En Lozère, les jeux sont ouverts. La droite est favorite. Mais rien n’est fait. La division électorale Nord/Sud continuent. Mais 3 cantons pourraient décider de la majorité. De 25, on est passé à 13 cantons. Et ici, chaque voix comptera.
La lecture électorale de la Lozère a toujours été une facilité pour les écoliers.
Schématiquement : au Nord une droite installée, enracinée dans le double creuset et de l’élevage et de la ferveur catholique, et au sud, plus précisément dans les Cévennes, une agriculture vivrière et un fort ancrage protestant avec une expression socialisante. Avec un déséquilibre démographique au profit du Nord et un découpage, de fait, des cantons où les bastions de la droite républicaine étaient nombreux. Mais cette logique immuable au moment du dépouillement des urnes est, cependant, à relativiser depuis quelques années. Un rééquilibrage du rapport de forces a eu lieu.
Un rééquilibrage politique
Deux villes symbolisent un retour de la gauche, voire son enracinement.
Langogne, tout d’abord, après le départ de Robert Surjous de l’UMP, est devenue une terre d’élection pour la gauche. Municipalité et canton dans son escarcelle. Dans son voisinage proche, le canton de Chaudeyrac, longtemps fief d’Hubert Libourel, est passé de manière inattendue à gauche lors de la dernière consultation électorale. Dans ce secteur où le seul socialiste à affronter, depuis 1994, avec succès les votes est Jean-Claude Chazal (canton de Grandrieu), la théorie des dominos semble avoir une certaine résonance.
Mende, la préfecture de la Lozère symbolise la reconversion (provisoire ?) d’un électorat démocrate-chrétien vers la gauche réformiste. Ce fut d’autant plus vrai à Mende, que dans la foulée de l’élection de 2007 avec le score élevé de François Bayrou, le Modem de Jean-Jacques Delmas (maire inamovible durant 25 ans et qui se retirait du jeu politique) a porté la candidature du socialiste Alain Bertrand pour contrer celle de l’UMP Francis Saint-Léger, jadis protégé du maire mendois. Du coup, la ville eut pour la première fois un premier magistrat de gauche sous la 5è République. Réélu l’an passé. Le canton du Sud est acquis à Francis Courtes depuis 2001, un divers gauche urbain et travaillant au fond tous ses dossiers, et le canton Nord est depuis 1988 représenté par Pierre Hugon, un homme de centre droit très inscrit dans les réseaux agricoles et proche de Jacques Blanc. Néanmoins, la présence de la gauche aux manettes de la municipalité assure une maîtrise de réseaux bien utiles à l’heure de convaincre les électeurs.
Un redécoupage : 3 cantons pour une majorité !
Avant la modification de la carte électorale, la Lozère comptait 25 cantons et une répartition en termes d’élus favorable à la droite : 15 contre 10. Notons, en outre, que le PS ne représente qu’une petite minorité dans le groupe de gauche au Département. Hormis Denis Bertrand, Sophie Pantel et Jean-Claude Chazal, les deux derniers pas toujours en symbiose avec le maire de Mende, tous les autres élus sont soit divers gauche (sans attache partisane particulière) ou appartiennent à de petits mouvements politiques (Verts, PCF,PRG).
Cette distinction vaut aussi pour la droite et souligne combien le vote dans les territoires ruraux est toujours conditionné par l’équation personnelle tant la connaissance mutuelle élus et électeurs –redoublée par les réseaux et familiaux et professionnels- est une caractéristique indiscutable. Même dans le cas de cantons élargis, cette incarnation du vote subsistera dans la mesure où la mise en place d’un binôme Homme-Femme sera aussi une écriture de présence géographique. Une évidence : le vote lozérien incarne la sensibilité partisane des territoires ; ainsi le redécoupage cantonal ne devrait permettre aucune alternance sur différents territoires.
Pour la droite : Aumont-Aubrac, Chirac, Saint-Alban, Saint-Chély, Marvejols et dans une moindre mesure La Canourgue.
Pour la gauche : Florac, Le Collet de Dèze, Langogne et avec une âpreté au combat plus forte dans le canton de Grandrieu (surtout dans sa composante périurbaine).
Ce qui veut dire que la bascule du Conseil départemental ou le maintien de la majorité droite républicaine autour du Président Jean-Paul Pourquier dépend de 3 cantons : Mende-Nord, Mende-Sud et Saint-Etienne-de-Valdonnez. Ces 3 territoires électoraux ont été redécoupés et de fait offrent un scénario de tous les possibles.
A Mende, Pierre Hugon est bien enraciné. Spécialiste des questions agricoles et chargé des finances dans l’assemblée départementale, l’élu centriste –très apprécié dans les milieux catholiques (il est un ancien de la JAC)- a résisté à tous les scrutins depuis 1988 malgré l’opposition publique de Jean Jacques Delmas, le maire de Mende aujourd’hui disparu. Toutefois, en 2008, son élection contre le socialiste Moulin fut acquise avec moins de 100 suffrages d’écart.
La question sur Mende (pour les deux cantons) est simple et double : ville préfecture et donc par essence administrative, l’électorat mendois de gauche n’émettra-t-il pas un vote sanction contre le gouvernement en se réfugiant dans l’abstention? Par ailleurs, les réseaux que permet la maîtrise du pouvoir local –aux mains du sénateur maire socialiste Alain Bertrand- fonctionneront-ils à plein ou les quelques dissonances locales amèneront-elles quelques pertes de voix ? Dans cette réponse tient la possible conquête des deux cantons.
La bataille du Mont-Lozère
Mais si la Lozère a un canton emblématique dans cette élection, c’est celui de Saint-Etienne-de-Valdonnez. Un sacré canton à vrai dire tant il regroupe de symboliques et géographiques et politiques. D’abord son territoire : des portes de Mende jusqu’à la frontière du Gard voisin. Ensuite, son relief avec, au centre, le Mont-Lozère.
Enfin, son personnel politique et le combat annoncé entre deux personnalités de premier plan du débat départemental : la socialiste Sophie Pantel et Jean de Lescure, le premier vice-président UMP de l’actuel conseil général. Sur le seul aspect de l’arithmétique cantonale, ce nouvel espace électoral comprend 2 cantons à droite (Le Bleymard et Villefort) et 2 à gauche (une partie de Mende Sud et le Pont-de-Montvert). Les deux candidats sont fortement enracinés sur le territoire. En témoignent leurs dernières élections obtenues dès le premier tour. Les données sont simples : malheur au vaincu !
En effet, la défaite vaudra une fragilisation et une disparition progressive du paysage politique départemental pour le perdant. Pour mémoire, Jean de Lescure est président du Parc National des Cévennes et Sophie Pantel est vice-présidente de la région chargée de la Montagne. A coup sûr, une défaite pour cette élue serait une difficulté pour sa reconduction sur la liste régionale.
C’est dire que ce canton est important ; et de l’élection de ses élus pourra aussi dépendre un équilibre départemental où les jeux sont peut-être ouverts –certes l’espace n’est pas grand- pour la gauche. Enfin de compte, ce redécoupage n’est pas si handicapant pour l’actuelle opposition lozérienne. Ici plus qu’ailleurs chaque voix comptera.