Depuis le mois de juillet 2019, la ville de Narbonne a institué un permis de louer sur deux quartiers pour les locations de plus de huit mois. 350 appartements ont depuis été inspectés par les services de l’hygiène.
Comment réduire le mal-logement sur un territoire et comment lutter contre ceux qu’on appelle les marchands de sommeil ? C’est pour répondre à ces deux problématiques qu’en 2016 la loi ALUR, portée par la ministre du logement de l’époque Cécile Duflot, a permis aux collectivités qui le souhaitent d’instituer un permis de louer. Une commune ou une communauté de communes peuvent donc désormais imposer une déclaration préalable à la location.
La ville de Narbonne, très concernée par le problème des logements insalubres, a souhaité le mettre en place progressivement sur son territoire, en commençant par deux zones du centre historique de la ville : ceux de Bourg et Cité. « Ce sont les deux quartiers principaux de la ville et parmi les plus anciens, avec des vieilles maisons, pas aux normes. Il fallait impulser cette rénovation et permettre aux gens de revenir et d’apprécier notre centre-ville », explique Guy Clergue, l’adjoint en charge de l’hygiène à la ville de Narbonne.Il fallait impulser cette rénovation et permettre aux gens de revenir et d’apprécier notre centre-ville
Un permis de louer gratuit
Concrètement, avant de mettre ou de remettre un bien en location, les propriétaires doivent désormais s’assurer d’obtenir un permis de louer auprès des services d’hygiène de la ville. Pour cela, il faut d’abord remplir un dossier : « Il faut que le propriétaire remplisse un formulaire CERFA, de manière à ce qu’on ait l’ensemble des informations concernant le bien : la surface habitable et le nombre de pièces par exemple. Il doit fournir également un dossier technique qui regroupe plusieurs diagnostics obligatoires, électrique, gaz et plomb », détaille Claire Depuille, la directrice du service hygiène, sécurité et santé à la ville de Narbonne.Après réception, les inspecteurs du service d’hygiène peuvent soit adresser des recommandations de travaux aux propriétaires, si le dossier fait apparaître des problèmes potentiels, ou convenir avec eux d’un rendez-vous pour une visite. Celle-ci est quasi-systématique et permet aux services de la ville de s’assurer que les appartements sont salubres et remplissent toutes les conditions de sécurité. « Rien ne remplace le déplacement sur le terrain : la hauteur des gardes-corps d’une fenêtre, pourtant réglementée, n’est indiqué sur aucun diagnostic, par exemple », explique Claire Depuille.
Après visite, l’inspecteur peut conditionner la délivrance du permis de louer à la réalisation de travaux, si un problème grave se pose. Ou émettre de simple réserves sur de petits points à améliorer : dans ce cas, la location n’est pas bloquée mais pourrait l’être si des améliorations ne sont pas constatées pour le prochain locataire. Le permis de louer est entièrement gratuit, mais un propriétaire qui n’en disposerait pas s’expose à une amende allant de 5 000 à 15 000 euros.
347 visites en un an, 13 refus
En un an, la mise en place du permis de louer a permis aux inspecteurs des services d’hygiène de la ville de visiter 347 logements : « Ce sont des appartements dans lesquels on aurait peut-être jamais mis les pieds, ou pas avant longtemps, » se réjouit Claire Depuille. Seulement 13 dossiers ont été refusés, mais 217 «autorisations avec réserve » ont été délivrées : des biens qui ont donc pu être mis sur le marché locatif mais qui devront obligatoirement faire l’objet de travaux avant un éventuel changement de locataire.De quoi améliorer effectivement la situation dans un centre-ville qui en avait bien besoin : en 2012, une étude menée par Cithédia, avait ainsi montré que dans les deux quartiers de Bourg et de Cité, près de 18% des logements étaient vacants et que près de 20% d’entre eux étaient potentiellement indigne, soit 1400 logements. « Autant on a des propriétaires qui savent s’impliquer, d’autres ne le savent pas forcément et ont laissé faire beaucoup de choses. Je pense que pour la décence de chacun, c’était primordial », apprécie Audrey Zerr, agente immobilière qui apprécie plutôt le dispositif qui assainit le marché locatif de la ville. La mise en place du permis de louer a été vite intégrée par son agence qui travaille de façon étroite avec la ville.Autant on a des propriétaires qui savent s’impliquer, d’autres ne le savent pas forcément et ont laissé faire beaucoup de choses.
Même son de cloche chez Natasha Del Gatto. Cette propriétaire britannique installée à Narbonne ne voit pas les visites des services d’hygiène comme une contrainte mais plutôt comme un service qui lui permet aussi de trouver des conseils, et de se protéger : « Pour moi, c’est des petites choses à mettre en place. J’ai une responsabilité civile par rapport à mes locataires et pour moi c’est impératif que les choses soient mises aux normes afin que je puisse louer en toute tranquillité. »
La ville de Narbonne envisage maintenant d’élargir le périmètre dans lequel le permis de louer est obligatoire. Une convention récente signée avec la caisse d’allocations familiales (qui verse notamment les allocations logements) de l’Aude devrait permettre au service d’hygiène de la ville de mieux identifier les changements de locataire. Et donc d’imposer le permis de louer aux propriétaires qui ne se déclareraient pas spontanément.