L'Hérault passe de 49 à 25 cantons. Ce département dirigé par des socialistes depuis l'après-guerre risque bel et bien de connaître un éparpillement électoral sans précèdent. Du fait du départ de la figure incontestée du conseil général, son président André Vézinhet et du redécoupage du territoire.
Hérault : vers un éparpillement électoral sans précédent
Finie l’hégémonie socialiste. Béziers et Montpellier au centre du jeu. Un futur président sans majorité ?
Jusque là, jamais, une élection départementale de l’Hérault était sujet de suspens politique. Pensez donc : depuis 1945, les socialistes jouissent d’une hégémonie incontestable par le croisement d’une forte tradition républicaine et de la puissance des notabilités acquises. L’alternance alors ? Seulement une idée inimaginable !
Ainsi, depuis l’après guerre, seuls 3 socialistes présidèrent aux destinées de l’Hérault : Jean Bène, Gérard Saumade et André Vézinhet. De là, un certain conservatisme méridional et le fin maillage du territoire départemental. En conséquence, une citadelle inexpugnable !
Cependant, les données changent et 2015 pourrait redessiner une autre assemblée départementale. En effet, le rapport de forces tel qu’il est ordonné aujourd’hui au conseil général est une pure fiction : 43 élus pour la gauche, 3 pour la droite républicaine.
Les élections nationales montrent un glissement progressif de l’électorat héraultais vers la droite, et ce depuis les élections législatives de 1986. Le postulat jadis d’un « Midi Rouge » n’est plus d’actualité et les scrutins de 2015 devraient le confirmer.
Les raisons de l'éparpillement
Une dynamique nationale pour l’opposition
Pour la 1ère fois de l’histoire de la 5è République, tous les cantons sont renouvelables le même jour et sur l’ensemble du territoire national. Le fait que désormais, depuis l’inversion des élections législatives et présidentielles, l’élection du Président de la république est suivie des élections des députés a transformé les élections locales en test grandeur nature pour le gouvernement en place. Au temps de Nicolas Sarkozy, les élus locaux de l’UMP ont payé au prix fort le mécontentement des citoyens. Malgré un effet Charlie, l’apathie de la croissance économique et le niveau élevé du chômage sont autant d’éléments d’un vote sanction. Ce vote de mécontentement prendra deux formes : un vote pour les oppositions (nous comprenons dans cette appellation le Front de Gauche et le Front National) et une abstention forte chez les électeurs de François Hollande. Mécaniquement, un gonflement des votes UMP et Front National et une difficulté pour le maintien dans bien des cantons pour les candidats de gauche, surtout s’ils ne bénéficient pas d’un ancrage local important. En effet, le changement de loi électorale obligeant à l’obtention de 12,5% des inscrits (contre 10% des votants avant 2011) combiné à la haute abstention sera une grande faucheuse, notamment pour la gauche divisée. Nous signalerons que le PS, à ce jour, a signé un seul accord de partenariat avec le PRG (qui pèse fort peu électoralement sauf à Mèze avec Yves Piétrasanta). Les Verts et le Front de gauche partiront sous leurs bannières. Un vrai problème pour les partisans du gouvernement.
Une nouvelle géographie électorale
Si de nouveaux cantons étaient apparus en 1994, cette fois-ci la carte a été complètement redessinée. A la faveur d’une loi obligeant la présence d’un binôme Homme-Femme pour mettre un terme à la féodalité machiste qu’étaient les Conseils Généraux, les territoires électoraux ont été redécoupés sur une base démographique. Ainsi, les cantons ruraux perdent du poids par rapport aux cantons urbains. Là-bas, le Parti socialiste bénéficiait de solides appuis tant il est vrai que là l’action départementale est visible et les relais de clientèle puissants. Cette réserve en termes numériques est, de fait, épuisée. Le rééquilibrage opéré au bénéfice de l’urbain et du périurbain, plutôt orientés vers un vote conservateur voire nationaliste, est une vraie épine pour le PS qui, à part Frontignan, ne contrôle quasiment aucune des 10 plus grandes communes du département. L’enjeu est de taille et d’autant plus compliqué que deux nouvelles forces politiques, certes sur des positions complètement différentes, sont apparues à Béziers et Montpellier. Les cartes se brouillent.
Quid du Ménardisme et du Saurélisme ?
A ce jour à Béziers, le PS dispose de 3 conseillers généraux sur les 4 postes disponibles. L’irruption de Robert Ménard dans le jeu politique et son habileté à nouer des alliances, notamment avec le Front National, compliquent voire rendent impossible la tâche des candidats de gauche. Avec une diffusion de ce vote là dans l’espace de communes jadis marquées par un vote communiste, le combat s’annonce âpre. Le capital personnel des candidats de gauche et de droite sera déterminant pour faire face à un phénomène « Ménardiste » qui ne devrait pas être handicapé, lui, par l’abstention. Par conséquent, ces élections cantonales serviront de test quant à l’implantation de la personnalité de Robert Menard dans un territoire bien plus vaste que Béziers « intra muros » en vue de nourrir d’autres conquêtes (par exemple la députation) à l’horizon 2017.
A Montpellier, la problématique est intéressante. Elle pose la permanence du Parti Socialiste comme pierre angulaire du système politique local. La victoire municipale de Philippe Saurel a bien ébréché un PS que l’on sent aujourd’hui en grandes difficultés dans la préfecture départementale. Aujourd’hui, les socialistes ont tous les sièges montpelliérains au Département. En poussant ses candidats, Philippe Saurel, en cas de triomphe, peut faire coup double, voire coup triple. Il relègue le PS à ses travaux de reconstruction et l’évide d’une force militante déjà durement touchée. Il peut par son groupe au Département décider le nom du futur président. Enfin, il renforce sa légitimité, vise la Région et par son projet de Pôle Métropolitain se crée de multiples relais qui demain pourraient fonctionner à l’image d’une fédération d’élus au service de son ambition. Sans les partis politiques, notamment ceux de gauche, réduits, en cas de perte du département, à la disette.
Une guerre sans un chef !
Contrairement au Gard et aux Pyrénées-Orientales où chaque camp a désigné un Général, l’Hérault, lui, ne connaît pas le nom des officiers en chef. A gauche, le retrait d’André Vézinhet semble montrer une succession non préparée. Sur son canton, cette affirmation est une évidence puisque le Président du Conseil Général a décidé de laisser les Radicaux de Gauche –sans grande attache dans le secteur- alors même qu’il est le secrétaire de la section socialiste de la Paillade. Cette section PS –comme hier celle de Philippe Saurel dans le 3ème canton- est l’une des plus importantes de l’Hérault avec près de 300 militants. Mais, aucun pour prendre la relève ? Ce qui est vrai au niveau du canton semble l’être sur le département. En cas de victoire de la gauche, qui au perchoir ? Rien ne semble acquis même si les noms de Kébler Mesquida et Pierre Bouldoire reviennent. Ce qui laisse penser tout de même à quelques tiraillements intérieurs.
A droite, là aussi une inconnue : qui à la présidence ? Pas de réponse même si l’UDI Sébastien Frey , élu agathois, a dit son intérêt. Par ailleurs, la droite UMP profitera de la parité pour lancer de nouvelles têtes et de nouveaux militants à l’abordage. Mais, elle trouvera sur sa route un Front National conquérant mais qui peine encore un peu à notabiliser ses candidats. Il est à parier que le Front National sera présent au second tour sur plus de la moitié des cantons et devrait être en mesure de l’emporter sur au moins 4 secteurs.
Conclusion
Ce panorama incertain conduit à un scénario politique de balkanisation (saurélistes, Front National…) qui pourrait donner l’élection d’un président au « 3e tour » c'est-à-dire sans majorité absolue. Cela signifierait l’obligation de négocier chaque vote à chaque session en vue d’obtenir des majorités techniques. Dans l’Hérault plus qu’ailleurs cette élection faite pourtant pour des notables marquera la fin du bipartisme et le retour des négociations de couloirs que le scrutin majoritaire, symbole de la 5è République, voulait éviter !