Dans le Gard, un rééquilibrage est en vue. Le FN est en embuscade. Chaque camp a un chef de file. La campagne sera déterminante pour fixer une majorité. Forcément étriquée. Le nombre de cantons passe de 46 à 23.
Le département du Gard est un miroir. Il est plus exactement le reflet du phénomène destruction-reconstruction qui secoue l’univers électoral dans tout le pays.
Historiquement, le Gard est un territoire où la culture politique s’inscrit dans une certaine radicalité. L’ancienne présence communiste (tous les députés étaient PCF en 1978) et l’absence d’une démocratie-chrétienne de nature tempérée témoignent d’une passion politique comme trait culturel. La prégnance nouvelle de l’enracinement du Front National souligne «un esprit des lieux» particulier qui demeure, même si les questions sociologiques et urbaines participent aussi de l’explication d’un vote «nationaliste» en augmentation continue.
Cette donnée est importante ; elle pose comme une évidence la tripartition de l’offre électorale qu’ont déjà validée par le passé les électeurs. Elle signifie une incertitude quant à l’issue du scrutin d’autant plus que le redécoupage des cantons ouvre de nouveau le jeu pour la droite. Le rééquilibrage numérique entre les aires rurales et urbaines devrait profiter à la droite UMP-UDI et aussi au Front National.
La géographie électorale nous montre l’installation confortable de ces deux forces politiques dans le périurbain où la logique pavillonnaire et la destruction des identités locales entretiennent ce que le sociologue Jean Viard nomme «le Poujadisme des villages».
La gauche, cependant, compte encore un certain nombre de municipalités en responsabilités et ses relais restent multiples sur le territoire. Elle devra «départementaliser» sa campagne car, au-delà d’un «effet Charlie», l’exécutif gouvernemental reste impopulaire notamment sur la question du chômage, si prégnant dans cette terre jadis la plus industrielle du Languedoc.
Une droite à l'unisson
A défaut de s’aimer d’un amour sincère, les partis de la droite républicaine et du centre (UDI et Modem) ont décidé de faire l’union. Cette approche ne peut être qu’un viatique pour cette famille politique qui devra compter avec la concurrence sérieuse des candidats frontistes.
Le leader de cette coalition est Laurent Burgoa. Ce juriste, proche de Jean-Paul Fournier, est déjà adjoint à la ville de Nîmes et a travaillé à l’éclosion de cette alliance. Ce résultat au regard des inimitiés qui traversent ce «Mundillo» est le début d’une alternative sérieuse à la majorité en place. Là où dans l’Hérault, l’UMP, plutôt proche de Nicolas Sarkozy, a refusé le Modem pour sa proximité avec Alain Juppé, les responsables UMP du Gard ont joué la concorde. Ainsi, à ce jour, sur quasi tous les cantons, l’union a primé.
Il y a toutefois une exception : Marguerittes. Un combat entre le binôme William Portal/Joelle Murré (les deux sont sortants) et le duo UMP Serge Reder/Anita Agullo promet des reports de voix difficiles et devrait permettre au FN d’arriver en tête lors du premier tour.
Ainsi, la droite compte sur sa maîtrise des villes pour prendre d’assaut le Conseil départemental. Les élections municipales de 2014 ont montré une certaine souveraineté de la droite dans les aires urbaines de Nîmes et Alès. Cette suprématie a été d’autant plus forte que les divisions de la gauche en ont renforcé l’effet. De fait, ce qui n’a pas été possible lors des échéances départementales de 2008 et 2011 deviendrait-il réalisable au printemps ?
La célèbre «théorie des dominos» serait-elle enfin une prophétie à portée de mains ?
Une dichotomie ville-campagne
Le contexte national est un élément porteur et en même temps source d’inquiétude pour les candidats de la droite. Le calendrier électoral a transformé les élections locales en un moment d’évaluation des politiques gouvernementales. En général, en un vote sanction au regard des élections passées sous les mandatures de Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy. Indubitablement, la gauche devrait être sanctionnée lors des élections départementales.
Seulement voilà, un écueil pour la droite de gouvernement, la mobilisation de ses partisans n’est pas assurée tant cette famille de pensée doit aussi revisiter sa propre identité. De fait, la mobilisation différentielle ne devrait pas être à l’optimum pour l’UMP alors même qu’elle pourrait être plus positive pour le Front National.
Le contexte local plaide pour une poussée marquée de cette union UMP/UDI/MODEM. Les principales villes sont devenues des citadelles de droite dans le département et la possibilité cette fois-ci d’une alternance départementale devrait mobiliser les élus déjà installés et le réseau militant. Max Roustan et Jean-Paul Fournier ont des proches lancés dans la bataille et leurs victoires résonneraient comme un fief consolidé et surtout assommerait un adversaire de gauche déjà bien blessé dans l’espace urbain.
Toutefois, en s’éloignant des villes, la tâche pourrait être plus corsée pour la droite où les réseaux du Conseil général fonctionnent et où la présence du Front National est un fait déterminant et perturbateur pour la logique classique.
Le Front national autrement qu'un figurant
Dans ce département du Gard, le travail militant et de terrain est sûrement l’un des plus importants dans la région. Affichage, distribution de tracts, les partisans de Marine Le Pen arpentent le territoire. Cette visibilité est d’autant plus grande qu’elle est relayée par une certaine forme de notabilisation de ses représentants. Néanmoins, sur ce point-là, le travail de sélection des cadres n’est pas encore achevé, ce dont témoignent l’hétérogénéité des candidatures proposées pour ces départementales.
Mais, l’impact de Gilbert Collard, le député de la Camargue, et le militantisme de Julien Sanchez, le jeune maire de Beaucaire, renforcent l’idée d’une banalisation de la présence du FN ; mieux encore, elle donne à cette présence un caractère d’un naturel touchant à l’évidence. Cette représentation et la «radicalité» des cultures politiques gardoises permettent aux frontistes de nourrir quelques espoirs. Notamment autour de Beaucaire, à Marguerittes où la division de la droite républicaine aura des conséquences ou encore à Nîmes où le jeu de la mobilisation différentielle en faveur du FN pourrait créer des surprises.
A priori, la conquête du département par la «droite nationale» est exclue mais sa présence au sein de l’assemblée pourrait être un élément déterminant au moment de l’élection du Président. Presque une clef !
Une gauche encore debout
Jean Denat est le nouveau président du Conseil Général du Gard depuis le départ de Damien Alary au perchoir régional. Ce cavalier émérite a charge de mener la campagne pour le compte du Parti Socialiste. Peut-être une chance pour celui-ci.
Cet enseignant, venu de Vauvert, est un combattant. Un capitaine dont le territoire d’élection est depuis tant d’années marquées par des batailles électorales avec la droite et le FN ; bref, il sait ce que sont les contingences des élections qu’il faut aller chercher à la force de la volonté et de la persuasion. Fin connaisseur des dossiers (parfois mieux que son administration), ce proche de Manuel Valls insistera sur le caractère départemental de l’élection pour limiter le vote sanction envoyé à l’Elysée par les électeurs.
Le PS devrait se maintenir dans les zones rurales même si l’ascension du Front National devrait écorner des notabilités acquises. Dans l’urbain, la situation reste plus incertaine bien que la concurrence UMP/FN pourrait offrir des qualifications pour le second tour.
Dans le Gard, l’union est un combat. Même si dans la plupart des cantons, à force de longues discussions, des accords ont été trouvés entre les différentes composantes de la gauche (PS, PCF et les Verts), d’autres sont l’objet de polémiques importantes. Les socialistes se sont déchirés à Bagnols-sur-Cèze entre les amis de Jean-Christophe Rey et le conseiller général, PS lui aussi, Alexandre Pissas. A Nîmes, le cas du 4ème canton est significatif des incompréhensions et autres hostilités nées lors des municipales de 2014. Ainsi, Sylvette Fayet, une grande figure de la gauche communiste à Nîmes, a décidé de se présenter face à Jean-Paul Boré, l’ex secrétaire fédéral du PCF 30, soutenu par la majorité départementale et proche, dit-on, de l’économiste socialiste Jean Matouk et de l’ex-ministre Georgina Dufoix.
Rien n'est acquis !
En définitif, les jeux sont ouverts dans le Gard. Rien n’est encore acquis, ni pour les uns, ni pour les autres. Les semaines de campagne seront décisives pour déterminer la composition d’une assemblée départementale où le moindre siège pourrait être déterminant.