L’annulation des festivals de musique en France à cause du COVID-19 impacte toute l’économie. Une équipe de chercheurs réunie par le Montpelliérain Emmanuel Négrier estime les pertes entre 1,75 et 3,8 milliards d’euros au niveau national. Une crise qui affecte l’Occitanie.
Plusieurs milliards d’euros : c’est ce que pourrait coûter à l’économie française l’annulation des festivals de musique en France à cause de la crise sanitaire du coronavirus.
Une estimation très sérieuse calculée par l’équipe réunie par Emmanuel Négrier (directeur de recherche au CEPEL- CNRS Université de Montpellier) et Aurélien Djakouane (SOPHIAPOL, Université de Nanterre). Elle comprend une dizaine de chercheurs en science politique, sociologie, économie, information et communication.
Des festivals générateurs de richesse
Leurs travaux soulignent une réalité souvent difficile à appréhender pour le grand public : les festivals génèrent de la richesse. C’est ce qu’explique Emmanuel Négrier :
Nous travaillons depuis longtemps sur ce projet de recherche SOFEST [coordonné par France Festivals, le réseau le plus important de festivals de musique et du spectacle vivant en France, NDLR] de l’empreinte sociale et territoriale des festivals. Nous donnons une image de la culture qui n’est pas courante, car personne d’autre ne dispose d’un tel niveau d’information. Avec celui-ci, on peut mieux appréhender les conséquences du coronavirus sur un secteur qui est de plus en plus important dans la société française. C’était capital de faire le point sur cette dépression économique qui est une réalité. Charge après aux décideurs de prendre les mesures de soutien nécessaires.
De grands festivals passés à la loupe
Francofolies de la Rochelle, Eurockéennes de Belfort, Transmusicales de Rennes, Festival d’Automne à Paris, Festival de Radio France à Montpellier, Fiest'A Sète, Jazz in Marciac, Pause Guitare à Albi... En tout 129 festivals de musique français, dont une quarantaine d’Occitanie ont été intégrés à cette étude.
Un échantillon à partir duquel les chercheurs ont estimé le coût économique et social total que représente l’annulation des 2 640 festivals musicaux de France d’avril à août 2020 (période qui regroupe d’habitude les trois quarts des festivals de l’année).
Des milliards d'euros de pertes
Leurs conclusions laissent pantois. L’absence d’activité festivalière, si on cumule les retombées négatives directes et indirectes aux effets induits sur les autres secteurs économiques, se chiffrerait en milliards :
- 3,8 milliards d’euros en fourchette haute,
- 1,75 milliards d'euros en fourchette basse.
Et encore, cette estimation ne vaut que pour les festivals de musique, objets de l’étude de ces chercheurs.
Ce manque à gagner ne sera pas compensé. Car le redémarrage de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme est incertain et aucune date n’est pour l’heure fixée.
Pour obtenir cette estimation, les chercheurs ont utilisé la base de données de l’étude SOFEST, sur laquelle ils travaillent depuis des années. Des données recueillies notamment via plusieurs dizaines de milliers de questionnaires envoyés aux spectateurs, bénévoles partenaires et festivals.
Les pertes estimées sont d’ordre différent :
Retombée économique négative directe
C’est l’impact négatif lié à l’absence de dépense que les festivals effectuent d’habitude pour leur activité (dépenses artistiques, commerciales, techniques...).
Sur les 129 festivals étudiés, cette retombée économique négative directe est estimée à une absence de dépense moyenne de 740.718 € (et 202.900 € de dépenses médianes). Ramené aux 2640 festivals de musique annulés entre avril et août en France, on arrive à :
- Une fourchette haute de 1,9 milliard d’euros
- Une fourchette basse de 535,6 millions d’euros
Des chiffres colossaux dans les deux cas.
Retombée économique négative indirecte :
C’est l’absence de dépense effectuée par les festivaliers lors de leur venue (déplacement, hébergement, nourriture, boissons, achat de places...). Cette dernière a été calculée sur 36 festivals pour lesquels on dispose d’un panier de dépense moyenne par jour et par personne. On a ensuite multiplié ce chiffre par le nombre d’entrées ou par l’estimation du nombre total de festivaliers.
Ce qui donne pour un panier moyen quotidien individuel de 53 €, toujours pour les seuls festivals musicaux de toute la France :
- une retombée économique négative indirecte de 633 millions d’euros.
L’Occitanie fortement impactée
Voilà pour les chiffres nationaux. Les chercheurs estiment que l’Occitanie est affectée par cette réalité à hauteur d’un peu plus de 10%. Car le niveau d’activité des festivals y est très haut d’avril à août par rapport à d’autres régions françaises.
Urgence à harmoniser les aides
Pour Emmanuel Négrier, les annonces attendues d’Emmanuel Macron, ce mercredi 7 mai, seront capitales, car aujourd’hui, selon les départements, les services des impôts acceptent ou refusent aux acteurs culturels l’accès au fonds de solidarité : "Il faut mettre fin aux incohérences les plus criantes, donner des directives et harmoniser les décisions."