-il, toujours présents pour leur apporter un soutien, au moins un soutien moral. Bien évidemment, la ville de Trèbes et les habitants sont des victimes collatérales de ce drame, chacun à un degré différent et en fonction de sa perception, mais je crois que la ville de Trèbes a été marquée, elle sera marquée d'une manière indélébile.
Vous pensez que ce procès va permettre à la ville de Trèbes d’avancer ?
Je pense que ce procès est nécessaire et je pense qu'il fait partie d'une étape et d'un cheminement, comme le cheminement d'un deuil, et qu'il est important que nous passions ce procès très rapidement.
Comment des personnes et une ville se reconstruisent ?
Il n'y a pas une règle absolue, je crois que chaque personne le fait en fonction de sa sensibilité. Le mot "résilience" est souvent employé à tort et à travers. Je crois qu'à travers les deux drames que nous avons vécus à Trèbes, que ce soient les attentats ou les inondations (NDLR : sept mois après les attentats, Trèbes avait été frappée de plein fouet par des inondations meurtrières), le mot "résilience" a pris tout son sens. Chez nous, la résilience c’est la capacité à aménager le territoire, à faire en sorte que nous puissions mieux vivre dans un territoire apaisé, et ensuite la résilience, c'est la résilience des personnes, comment elles arrivent à se reconstruire après un drame aussi abject. C'est difficile, c'est un sentiment assez ambigu. Moi, j'ai toujours un regard bienveillant. J'appréhende pour les familles des victimes, j'ai du mal avec cette audience. Je pense que c'est aussi une étape nécessaire pour avancer. Je pense que ce procès fait partie d'une étape, d'un cheminement comme le cheminement d'un deuil, et qu'il est important que nous passions ce procès très rapidement, un traumatisme à surmonter individuellement et collectivement.
Qu’est-ce qu’on attend au final d’un procès comme celui-là sachant que le principal responsable du drame est décédé et ne sera donc pas présent ?
(Long silence)... On attend que la justice passe.
Ecrit avec Nell Saignes et Eric Henry.