Un arbitre de 20 ans a été frappé par un éducateur, lors d'une rencontre entre deux équipes de moins de 17 ans du Gard, dimanche 24 mars 2024. Choquée, la victime a porté plainte. Pour les clubs, cet acte inadmissible soulève aussi le problème croissant des violences dans le football amateur.
C'est une situation qui tend à se reproduire dans le football amateur. Dimanche 24 mars, lors d'une rencontre entre les moins de dix-sept ans des clubs de Bouillargues et Caissargues, l'arbitre de la rencontre est agressé physiquement par l'entraîneur de l'équipe de Bouillargues, comme révélé par le Midi Libre lundi.
Une gifle et des coups de pied
Selon des témoins de la scène, la situation a dégénéré dans le temps additionnel, alors que le club de Caissargues venait de marquer le but de la victoire. "Les joueurs adverses s'en sont pris verbalement à l'arbitre, qui a distribué des cartons rouges car il venait de siffler la fin du match, relate Philippe Porte, le vice-président de l'AS Caissargues, présent au bord du terrain. Et là, l'entraîneur de Bouillargues est arrivé, et lui a mis une gifle."
Sonné, l'arbitre de vingt ans reste un instant au sol, avant, toujours selon Philippe Porte, de se relever et de "foncer sur l'entraîneur" : "Après, c'est parti en live." Le coprésident du club de Rousson, où est licencié Bilel El Asri, l'arbitre agressé, raconte de son côté que le jeune homme aurait reçu "des coups de pied à la tête lorsqu'il était au sol".
Il refuse de sortir de sa chambre, il ne parle plus. La seule chose qu'il m'a dite, c'est 'J'ai eu peur'.
Mustapha Guiza, coprésident de l'Avenir sportif Rousson, où Bilel El Asri est licencié
Mardi 26 mars au soir, Bilel El Asri doit même être ramené à l'hôpital. "Il a de nombreux hématomes, il se plaignait de douleurs aux cervicales. On lui a prescrit douze jours d'ITT (incapacité temporaire de travail, NDLR)", rapporte Mustapha Guiza, le coprésident du club de Rousson, en contact avec le jeune arbitre et sa famille.
Bilel El Asri a porté plainte. Selon son père, interviewé mardi par France Bleu Gard Lozère, il aurait aussi décidé "d'arrêter l'arbitrage". "C'est traumatisant pour lui, et pour sa famille, ils vivent dans un petit village, ils ne sont pas habitués à ça", regrette Mustapha Guiza.
C'était un derby entre deux villages à côté, avec une bonne ambiance, les enfants se connaissent tous… C'est malheureux, ça donne une mauvaise image.
Philippe Porte, vice-président de l'AS Caissargues
Le président du club de Bouillargues condamne, lui, fermement les actes de son entraîneur, "viré de suite" après cette agression "inacceptable". "Ça ne fait pas plaisir de virer un bénévole depuis dix ans, mais il a dépassé les lignes, ce n'est pas possible, développe Benjamin Canin. Pour le reste, j'ai confiance en la gendarmerie, la commission de discipline, et la commission d'éthique de l'arbitrage. Il faut laisser travailler la justice."
En parallèle du travail d'enquête de la gendarmerie, une commission de discipline indépendante va se réunir après réception des rapports de toutes les parties, afin de discuter d'éventuelles sanctions disciplinaires. Celles-ci pourraient aller jusqu'à la radiation de l'entraîneur.
Une "escalade de la violence"
Mais pour les clubs, c'est aussi aux instances locales, les districts, de prendre en charge le problème. "Ça fait 50 ans que je travaille dans le football, et je vois depuis dix ans cette escalade de la violence dans le monde amateur. Ça fait plusieurs années que j'alerte les instances, que je dis que la violence prend de l'ampleur, et rien n'est fait", dénonce le coprésident de l'Avenir Sportif Rousson.
Même son de cloche du côté de Philippe Porte de l'AS Caissargues : "On voit depuis plus de dix ans que la violence monte. Les insultes entre jeunes, c'est devenu courant. Mais il y a aussi une éducation des parents à faire."
Aujourd'hui, le contexte autour des terrains est détestable. Les parents croient que leur enfant est le futur Mbappé, il n'y a plus que le résultat qui compte pour eux.
Mustapha Guiza, coprésident de l'Avenir sportif Rousson
"Même en moins de six ans, sept ans, huit ans, on voit des bagarres, c'est dramatique, déplore le coprésident de l'AS Rousson. Le résultat du match l’emporte sur le plaisir d'apprendre à jouer au football."
Pour Mustapha Guiza, son district, celui de Gard-Lozère, ne va pas assez loin. "Ils disent qu'ils vont sanctionner, mais ils ne font rien. Ça fait longtemps qu'ils auraient dû agir ! Il faudrait retirer les licences, radier les gens, tout simplement."
Francis Anjolras, président du comité de direction du district, rappelle que les sanctions disciplinaires sont prises après le travail de la commission indépendante. "Il faut que les faits soient avérés. S'ils le sont, alors on sera sévères. Nous avons même un code disciplinaire complémentaire, qui est plus sévère que les consignes nationales !"
"1% d'incidents"
Le président du comité de direction du district Gard-Lozère se défend aussi de toute inaction de son instance. "Cela fait 30 ans que nous faisons de la lutte préventive pérenne, tous les ans, contre la violence, avance Francis Anjolras, à la tête du district depuis quarante-quatre ans. Malheureusement, ça arrive que des gens dérapent."
Le dirigeant évoque des panneaux installés dans les stades, ou des opérations menées dans les clubs. À la question d'une augmentation des violences dans le football amateur, sa réponse est catégorique : "Il n'y a pas de violence. Par rapport au nombre de matches, sur notre district, on est à 1% d'incidents. Mais on ne parle de nous que quand quelque chose se passe mal !"
1% de trop pour les clubs, qui voient les conditions se dégrader de plus en plus, et qui dénoncent un manque d'accompagnement de la part des instances, notamment pour les arbitres. "L'avenir n'est pas rose", conclut Mustapha Guiza, inquiet, comme beaucoup d'autres, pour le devenir du football amateur.