Une aide-soignante du centre hospitalier de Nîmes a déposé plainte contre une de ses collègues pour coups et blessures et injures à caractère racial. Elle est une "lanceuse d'alerte", selon la secrétaire syndicale CGT de l'hôpital.
"Ça, c'est des bonnes fesses de noires, c'est du solide" ou encore "ça va les négresses, ça y est vous avez fini ?" Voilà les propos que Marie, une des aides-soignantes du CHU de Nîmes, dit avoir entendu de la part d'une collègue.
Choquée, la jeune femme - recrutée le 3 octobre 2022 dans le service de soins longue durée du Centre de Gérontologie Serre-Cavalier - a porté plainte contre cette collègue pour "coups et blessures et injures à caractère racial". En parallèle, elle a saisi la préfecture du Gard qui a ouvert une enquête.
Propos racistes
Dès le début de sa période d'essai, Marie remarque, sans s'y attarder dit-elle, une collègue "qui a tendance à faire des blagues en parlant avec une consonance d'accents africains".
Cette collègue va même jusqu'à la taper devant deux patients en disant "ça c'est des bonnes fesses de noires, c'est du solide". Un soir, cette même personne s'adresse à Marie, une infirmière réunionnaise et une aide-soignante congolaise avec ces mots : "ça va les négresses, ça y est vous avez fini ?". Les trois femmes se sont changées en silence, choquées, explique Marie.
Dans la nuit, les coups qu'elle reçus sont devenus "de fortes douleurs", explique l'aide-soignante. Après avoir relevé les lésions - déplacement du bassin et des lombaires - le médecin a prescrit cinq jours d'ITT.
Marie reste sous le choc et se plaint de ne pas voir venir de réelles sanctions envers sa collègue, de la part de la direction. Contactée à ce sujet, la direction du CHU de Nîmes n'a pas souhaité répondre à nos questions. Dans un mail, elle affirme qu'"une procédure interne a été diligentée, et des suites disciplinaires appropriées seront données au regard de la gravité des faits qui lui sont reprochés."
Un cas révélateur d'une ambiance générale
L'aide-soignante n'est pas la seule à se plaindre de cette ambiance. Au-delà des propos racistes, une de ses collègues, qui préfère rester anonyme, dénonce l'ambiance générale du service.
"C'est un peu hard dans le service où je travaille, si vous n'adhérez pas à un certain groupe d'infirmières, d'aide-soignants et d'agents de service hospitalier, vous devenez leur bouc émissaire". Avant d'ajouter, "certains des aides-soignants d'Uzès qui venaient parfois en remplacement ne veulent plus venir".
Fin de période d'essai
après ses cinq jours d'ITT, Marie a repris son travail pendant un mois et demi. La mère trois enfants décrit "un harcèlement quotidien par les collègues de cette dame qui auraient préféré que l'histoire se traite en interne plutôt que j'aille porter plainte."
Le 2 décembre 2022, à la veille de la fin de sa période d'essai, on lui annonce que c'est son dernier jour de travail à l'hôpital. Marie affirme que "c'est suite aux évènements que je dénonce qu'ils ont rompu mon contrat de travail, ils ont cherché à étouffer l'affaire : je suis doublement victime".
Pour la direction de l'hôpital, c'est "sur la seule et unique base de fautes graves et successives commises et reconnues par elle, qu’ont été prises et que seront appliquées toutes les décisions relatives à sa situation professionnelle".
Ces mêmes fautes auraient d'ailleurs été abordées lors d'un rendez-vous avec la DRH, le 5 janvier 2023. L'aide-soignante reconnaît "la bienveillance et la gentillesse" avec laquelle on lui a parlé et la "rectification de tous les soucis administratifs".
Encore fragilisée, elle tente de voir le positif "beaucoup d'autres salariés ont pu venir se livrer, c'est la seule fierté que je peux ressortir". Mais elle regrette le "simple avertissement" adressé à sa collègue.
"Une lanceuse d'alerte"
Dès le début de l'affaire, la CGT du CHU de Nîmes a assuré son soutien à l'aide-soignante mais le syndicat rappelle que cette plainte en justice relève "d'une action purement individuelle, qui se doit d'être débattue dans les endroits faits pour".
Marie est la première aide-soignante à porter plainte pour de tels propos. Des propos qui ont déjà été entendus dans le service affirme la représentante de la CGT. De son côté, la direction de l'hôpital affirme traiter avec "sérieux, gravité et professionnalisme" ce type de signalement.
Une chose est sûre, pour Nathalie, la secrétaire générale du syndicat CGT du CHU de Nîmes, il est "hors de question de banaliser les questions de racisme, d'homophobie ou de sexisme".
On invite les agents victimes à nous apporter des témoignages, même de manière anonyme, pour réunir un maximum d'éléments et mettre la direction devant ses responsabilités.
Syndicat CGT du CHU de Nîmes
Pourtant, la syndicaliste le reconnaît, il existe déjà un dispositif mis en place par un groupe de travail pour gérer ce genre de violences. Un dispositif qu'elle juge insuffisant. En rassemblant les témoignages, elle espère faire changer les choses.
Quant à la direction, elle assure qu'une "opération de sensibilisation sur les comportements appropriés/inappropriés entre collègues de travail est à l’étude et sera proposée aux agents du site concernés dans les prochains mois".