Cet après-midi, le Tribunal administratif de Montpellier se penche sur les arrêtés permettant la réouverture des commerces "non-essentiels" malgré l'application du confinement. A la barre, deux maires organisent leur propre défense : Robert Ménard et Louis Aliot.
C'est avec une grande fermeté que le préfet de l'Hérault, Jacques Witkowski, s'est exprimé ce mardi à la barre du Tribunal administratif de Montpellier pour demander la suspension de l'arrêté pris par Robert Ménard, maire de Béziers. Un arrêté qui permet l'ouverture des commerces jugés "non-essentiels", pendant le confinement.
Tout comme le maire de Béziers, le préfet de l'Hérault a souhaité organiser lui-même sa défense. Une situation inédite dans ce Tribunal administratif où un duel préfet-maire s'est tenu ce mardi après-midi.
Il ajoute, "c’est une atteinte grave que nous avons aujourd’hui devant nous. Les maires n’ont pas la faculté d’ignorer l’application des lois et règlements, dont je suis le garant sur le territoire de l’Hérault". Ce dernier estime qu'avec cet arrêté, le maire de Béziers incite directement les commerçants à ne pas respecter la loi.Je suis confus et désolé de me retrouver ici devant vous, à échanger des arguments juridiques sur une affaire qui n’aurait jamais dû venir devant votre tribunal.
"Il n'y a jamais eu le mot fermeture dans le décret publié par l'Etat"
Face à lui, Robert Ménard n'a pas faibli. "Oser dire que les maires comme moi sont des irresponsables est une insulte", a répondu le maire de Béziers. Dimanche, Bruno Le Maire, Ministre de l'économie avait dénoncé les arrêtés municipaux prononcés par certains "maires irresponsables", en faveur de la réouverture des petits commerces.Il poursuit, "sur le fond, le décret en aucun n’interdit aux commerces d’ouvrir. La preuve, il propose même à ces commerces d’accueillir du public pour la livraison et le retrait des commandes. Je ne joue pas sur les mots, il n’y a jamais le mot fermeture dans le décret. Je pense même que Monsieur le préfet, dans sa réplique s’est attribué des pouvoirs dont il ne dispose pas, s’appuyant sur un texte qui ne le prévoit pas".
Au cours de sa plaidoirie, le maire de Béziers a rappelé à plusieurs reprises "je ne suis pas un spécialiste du droit", pointant du doigt les incohérences des décisions prises par le préfet de l'Hérault droit dans les yeux de son adversaire.
Il est inéquitable, injuste et déloyal de permettre à certains de vendre un certain nombre de produits que les petits commerçants n’ont pas le droit de vendre. Nous ne sommes pas plus en sécurité dans un hypermarché que dans un petit commerce du centre-ville.
Il estime également que la défense du préfet de l'Hérault se base sur un Tweet qu'il a posté et non sur l'arrêté en lui-même.
Dès la sortie de l'audience, Robert Ménard réagit quant à l'affrontement qu'il vient d'avoir avec le préfet de l'Hérault, "j'ai été sidéré du ton qu'il a employé. On a eu le droit à des sous-entendus comme si on ne se souciait pas de la santé de nos concitoyens et lui ne pensait qu'à cela".
12 communes concernées en Occitanie
Au total 12 communes d'Occitanie ont pris un arrêté similaire, permettant l'ouverture de tous les commerces de proximité. Dans l'ex Languedoc Roussillon on retrouve notamment, Carcassonne, Narbonne, Ille-sur-Têt, Pia ou encore Claira. Cet après-midi, devant le Tribunal administratif de Montpellier, 5 communes sont jugées.On comprend bien l'urgence et la gravité de la crise. Mais si on veut faire vivre l'économie, on ne peut pas à ce point faire une distorsion de concurrence entre les uns et les autres. J'ai donc pris un arrêté d'alerte pour expliquer au gouvernement qu'il est en train de faire mourir les petits commerçants.
Autre élu présent à cette audience, Louis Aliot, maire de Perpignan. En tant qu'ancien avocat, lui aussi a organisé lui-même sa propre défense détaillée point par point. Une défense basée principalement sur la mise en place d'une mesure "disproportionnée" selon lui. "Il faut rétablir l'équilibre entre le respect des mesures sanitaires et le respect de l’économie qui est aujourd’hui malmenée par la période", précise Louis Aliot.
La décision du Tribunal administratif sera rendue publique demain au cours de la matinée. Mais d'ici là peu de suspens. Comme cela a été le cas à Montauban, la Justice estime généralement qu’un maire peut durcir mais jamais adoucir une mesure de police prise par l’État.
Des mesures pour soutenir les commerçants
Optimiste quant à l'issue de cette décision, le maire de Perpignan a lancé une pétition en ligne intitulée "Soyons responsables ! Sauvons nos commerçants !". Avec cette dernière, il demande au gouvernement "d'agir de toute urgence en créant une taxe sur les transactions commerciales en ligne dont les dividendes seront reversés aux commerçants sinistrés par le biais d'un fonds d'Etat spécialement dédié".
Robert Ménard quant à lui soutient les commerçants par la mise en place de la livraison à domicile. Les commerçants qui souhaitent participer à cela s'inscrivent sur une plate-forme, ils prennent en charge la commande, le moyen de paiement et la préparation du colis. En revanche, ce sont les agens de la ville qui procèdent à la livraison le mercredi et le samedi de 14h à 20h.
Fermeture des rayons non-essentiels dans les supermarchés
Ces derniers jours, partout en France la polémique concernant la fermeture de ces commerces de proximité a gonflé. Face à ce débat grandissant, le Premier ministre, Jean Castex, a réaffirmé, avec fermeté dimanche soir, que les commerces non essentiels devaient rester fermés.Il a en revanche décrété la fermeture des rayons jugés non-essentiels (vêtements, livres...) dans les grandes surfaces à partir de demain, mercredi 4 novembre, afin "d'apaiser les tension". Les petits commerçants estimaient en effet que l'ouverture de ces rayons dans les supermarchés était totalement absurde.