25 prévenus sont jugés, depuis lundi, devant le tribunal correctionnel de Marseille pour une vaste fraude et escroquerie à la viande de cheval. Des animaux réformés d'une ferme-laboratoire de Sanofi-Pasteur, donc exclus de la consommation humaine, avaient pourtant terminé en boucheries. Le procès doit durer trois semaines.
Patrick Rochette, grossiste en viande dans l'Aude, a admis mardi devant le tribunal correctionnel de Marseille, avoir introduit dans la filière alimentaire humaine des chevaux réformés d'une ferme-laboratoire de Sanofi-Pasteur, en falsifiant leurs documents sanitaires.
J'ai fauté, on a joué avec les papiers
Patrick Rochette, négociant grossiste en viande à Narbonne.
Les papiers des chevaux de la ferme-laboratoire étaient falsifiés
"Toute la vie, ça a été galère avec les papiers", a tenté de se justifier le principal accusé face aux questions de la présidente, Céline Ballerini.
Dans le carnet de traitement médicamenteux des chevaux, Patrick Rochette, 68 ans, remplaçait par un feuillet vierge le feuillet initial, portant la mention "définitivement écarté de la consommation humaine".
Cheveux blancs abondants, un air un peu fataliste sur le visage, le prévenu a avoué avoir fait abattre à Narbonne au moins une trentaine de chevaux de la ferme-laboratoire d'Alba-la-Romaine en Ardèche, appartenant au géant pharmaceutique français Sanofi-Pasteur.
Des chevaux réformés après avoir servi durant plusieurs années à la fabrication de sérums antirabiques ou antivenimeux.
A l'audience, Me Xavier Vahramian, avocat du laboratoire, qui s'est constitué partie civile, rappelle que ces chevaux portaient sur la croupe la marque "S" du laboratoire, au fer, mais aussi des nodules et des kystes à l'encolure, liés aux injections répétées. Autant de stigmates qui les rendaient très identifiables.
Moi, bien sûr, je connaissais, je savais que c'était des chevaux de laboratoire. Mais ça faisait 25 ans que je les voyais passer ces chevaux, ils étaient autorisés. Leur statut a changé.
Patrick Rochette.
Aucun risque pour la santé humaine ?
En 2004, Sanofi-Pasteur avait en effet décidé d'interdire ces bêtes à la filière d'alimentation humaine, même si une expertise judiciaire a écarté tout risque toxicologique pour les consommateurs.
"J'ai cru comprendre que ça a été interdit par principe, mais jamais dans ma tête j'ai pensé empoisonner quelqu'un", s'est-il défendu en réponse aux questionnements du tribunal.
Fabrice Daniel, agriculteur et commerçant de chevaux dans le Gard, qui vendait à Patrick Rochette ces chevaux rachetés 10 euros pièce à Sanofi après leur réforme, a assuré lui ne pas savoir que les animaux finissaient en boucherie.
Rochette ne m'a jamais dit que c'était pour l'abattage. Je n'aurais jamais pensé que ces chevaux allaient être abattus, sinon j'aurais réagi, j'aurais au minimum averti Sanofi.
Fabrice Daniel, agriculteur et commerçant de chevaux dans le Gard.
"Est-ce qu'on peut raisonnablement penser que Fabrice Daniel ignorait la destination des chevaux?" demande la présidente à Patrick Rochette. En guise de réponse, le chevillard narbonnais se racle la gorge.
En garde à vue, Fabrice Daniel avait reconnu savoir que Patrick Rochette faisait disparaître la mention d'interdiction d'abattage des factures et des passeports des animaux.
"J'ai dit n'importe quoi, les gendarmes voulaient me faire craquer", a-t-il assuré mardi à la barre.
Des abattoirs peu scrupuleux en Espagne et en Italie
Concernant Patrick Rochette, de nombreuses écoutes téléphoniques prouvent en tous cas ses manoeuvres pour contourner la réglementation : "Ces juments, si elles n'ont pas de papier, je peux m'arranger pour l'exportation", indique-t-il ainsi à un correspondant dans une discussion.
Excellent connaisseur d'une réglementation qui se mettait en place au début des années 2010, Patrick Rochette proposait fréquemment à ses interlocuteurs de "se débrouiller", disant connaître des abattoirs "moins regardants", moins pointilleux sur les contrôles.
Un mois avant son interpellation, en décembre 2013, il se vantait encore au téléphone : "J'ai trouvé un abattoir qui va tout nous tuer". A cette époque, face à un durcissement des contrôles à l'abattoir de Narbonne, Patrick Rochette semblait recentrer son activité pour des abattages en Espagne, à Gérone ou Barcelone, ou en Italie.
Ecrit avec AFP.