Une étude démontre la dangerosité du silure, poisson prédateur, pour la survie de certaines espèces

Introduit en 1983 dans le Tarn, le silure menace aujourd'hui certaines espèces de poisson comme la grande alose. La revue "Aquatic Ecology" vient de publier un article et une vidéo qui prouvent les attaques de ce prédateur venu du Danube sur ce poisson migrateur. Sa survie pourrait être menacée. 

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C'est une grande première européenne. Depuis 3-4 ans Frédéric Santoul qui travaille sur l'introduction d'espèces était alerté par des pêcheurs. Ils entendent des bruits suspects, ce que l'on appelle des "bulls", c'est à dire des tourbillons sonores émis par l'alose lors de sa reproduction. Un manège suivi par des choses plus brutales laissant imaginer une attaque de poisson. Des caméras ont été posées en 2019 pour filmer de nuit ces phénomènes en aval du barrage de Golfech. 
 

Une vidéo compromettante

Entre avril et juin, la grande alose remonte à la surface des cours d'eau pour se reproduire. Sur la vidéo recueillie par Frédéric Santoul et ses équipes, on peut voir des couples d'aloses qui décrivent des petits cercles, suivis par les fameux "bulls" qui entraînent l'émission de gamètes et donc la reproduction de la grande alose. Cette parade nuptiale et l'agitation qu'elle engendre éveille l'appétit des silures qui profitent de l'occasion pour attaquer le poisson.

Tout ceci n'est pas visible à l'oeil nu. Il aura fallu de nombreuses évolutions technologiques pour filmer distinctement ce que l'être humain ne peut pas voir de ses propres yeux. Pour les scientifiques, voici la preuve que les suspicions de certains pêcheurs étaient fondées : le géant du Danube s'attaque à un autre poisson assez grand mais deux fois plus petit.

"Nos caméras ont une très forte sensibilité lumière. Tous les soirs durant la période avril-juin, vers 23H, les aloses montent à la surface. Elles se positionnent. C'est la phase de reproduction donc elles ne sont pas méfiantes et se font attaquer. Nous les avons filmées également en plein jour avec des caméras acoustiques. On y voit des silures et des aloses tranquilles car la capacité de nage des aloses est bien supérieure à celle des silures."  Malin le poisson; il choisit son moment. 

Pour corroborer cette découverte, l'enseignant chercheur de l'université Toulouse 3 a travaillé avec des pêcheurs professionnels. En examinant 250 entrailles de poissons, ils ont pu vérifier que dans plus de 80% des cas, la grande alose avait servi de nourriture. "On estime que plus de 30% des bulls de la grande alose sont attaqués sur ce site."

Même si chaque tentative n'est pas victorieuse, la diminution constatée de cette espèce dans nos rivières pose question. La Garonne est un bassin versant très important pour la reproduction de l'alose.

Le silure, une prise difficile mais honorifique pour le pêcheur

Venu du Danube et des pays de l'est, le premier silure a été introduit dans le Tarn au barrage d’Aiguelèze en 1983. Plus tard, viendront les rivières Garonne et Lot. Depuis, le bassin Adour-Garonne a été colonisé par l'espèce. "Nous avons fait des prélèvements de poissons et analysé les liens de parenté. On peut estimer leur nombre à 40 000 environ. Un article sera bientôt publié sur la question." L'espèce n'est pas prête de disparaître car le silure vit longtemps et le mâle garde les oeufs ce qui permet une reproduction plus prolifique. 
 

Pourquoi donc l'avoir introduit chez nous alors que l'alose n'avait pas de prédateurs et coulait des jours tranquilles? C'est avant tout pour le côté sportif de la pêche. Réussir à prendre un poisson d'une telle envergure relève de l'exploit. Les records de prises font la une des journaux locaux. On vient même de l'étranger pour pêcher le silure ! 
 
Si on prélève du silure, ce n'est pas pour la consommation. "Certains professionnels ont essayé de valoriser le silure et de le vendre en grande distribution sous le nom de "merval". Mais les poissons d'eau douce ne sont pas trop consommés en France." Sa chair n'est pas rebutante, elle ressemble un peu à la lotte. Mais elle est plutôt fade. Il faudrait la transformer pour espérer la commercialiser. Ce ne sera donc pas la consommation qui va réduire la présence du silure dans les eaux de la région. 

Cette nouvelle étude va t-elle changer la donne ?

Contrairement au silure, l'alose se consomme. Mais vue la rarification de l'espèce, la pêche professionnelle est interdite depuis 2012. L'étude publiée par la revue "Aquatic Ecology" montre très clairement que le silure pourrait contribuer à sa diminution. Que faire donc pour rééquilibrer les espèces dans nos rivières? "Si les résultats analysés près du barrage de Golfech se confirment, il faudra diminuer la présence du silure en faisant des prélèvements. On va donc vérifier ces éléments. Cette étude aura aussi un impact pour d'autres pays qui pourraient être confrontés à ce problème. L'alose se retrouve dans les bassins, de la Suède au Portugal. J'ai eu un collègue Portugais très inquiet suite à notre publication. "
 

Avant la parution des résultats par "Aquatic Ecology", les informations ont été communiquées aux politiques responsables de ce secteur (écologie, agriculture et pêche) et aux gestionnaires des cours d'eaux. Il faudra voir si le retrait des silures pourrait favoriser ou pas la reproduction de l'alose. "C'est un sujet très sensible, qui passionne et qui divise. Il y a beaucoup de fantasmes. De notre côté, nous essayons de vulgariser, d'expliquer, pour être plus dans la connaissance. "

Ces comportements de prédation très spectaculaires démontrés par Frédéric Santoul et la revue "Aquatic Ecology" sont assez préoccupants pour la conservation des populations d’aloses. Ils remettent en question l'introduction du silure. Même si cette espèce a des comportements très variés et se spécialise dans certains domaines. Comme constaté dans le Tarn avec les silures qui s'attaquent...à des pigeons ! 
 
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