Pour son premier roman, Michèle Biard nous livre le récit, entre Carcassonne et Narbonne , d’un bien mystérieux héritage et d’une femme forte, Thérèse. Avec le simple testament, va, comme souvent, se révéler une histoire de famille bien enfouie.
Il y a des villages qui ne cessent de se renouveler, de se réinventer, d’accueillir, peu importe les secrets sordides qu’ils dissimulent. Montsierra est de ceux-là. Niché au cœur des vignes, on vit d’elles, on se bat pour elles. Tout s’y sait mais parfois, la solidarité consiste aussi à tout oublier ou ne pas aller chercher plus loin.
Du côté de Montsierra, un changement dans le train-train quotidien d’hier comme aujourd’hui suscite des commentaires. Cependant moins qu’il y a des décennies car le village a vu s’installer des jeunes couples et des étrangers. On compte aujourd’hui cinq nouvelles nationalités, essentiellement des européens du Nord et en majorité des Néerlandais. Ils sont retraités et amoureux du soleil du Midi. Ils apprécient le bonheur de vivre dans ce petit coin de France viticole et épicurien, mais la plupart ne saisissent pas la subtilité des potins autochtones
Thérèse vit dans la Drôme mais elle est appelée à Montsierra pour un héritage dont elle serait la bénéficiaire. Dans les rues de Carignan, où elle attend son rendez-vous notarial, elle erre comme un fantôme, qu’elle est, pour certains, tant elle ressemble à Marguerite Deloupy. La récente défunte lui lègue sa maison et semble vouloir lui faire passer un message.
Deux histoires qui se rejoignent
Deux histoires se lisent en parallèle : celle, de nos jours, de Thérèse à la recherche de la vérité et celle, en 1962, de Marguerite, fille-mère violée, contre qui le sort va s’acharner. L’auteur, Michèle Biard, ancienne enseignante en sciences sociales et originaire de ces Corbières si bien décrites, va tisser ces deux fils jusqu’à n’en faire qu’un, ténu.
Est-ce l’histoire de Thérèse qu’elle nous raconte ou celle de son village à l’image de cette scène de chasse plus vraie que nature :
Ils partent par petits groupe de trois, les uns prennent le chemin bas bordant les vignes, les autres montent directement par le versant d’une centaine de mètre menant au plateau de la garrigue. Là commencera l’affût. Le soleil enflamme les yeuses et les genévriers, chacun vit ce moment comme s’il est à lui seul destiné. Ces hommes sans chien vont mesurer leur instinct à celui des petits animaux sauvages à l’ouïe plus aiguisée, à l’odorat plus fin mais dépourvus de ce qui les différencie à coup sûr, un fusil
Quelques instants plus tard, le drame aura lieu. Le deuxième avant bien d‘autres, en cascades. Un homme tombe fauché par une balle. Il n’est pas du village. Mais il parlait mal des filles du coin, « pas farouches » selon lui. Un suspect va rapidement sortir de l’ombre.
Dans « Thérèse » la petite histoire croise aussi parfois la grande comme cette année 76 où « plusieurs milliers de viticulteurs, découragés par l’effondrement du prix de leur vin, se sont retrouvés sur le pont de Montredon pour manifester ».
Attachantes Corbières audoises
Cette histoire, Thérèse, va la faire sienne, envers et contre tous, à commencer par elle-même. Parce qu’elle aussi tombera sous le charme de ce « pays » où elle va finir par emménager et qui aurait dû rester, dès sa naissance, le sien. Les Corbières audoises que le lecteur aura encore plus envie de découvrir après avoir lu ce livre.
Thérèse savoure cet intermède avec sa petite voisine. Ici, songe-t-elle, elle se sent bien. Ses racines familiales affleurent peu à peu, l’avenir s’ébauche à tâtons et le présent l’attache minutes après minutes à ce lieu si particulier. Elle est heureuse de venir ici, pour autant, elle n’est pas d’ici. Elle se plaît à penser aux racines de ce terroir et aux contrastes sur lesquels il s’est construit. Sous la rocaille et les mottes séchées par le vent et le soleil, naissent des ceps ligneux, cagneux et solides, sur lesquels de beaux fruits en grappes juteuses se réincarnent en un breuvage vigoureux et subtil
« Thérèse » de Michèle Biard aux éditions «L’Harmattan »
