Alors qu’un peu partout en Occitanie, les vendanges se terminent, les viticulteurs s’inquiètent pour la commercialisation de la nouvelle récolte. Les organisations professionnelles réclament de nouvelles mesures de soutien à la filière.
« La qualité de ce nouveau millésime s’annonce hyper-exceptionnelle. Il a fait très chaud au moment des maturations, ce qui a permis aux grains de développer leurs arômes. Les vins de cette année devraient être très qualitatifs, pour les rouges, comme pour les rosés et les blancs », Frédéric Rouanet, le président du syndicat des vignerons audois semble s’accrocher au positif car les raisons de se réjouir pour la filière viticole sont rares en ce moment. Même la qualité de ces vendanges 2020 est à relativiser : « La qualité est très hétérogène. Pour beaucoup, l’année s’annonce exceptionnelle, il est vrai. Mais pour d’autres les aléas climatiques ont été nombreux : le gel tardif, la grêle, les pluies diluviennes du printemps qui ont provoqué des attaques de Mildiou… ça a été très difficiles pour certains, même si dans l’ensemble, on va faire une très belle année » complète Ludovic Roux, le représentant régional de Coopératives de France, le syndicat qui représente ces structures.
Une belle récolte 2020
Les vendanges ne sont pas tout à fait terminées dans l’Aude, mais les organisations professionnelles tablent sur une récolte comprise entre 3 ,5 et 4 millions d’hectolitres pour le département, soit la moyenne de ces dernières années. Mais cette belle récolte, en qualité et en quantité, va maintenant se retrouver face à un autre défi : celui de sa commercialisation, dans un contexte mondial et national largement marqué par la crise sanitaire et ses nombreux effets. « Pendant et depuis le confinement, nous vendons moitié moins de volume aux cafés et aux restaurants. L’export aussi a été divisé par deux par rapport à septembre 2019 », explique Frédéric RouanetLa distillation a permis d’éviter la crise et de tenir ces quelques mois. Ça a permis d’attaquer la période des vendanges dans une situation normale
Une diminution des ventes à l'international
Et la crise sanitaire n’est pas la seule responsable de ce contexte incertain. A l’automne 2019, les États-Unis, mécontents du soutien de l’Union Européenne à Airbus décident d’appliquer des sanctions aux pays du vieux continent. Avec notamment la mise en place d’une taxe de 25% sur les vins français, allemands et espagnols de moins de 14 degrés. Le confinement d’une partie de la Chine, fin 2019 et début 2020 a aussi été préjudiciable aux ventes. « C’est pour ça qu’il a fallu agir très vite pendant le confinement. On voyait les stocks qui ne partaient pas, on s’est dit qu’il fallait assainir le marché avant la nouvelle récolte » contextualise Frédéric Rouanet. Pendant le confinement, les organisations professionnelles des viticulteurs obtiennent rapidement des mécanismes de soutien de l’Europe et de l’État.Avec notamment, la mise en place d’une distillation de crise, un procédé utilisé exceptionnellement : des aides permettent aux viticulteurs de vendre leurs jus de raisin, sans perdre trop d’argent par rapport aux prix normaux, afin de produire de l’alcool. Un dispositif qui permet à la fois de vider les cuves, pour faire de la place pour la nouvelle récolte, et surtout, de remplir un peu les trésoreries : « L’État a été réactif. La distillation a permis d’éviter la crise et de tenir ces quelques mois. Ca a permis d’attaquer la période des vendanges dans une situation normale » précise Ludovic Roux.
Inquiétudes autour des salons et des foires
La rentrée a donné de nouvelles raisons de s’inquiéter aux viticulteurs. Avec d’abord une situation sanitaire qui ne s’améliore guère et de nouvelles fermetures de restaurants et cafés dans les zones les plus touchées par la reprise de l’épidémie « Il faut de la relance économique, que les gens puissent consommer nos produits ! Dans l’Aude, les organisations professionnelles de la restauration mais aussi de la viticulture travaillent avec la préfecture. On veut absolument éviter de nouvelles restrictions sur les bars et restaurants, mais si la situation empire, la préfète n’aura peut-être pas le choix.» explique Frédéric Rouanet, du syndicat des vignerons audois.Autre inquiétude : celle du maintien, ou non, des salons viticoles et autres foires aux vins. « Ça représente 28% du chiffre d’affaire des vins audois, c’est crucial pour le secteur », d’après Frédéric Rouanet. Jean-Marie Decrozals est un vigneron indépendant installé à Rieux-Minervois. Pendant le confinement, il a pu s’en sortir, malgré l’effondrement du marché de la restauration, en travaillant avec les cavistes qui ont augmenté leurs ventes pendant cette période. Mais le quinquagénaire s’inquiète de la possible annulation des salons : « En Octobre et en Novembre, chaque année, j’enchaine six salons viticoles. De nombreux particuliers ont l’habitude de m’y retrouver pour leurs achats de l’année. Si les salons sont annulés, cela va représenter un manque à gagner de plus de 100 00 euros. Si je n’ai pas cette rentrée d’argent, les 3 ou 4 prochains mois peuvent être catastrophiques.» avec, à moyen terme, des menaces pour l’emploi dans cette entreprise de 5 salariés.
Un autre tournant, après celui du confinement
Une situation pour l’instant sous contrôle, mais qui pourrait vite devenir inquiétante si rien n’est fait : c’est l’analyse partagée par de nombreux acteurs du secteur. « Moins de 10% des coopératives de la région sont en situation d’urgence financière. C’est plus que d’habitude, mais ce n’est pas encore dramatique. Pour l’instant le bateau tangue un peu, mais ça tient encore. Mais on est à un autre tournant, après celui du confinement » analyse Ludovic Roux. Pour les organisations syndicales du secteur, il faut d’autre mesures de soutien aux viticulteurs. « Pendant le confinement, on a beaucoup plus vendu au Bénélux et en Allemagne, ça nous a permis de compenser en partie les baisses sur les marchés américains ou chinois. La Région a mis en place un plan de soutien de 7 millions d’euros pour la filière, les entreprises vont en mettre autant. L’argent de la région va nous permettre d’essayer d’être offensif sur ces marchés » analyse Ludovic Roux. Mais les efforts ne seront peut-être pas immédiatement récompensés. « Il faut des aides pour tenir les quelques prochains mois. Il faut d’autres mécanismes d’allègement de charges, que les banquiers se montrent compréhensifs, peut-être des exonérations d’impôts… Car les vignerons n’ont pas les moyens de ne pas vendre de vin pendant deux ans, les trésoreries ne tiendront pas », complète Frédéric Rouanet.Les incertitudes sur la commercialisation des vins restent nombreuses en cet automne 2020 entre la situation sanitaire du pays et du monde, le résultat incertain des élections américaines, et les conséquences d’un possible BREXIT sans accord.