Deuxième jour de procès à la cour d’assises de l’Aude pour Maurice Patrac et son neveu Steven Patrac qui comparaissent pour le meurtre de Natacha P., compagne du premier, le 20 juillet 2017. Le résultat d’années de relations toxiques.

L’accumulation des dépositions est édifiante. Depuis ce matin, les témoins se succèdent à la barre : des voisins, des proches de la victime, ou une restauratrice d’Alzonne, confidente de la victime. Tous décrivent l’enchaînement implacable vers un drame qui n’a pas eu l’air d’en surprendre beaucoup dans le village d’Alzonne. Le résultat d’années de relations toxiques entre Maurice Patrac et sa compagne Natacha, décédée sous ses coups le 20 juillet 2017.

Le résultat d’années de relations toxiques

Ce jour-là, Natacha tarde à rentrer d’une course. Maurice s’en inquiète et sollicite son neveu Steven pour partir à la recherche de la jeune femme, accompagnés par la petite copine mineure du neveu. Ils finissent par la retrouver vers Carcassonne, peu avant minuit et la conduise dans un champ isolé où Natacha sera battue, y compris à l’aide de pierres. Le calvaire de Natacha n’est pas terminée : ramenée au domicile du couple, elle est encore battue pendant de longues heures, y compris à l’aide d’une matraque cloutée, normalement réservée aux punitions du chien.

Je pense qu’elle était assez souvent tapé. Elle portait souvent des traces

Une voisine

C’est d’abord une voisine qui témoigne. Habitant en face du couple, elle n’ignorait pas le climat qui régnait chez eux , mais reste prudente dans son expression, comme gênée de confier ce qu’elle savait :  « Je pense qu’elle était assez souvent tapé. Elle portait souvent des traces. » Pressée  par les nombreuses questions de la présidente de la cour, elle poursuit péniblement : «  Elle voulait partir. Parfois, on la voyait dehors, à la rue. Dans le village il se disait que c’était son compagnon qui la mettait dehors. »

Vient ensuite le tour d’une amie de Natacha, à laquelle la mère de famille se confiait régulièrement. Quand les gendarmes l’appellent pour lui signaler le décès de Natacha P., le 21 juillet, sa première réaction est immédiate, avant même que le meurtre ne soit évoqué : « C’est Mike ? » Maurice avait pour habitude de se faire appeler de ce sobriquet…. Et cette confidente de Natasha de décrire de façon plus précise l’emprise que celui-ci avait sur sa compagne : « Elle me parlait des violences qu’elle subissait, me demandait des conseils, elle avait confiance en moi… »

Elle disait qu’elle ne pouvait pas vivre sans lui

Une voisine

D’abord timide, la jeune femme s’anime au fur et à mesure de son témoignage, particulièrement lorsqu’elle décrit l’amour que son amie portait à son compagnon : « Elle pensait lui, elle respirait lui, elle ne vivait que pour lui. Elle disait qu’elle ne pouvait pas vivre sans lui. C’était son pillier, sa bouée de sauvetage pour garder la tête hors de l’eau. Je ne pense pas qu’elle était agressive avec lui : c’est une des plus belles personnes que je connaissais. Je pensais qu’il y avait eu un mauvais coup de trop, pas autant. Je ne pensais pas qu’elle avait été rouée de coups. »

Cette amie de Natacha était au courant de la jalousie maladive de Maurice : "il voulait pas qu’elle dorme chez moi, car j’avais un compagnon et il était jaloux, il se faisait des films. Elle me le disait qu’il était très jaloux. Elle était vraiment fidèle, c’était une personne sincère. »

Jalousie

Une jalousie confirmées par une restauratrice d’Alzonne, à laquellle Natacha se confiait régulièrement, dont la présidente du tribunal a lu la déposition : « Tout le monde se doutait qu’il arriverait quelque chose à Natacha. Elle venait régulièrement pleurer chez moi. Au début, elle venait tous les jours sans le dire à son compagnon. Il ne voulait pas qu’elle voit d’autres personnes. Elle disait qu’il était très méchant. »

Et la litanie de témoignages continue encore tout au long de la matinée de ce second jour de procès : un voisin qui confie que les bruits de disputes violentes étaient fréquents dans la maison du couple. Une autre habitante de la rue qui explique  que des cris étaient régulièrement entendus, des échanges d’insultes mais aussi des bruits d’objets qui se cassent. « Des disputes conjugales comme dans tous les couples », croit-elle bon d’ajouter…

Une travailleuse sociale impuissante

Les riverains d’Alzonne n’étaient pas seuls à deviner les drames qui se jouaient régulièrement au domicile de Maurice et Natacha de la rue des études. En fin de matinée, c’est Delphine, une assistante sociale qui témoigne. Elle suivait les 4 enfants du couple, qui ont fait l’objet de nombreuses décisions de justice pour les protéger de leurs parents. Avant un placement définitif en 2014. Cette travailleuse sociale n’a pu que confier son impuissance face à ces épisodes répétés de violence.

Elle a d’ailleurs croisé la mère de famille, à Carcassonne, le soir de sa mort, avant que Maurice et Steven ne la retrouvent. Natacha était statique sur un trottoir, en train de téléphoner. « J’étais en voiture et je l’ai reconnue tout de suite. Je me suis demandée  ce qu’elle faisait à cette heure-ci dehors. Et ce qui allait se passer quand elle allait rentrer le soir à la maison… Car je savais qu’elle avait déjà été victime de violences par son compagnon, elle nous en avait fait part, ça faisait partie des raisons d’éloignement des enfants. »

Les travailleurs sociaux ont d’abord cherché à protéger les enfants du couple. Mais Delphine l’assure, ils ont aussi proposé leur aide à Natacha, sans succès : « Elle parlait de quitter Maurice Patrac. L’idée c’était avant tout de la protéger. Mais quelque chose la retenait. On a chercher à l’orienter vers des centres d’hébergement pour femme isolée… Mais elle avait très peur de ne plus revoir ses enfants, de perdre son droit de visite…J’ai aussi compris qu’elle pouvait craindre des conséquences de la part de M. Patrac si elle le quittait…. »

Une cinquantaine de plaies

Le rapport d’autopsie, présenté cet après-midi par la médecin légiste, révèle toute la brutalité qui s’est déchaînée dans la nuit du 20 juillet 2017 sur la mère de famille :  une cinquantaine de plaies constatées, des fractures du nez, de la mandibule, de deux dents et cinq côtes cassés. Il confirme aussi que la nuit du 20 au 21 juillet ne constituait pas une première en matière de violence dans le couple. L’autopsie met en évidence d’autres fractures des côtes, plus anciennes et impossibles à dater. Maurice Patrac avait déjà été condamné  pour violences sur conjoint en 2003 et violences sur mineure ( à l’encontre d’une des filles de sa compagne, issue d’une première union) en 2005.

Un appel à la gendarmerie sans suite

D’ailleurs, les gendarmes et les pompiers intervenaient régulièrement, parfois alertés par Natacha elle-même, parfois par des voisins. Et l’audience a permis de découvrir que Natacha avait composé le 17 le soir-même de sa mort, vers 23h30 , alors qu’elle était dans la voiture en compagnie de Maurice et de Steven et sa copine. Un appel dont la bande audio a été diffusé mercredi soir à l’audience. On y entend des bruits, des cris, mais rien d’intelligible. Il n’y a pas eu de dialogue ou d‘échange avec l’opérateur de la gendarmerie qui a pris l’appel.  « On entend une véritable terreur sur la voix, c’est glaçant… » explique Me Alexandra Vitrac, avocate des parties civiles. La famille a d’ailleurs quitté la salle d’audience pendant la diffusion. Pourtant, malgré son caractère inquiétant il ne sera donné aucune suite à cet appel.

« Il ne faut pas oublier que le seul responsable de ce drame est dans le box des accusés», explique Me Vitrac. « C’est vrai que les signaux ont été nombreux mais c’est quasiment une constante dans ce type de dossier. Ce n’est pas pour rien que la protection des violences faites aux femmes est devenue depuis quelques temps une question sociétale. Elle est complexe. »

Pour que la mort de Natacha puisse servir à d’autres, sa famille a souhaité que le Collectif 11 de défense des droits des femmes, une association de lutte contre les violences faites aux femmes,  se constitue partie civile.

Maurice Patrac encourt  la  prison à perpétuité pour « meurtre par personne étant le concubin. » Son neveu Steven Patrac, lui, risque 5 ans d’incarcération pour « abstention volontaire d’empêcher un crime contre l’intégrité d’une personne. » L’ex-compagne de ce dernier, qui était présente pendant au moins une partie des faits, mineure en juillet 2017, sera jugée par le tribunal des mineurs.

Le jury devrait rendre son verdict ce vendredi.

 
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