Bâtie en 1147 par des moines cisterciens au cœur d'une vallée sauvage, entre Espalion et Laguiole, l'abbaye abrite depuis 145 ans des sœurs chocolatières. Leur vie est rythmée par les offices religieux et la fabrication d'un chocolat dont la réputation a franchi les frontières de l'Aveyron. Bienvenue dans l'univers très fermé des moniales de Bonneval.
C'est l'une des plus anciennes chocolateries au monde encore en fonctionnement. Depuis 1878, elle est tenue par les sœurs cisterciennes de l'abbaye de Bonneval sur la commune du Cayrol.
Isolées dans la vallée du Lot, au milieu de la forêt et des premiers contreforts de l'Aubrac, les sœurs mènent une vie de prières et de travail. Grâce au chocolat, elles peuvent entretenir et rénover les bâtiments.
"On est sur le bord d'une vallée très encaissée, c'est pour ça que nous faisons du chocolat. Souvent les Cisterciens gagnent leur vie avec une activité agricole. On voit bien qu'ici ce n'était pas possible."
Sœur Anne-Claire, gérante de la chocolaterie
Des recettes enrichies au fil des ans
Ici, depuis 145 ans, on mélange, broie, affine et malaxe le chocolat selon des recettes transmises de sœurs à novices et enrichies au fil des ans. Noisettes, nougat, poudre de cacao... pas moins de treize variétés de tablettes sont fabriquées sur place sans conservateur ni colorant avec pour seule graisse végétale le pur beurre de cacao.
Les sœurs fabriquent également des bouchées et bonbons pralinés, de petites bouteilles à la liqueur ou encore des napolitains parfumés aux pétales de roses, de vanille, ou plus localement de thé d'Aubrac.
Les produits, qui contiennent de 53 à 78 % de cacao, sont vendus dans la petite boutique de Bonneval, dans les grandes surfaces, les magasins spécialisés ou encore sur internet sur le site de l'abbaye : https://www.abbaye-bonneval.com/fr/abbaye/moniales_cisterciennes.php
Trente tonnes de produits finis sont fabriquées chaque année par les sœurs et leur équipe.
"Les sœurs travaillent à la chocolaterie selon leurs moyens et leurs conditions physiques, parfois une ou deux heures par semaine. L'une d'elles a quatre-vingt-dix ans, elle a un poste adapté. On s'organise pour qu'elle puisse apporter sa petite pierre à l'édifice, parce que c'est sa vie".
Pierre Ferrand, chocolatier et responsable commercial de l'abbaye
La chocolaterie est établie sur trois niveaux. Certaines machines, qui ont plusieurs décennies, ont été bricolées sur mesure pour répondre aux besoins de fabrication.
Une équipe de cinq laïques
Jusqu'en 2002, les sœurs importaient les fèves de cacao et les torréfiaient elles-mêmes. Aujourd'hui, elles fabriquent le chocolat à partir de pastilles déjà torréfiées car les normes sanitaires ont changé et elles ne peuvent disposer d'un laboratoire. Depuis 2003, elles sont épaulées par une équipe de cinq laïques qui travaillent à l'abbaye à temps plein.
"Nous avons entre 38 et 94 ans et nous vivons une vie axée sur la prière et la fraternité. Nous essayons de gagner notre vie suffisamment pour pouvoir entretenir aussi les bâtiments".
Sœur Michèle, mère abbesse de l'abbaye depuis 1996
Neuf siècles d'une histoire mouvementée
Fondée en 1147 dans la vallée du Lot par des moines cisterciens, l'abbaye de Soulages-Bonneval traverse la Guerre de Cent ans au XIV siècle et les guerres de Religion au XVIe siècle.
Mais à la Révolution française, elle est découpée et vendue en lots.
Les bâtiments serviront de carrière de pierre. Il faudra attendre 1875 pour que s'y installent les sœurs trappistines de Maubec en Provence. Elles font rebâtir l'abbaye selon les plans primitifs.
Sept offices sont célébrés chaque jour dans l'église.
Et si l'odeur de l'encens se mêle parfois à celle du chocolat c'est pour la bonne cause : maintenir debout cette abbaye de neuf siècles où vingt-cinq moniales concilient harmonieusement vies active et spirituelle.