48 heures après les annonces du gouvernement, et toujours plongés dans une colère froide malgré la levée de certains blocages dans le pays, les agriculteurs alertent toujours sur leurs conditions de travail. Exemples avec deux professionnels basés dans l'Aveyron, dans deux secteurs différents : l'élevage et le maraîchage. Ils attendent beaucoup plus que les mesures promises par le premier ministre.
Ils ont suivi avec attention les annonces du premier ministre Gabriel Attal vendredi 26 janvier à Carbonne (Haute-Garonne). L'un depuis son exploitation maraîchère à La Bastide l'Evêque (Aveyron), l'autre depuis un point de blocage sur le rond-point situé près d'un Mcdonald's de Rodez. Mais ces promesses lancées au micro ne leur suffisent pas car le mal est plus profond pour eux.
"La passion n'a jamais fait bouffer personne"
"Le problème au quotidien, c'est la distorsion de concurrence de nos produits et le prix sans cesse tiré vers le bas. Ça nous empêche de vendre notre marchandise à un prix qui permet de rémunérer nos salariés et nous-même" analyse Téo Boutrelle, maraîcher depuis 10 ans avec son frère Mano.
"On produit à perte à cause des importations : la moitié des produits que l'on consomme est française. Depuis 10 ans, j'ai toujours connu le flux tendu, et ça, ça n'est pas normal. La passion n'a jamais fait bouffer personne."
Même constat quelques centaines de mètres plus loin, dans un tout autre secteur. Sascha Vue est éleveur d'ovins, installé depuis 4 ans à Saint-Salvadou (Aveyron). "On arrive tout juste au SMIC, en faisant sans la grande distribution qui récupère les marges. C'est indécent !" déplore-t-il, sa fourche à la main. "On arrive à tout juste à vivre comme ça, mais plein d'autres n'y arrivent pas et c'est compliqué pour eux."
"On brade de la viande d'agneau pour échanger des produits divers"
Les promesses du gouvernement ne sont donc pas accueillies avec joie par ces deux professionnels. Pire, elles sont perçues avec défiance. "On s'en méfie avec ce gouvernement, on connaît son double discours" répond froidement Sascha Vue.
"On les entend dire qu'ils sont contre les accords de libre-échange. C'est super mais c'est un peu tard car ils en ont signé un avec la Nouvelle-Zélande, il y a quelques mois, qui me concernent directement. On sait ce que ça veut dire, on brade de la viande d'agneau pour échanger des produits divers."
Est-ce-que ça va immédiatement nous aider à augmenter le revenu et faire que l'on se sente bien dans le métier ? Évidemment que non. Il y a un problème structurel de fond sur les prix. Le problème, c'est la question des revenus pour nos produits.
Sascha Vue, éleveurà France 3 Occitanie
"Ça ne va rien résoudre du tout" résume quant à lui Téo Boutrelle, qui gère entre 3 et 6 salariés en fonction des saisons. "Ce sont juste des réponses aux caprices de quelques entrepreneurs, mais ça ne répond pas à la problématique paysanne."
La PAC toujours remise en cause
Malgré ça, ils vont être particulièrement attentifs à ces promesses qui ne doivent être qu'un début selon eux. "Je m'adresse aux politiques : si demain, on signe une nouvelle PAC plus au profit de notre agriculture, on s'en sortira" prévient Téo Boutrelle, qui n'a pu être présent sur les blocages, forcé de s'occuper de son exploitation.
"On ne baisse pas les bras, on aime ce que l'on fait, être au contact de la nature, on y croit. On sent que l'on est en phase avec la société" positive néanmoins Sascha Vue, également co porte-parole de la Confédération Paysanne de l'Aveyron.
Ce dernier espère aussi susciter des vocations pour avoir de plus en plus d'agriculteurs dans les campagnes. Histoire que leurs combats concernent et sensibilisent davantage en Occitanie.
(Avec Jordan Lasserre)