Pour les arboriculteurs du Gard, la fin du mois de mars est une période critique. Face au risque de gel, ils déploient toutes les techniques pour sauver leur récolte et scrutent les basses températures en pleine nuit. Car économiquement, chaque degré est décisif.
À 4h30, ce matin là, les ouvriers agricoles sont déjà au travail dans les vergers de Jonquières-Saint-Vincent, à l'est de Nîmes, dans le Gard.
Au pied des abricotiers, ils allument l'une après l'autre des "bougies". Il s'agit de petits braseros chargés de réchauffer l'air. Dans la lutte contre le gel, pas une minute à perdre.
À chaque degré perdu ses conséquences économiques
Grâce à des sondes thermiques, Salvatoré Zoroddu suit en temps réel sur son smartphone l'évolution des températures humides et sèches de son exploitation. D'une parcelle à l'autre, il observe des écarts pouvant aller jusqu'à 3°C. Or, chaque degré compte.
Il faut essayer de garder des températures positives ou en limite de zéro. À partir de -1°C, c'est 20% de pertes au moins. À -3°C, c'est 90% de pertes de fruits !
Depuis dix jours, toutes les nuits, les arboriculteurs du Gard sont éveillés pour scruter la météo. La période est cruciale, car les arbres en sont au stade des "petits fruits", très sensibles au gel. "Quand on constate que les températures se rapprochent de zéro, on rappelle le personnel. Cette nuit, on a appelé les ouvriers vers 1h du matin", explique Salvatoré Zoroddu.
Une floraison toujours plus précoce
Pour David Sève, président de la FDSEA du Gard et arboriculteur à Beaucaire, "le risque de gelée s'amplifie malheureusement d'année en année."
Avec le changement climatique, la floraison a gagné quasiment 15 jours d'avance sur les dates d'il y a 15 ou 20 ans.
"On essaye de mettre en place tous les moyens de lutte pour parvenir à sauver notre récolte. Parce que c'est le travail de toute une année qui est ruiné, voire de plusieurs années", détaille David Sève. "L'investissement mis dans une récolte correspond à quatre années de revenu. C'est cela que l'on perd quand la récolte gèle", confirme Salvatoré Zoroddu.
Des équipements aussi précieux que coûteux
90% des arboriculteurs du Gard ont équipé leurs terres pour lutter contre les dégâts du gel. Sur certaines parcelles, les plus exposées au froid, une machine vient enlever l'humidité sur les petits fruits en formation. Sur d'autres, ce sont des éoliennes qui rabattent l'air chaud vers les arbres. Ces équipements devenus incontournables coûtent cher : entre 3.000 et 4.000 euros par hectare.
Pour les "bougies", il faut compter 200€ par heure de consommables, auxquels s'ajoute le coût de la main-d'oeuvre. Pas question de les gaspiller, si un nouveau risque de gel se présente.
Vers 6h30 du matin, à Jonquières-Saint-Vincent, les températures remontent avec le lever du soleil. Les bougies peuvent être éteintes. L'alerte est passée, mais la vigilance reste de mise jusqu'à la fin du mois d'avril.