Bruno Le Maire, présent au salon Futurapolis de Toulouse ce samedi, s'est exprimé sur la SAM, la société aveyronnaise de métallurgie, dont la fermeture a été entérinée vendredi par le tribunal de commerce. Le ministre de l'économie le reconnaît, "après deux ans de combat, c'est un échec". Interview.
Le ministre de l'économie, de passage à Toulouse ce samedi 27 novembre, a répondu aux questions de France 3 Occitanie, sur la situation de la SAM, la société aveyronnaise de métallurgie dont la fermeture a été actée vendredi par le tribunal de commerce de Toulouse, suite au refus de Renault d'appuyer le seul projet de reprise.
France 3 Occitanie : Les salariés de la SAM sont en colère. Quel est votre point de vue sur ce dossier ?
Bruno Le Maire : J'entends la colère, l'inquiétude des salariés. Nous ne les laisserons pas tomber. C'est un échec, la SAM, je le reconnais bien volontiers. Cela fait deux ans que nous nous battons, avec mes équipes du ministère de l'économie et des finances, pour trouver un repreneur qui soit solide et qui ne vende pas du vent aux salarié. Et aboutir à une liquidation en fin de parcours, c'est un échec.
Maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Je pense qu'il faut qu'on se tourne vers l'avenir. Et que chacun exerce ses responsabilités. La première des responsabilités, c'est celle de Renault. Nous mettrons Renault face à ses responsabilités. Je le ferai comme actionnaire de l'entreprise et je le ferai comme garant de l'ordre public économique. Mettre Renault devant ses responsabilités, c'est exiger qu'il accompagne chaque salarié. Qu'il l'accompagne avec les moyens financiers nécessaires, avec des reclassements, avec des mesures de formation, de qualification, ça, c'est le devoir de Renault.
Ensuite, l'Etat a aussi une responsabilité. Et je ne me défausse pas devant mes responsabilités. Ma responsabilité, c'est de débloquer des moyens du fonds d'urgence, du fonds de transition que nous avons mis en place pour les fonderies, parce qu'on sait depuis des mois que les fonderies vont être confrontées à des difficultés. J'ai créé ce fond de 50 millions d'euros et nous prendrons tout l'argent nécessaire pour apporter un soutien à chaque salarié. Si l'un veut créer sa propre entreprise, 15 000 euros. L'un a besoin d'une formation, d'une qualification, 15 000 euros. Un autre aura besoin d'une aide au déplacement : 5 000 euros. Tous les fonds nécessaires seront débloqués pour chacun des salarié, pour qu'il puisse trouver une solution à ses difficultés.
Enfin, la responsabilité collective, celle des syndicats, de l'Etat, celle évidemment des élus locaux que je suis prêt à recevoir quand ils le souhaitent, c'est d'inventer l'avenir industriel du site de la SAM. Ce n'est pas parce que la SAM ferme que le site industriel doit fermer. On peut trouver des solutions pour donner un avenir industriel au site de la SAM. C'est de se battre aussi pour la relocalisation industrielle dans le bassin de Decazeville. Moi, je suis prêt à faire tous les efforts pour que ce grand bassin industriel, qui est une fierté nationale, qui est inscrit dans la mémoire industrielle française, puisse avoir de nouvelles activités industrielles. Ce sont les engagements que je prends. Mais encore une fois, je mesure la colère des salariés, le désespoir des familles. Pour certains, c'est une partie de leur vie qui part, qui est touchée, mais ma responsabilité, c'est de regarder devant, de ne pas faire de fausses promesses aux uns ou aux autres, et de construire un avenir industriel pour le site.
Chacun sera libre de son choix. Ce n'est pas la même chose d'avoir 28 ou 29 ans, de démarrer sur un site industriel, de ne pas être propriétaire et d'avoir 52 ou 53 ans, d'avoir des enfants déjà grands, d'avoir acheté sa maison, et d'avoir des traites à payer. Il faut être le plus concret possible et regarder des situations humaines. Si certains peuvent partir pour prendre un poste plus loin, parce qu'ils peuvent le faire, on les aidera, y compris financièrement. Mais pour ceux qui veulent rester, il faudra trouver des solutions sur le site et sur le bassin de Decazeville. Je ne suis pas en train d'expliquer aux salariés de la SAM que tout le monde va devoir trouver un emploi à 50, 100 ou 200 kilomètres.
France 3 Occitanie : Les salariés ont le sentiment que renault aurait pu faire un effort, c'est ce que demandait le tribunal de commerce. Pourquoi cela n'a-t-il pas pu se faire ? On est train de fermer un nouveau site industriel, on ne réindustrialise pas, concrètement...
Bruno Le Maire : Quand vous regardez globalement, à l'échelle nationale, vous avez eu 660 relocalisations ces derniers mois. Qui représentent 75 000 emplois sauvés ou créés. A chaque fois, je me suis battu. J'ai dit non par exemple à la délocalition d'Ascoval, dans le Nord. Elle n'a pas eu lieu. Nous avons de nouvelles chaînes industrielles qui se créent. Regardez l'ouverture de la chaîne de production de l'A321 Neo à Toulouse, personne ne pensait qu'Airbus pourrait redévelopper ses capacités industrielles aussi rapidement, au lendemain de la crise. C'est fait, donc je pense qu'il faut garder une vision juste et globale de la situation.
Cela ne retire rien à la dureté de ce que vivent les ouvriers de la SAM mais je veux quand même qu'on ait une vision plus globale, qui montre que la reconquête industrielle est en marche, qu'elle va réussir et que nous allons y arriver.
S'agissant du site de la SAM, la question était celle du repreneur. J'aurais aimé trouver un repreneur solide, s'engageant sur plusieurs années, permettant de garantir l'avenir. On ne peut pas vivre au jour le jour, avec la peur au ventre que le lendemain, à nouveau, il y ait un accident industriel et des difficultés, ce n'est pas serein pour les salariés de se demander tous les jours : "Est-ce que ma boîte va tenir ?".
Là, nous sommes arrivés au bout des recherches, c'est un échec, mais je pense que maintenant, il faut se tourner vers l'avenir.
France 3 Occitanie : Quelles pistes concrètes avez-vous ?
Bruno Le Maire : Je ne peux pas vous donner aujourd'hui les pistes concrètes, je le dis très sincèrement, nous y travaillons. On va multiplier les efforts dans les prochaines semaines, je pense qu'il important qu'on en discute avec les organisations syndicales et avec les élus locaux que j'invite à venir en parler avec moi et avec madame Pannier-Runacher qui est chargée de l'industrie dans mon ministère, pour qu'on regarde ensemble les différentes options qui sont sur la table. Nous faisons face à une transition technologique et écologique qui bouleverse beaucoup de choses. Il faut accompagner cette transition. Sur le site de la SAM, il y avait certaines pièces qui étaient faites pour les moteurs électriques mais c'était 10 % de la part de marché et du chiffre d'affaires. Ce n'était pas suffisant pour développer les capacités sur le long terme. Essayons de trouver une solution pour développer ce savoir-faire et ces capacités sur le long terme.
Il n'y a pas eu assez d'investissements sur le site, ces dernières années. Ce manque d'investissements et l'accélération de la transition a abouti à ce résultat. Je ne veux pas qu'on revive la même chose. Ma responsabilité de ministre de l'économie, c'est maintenant d'inventer avec les acteurs locaux l'avenir industriel du site de la SAM.
Reprise en 2017 par le groupe chinois Jinjiang, la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM) avait été placée en redressement judiciaire le 10 décembre 2019, puis, le 16 septembre dernier, en liquidation judiciaire.