Daniel Crozes, l'historien du terroir aveyronnais raconte le combat de deux médecines

Inspiré d’une histoire vraie, « Le rebouteux des montagnes » met face à face un célèbre « rhabilleur » de l’Aubrac et un jeune médecin aveyronnais. Qui du don ou de la science a raison ? La justice devra trancher, le lecteur aussi.
 

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C’était un temps où « pour les habitants de l’Aubrac, le troupeau avait autant d’importance que leur famille », où se retrouver à 17 ans « maître du buron après Dieu, grand prêtre du fromage et guide du troupeau pendant cent quarante-deux jours » était la meilleure position sociale qui soit. Mais de la moitié du XIXème siècle au début du XXème tout va changer pour Pierre Brioude.

Celui qui démarra sa vie au contact et au chevet des bêtes la poursuivit aussi au contact et au chevet des hommes comme « rebouteux ». Un don qu’il ne voulut jamais exploiter pour faire fortune mais qu’il mit à disposition des autres, une fois son métier de cantonnier terminé, puis une fois l’heure de la retraite venue.

« Librement inspiré » de la vie de Pierrounet de Nasbinals

Ce roman est « librement inspiré » de la vie de Pierrounet de Nasbinals, Pierre Brioude (1832-1907). Ces dates, qui entourent sa vie, sont importantes parce que cet espace-temps marque l’avènement de la médecine moderne. Une médecine qui, à la campagne, doit alors parfois trouver sa place face aux croyances ancestrales.

Ce sera le combat d’un jeune médecin établi en Aveyron après avoir fait ses études à Toulouse. Bertrand Miquels va partir en croisade contre les « charlatans » et surtout contre « le rebouteux des montagnes » comme il appelle Pierrounet. Une lutte qui mènera les deux hommes devant le tribunal, mais qui dépassera largement les murs du Palais de justice de Marvejols.

Les « blancs » contre les « rouges »

Cet affrontement, qui va être le leur, va aussi devenir celui des « blancs » contre les « rouges », autrement dit les conservateurs contre les républicains. Mais même s’il s’agit ici de couleurs, rien n’est vraiment tout blanc ou tout noir, dans un camp comme dans l’autre. Daniel Crozes connaît toutes les nuances et les subtilités de ce peuple de l’Aubrac. Il ne le caricature jamais.

L’historien et romancier a un double mérite : celui de nous plonger dans un récit digne d’un roman policier tout en nous faisant visualiser Aveyron, Lozère, et même Paris de ce début de vingtième siècle. Paysages, métiers, traditions, positions sociales, tout y est décrit au cordeau, sans nous faire perdre de vue les personnages et leurs fragilités. Le dénouement ne tombera pas plus dans le cliché ou la sentence facile, même s’il faudra bien que la justice passe.

"Le rebouteux des Montagnes" de Daniel Crozes, Editions du Rouergue
Extrait du "rebouteux des montagnes" de Daniel Crozes
Tout avait commencé à Saint-Laurent-de-Muret alors qu’il n’avait pas encore vingt ans et qu’il était cantalès d’hiver. Des habitants de la bourgade puis de la commune, constatant qu’il avait le « biaïs » pour remettre sur pied facilement les animaux, l’avaient convaincu qu’il pourrait procéder de la même manière sur les hommes et avec sûrement la même réussite. Il avait de la puissance, de la patience, de l’habileté, de la douceur, qualités requises pour un rebouteux. Saint-Laurent-de-Muret ne comptait aucun médecin. Les blessés et les malades n’avaient pas d’autre choix que de prévenir le médecin de Nasbinals, localité distante de dix-huit kilomètres, alors que son confrère de Marvejols qui était plus proche puisqu’une douzaine de kilomètres seulement séparaient Saint-Laurent-de-Muret et la sous-préfecture lozérienne. Les deux praticiens acceptaient rarement de s’y déplacer avec leur voiture à cheval, surtout entre la Toussaint et Pâques. Encerclés de sommets dépassant une altitude de 1200 et parfois même 1300 mètres, le chef-lieu et ses fermes ressentaient l’isolement pendant la période hivernale. Ils étaient bloqués par des tempêtes et des congères pendant des semaines. Les hommes se blessaient parfois dans les étables en s’occupant de leurs animaux, ou dans les granges en s’affairant autour des meules de fourrage, souffrant alors d’une simple entorse, d’une foulure, d’une luxation ou d’une fracture. Les accidents étaient ensuite nombreux dès que les éleveurs s’activaient à l’extérieur pour le domptage des bœufs, l’abattage des arbres qui étaient débités en billots pour le chauffage ou la réparation des murettes de clôture en pierres sèches dans les devèzes et les champs. Pierrounet n’avait pas l’habitude de refuser un service. Malgré son manque d’expérience, il avait considéré que « rhabiller » une femme, un homme, un enfant ou un vieillard n’était peut-être pas au-dessus de ses forces. Sans promettre de résultats probants pour qu’il n’y ait pas d’amère déception, il s’y était essayé et il avait souvent réussi. Il n’avait jamais prétendu être médecin ou chirurgien ni les remplacer.
 
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