Neuf ans après le dépôt de la première plainte, un gastro-entérologue gardois est jugé ce vendredi 20 décembre 2024 par le tribunal correctionnel de Nîmes (Gard) pour "escroquerie" à l'assurance maladie. Au nom d'une "technique innovante", il avait injecté de l'acide hyaluronique dans l'estomac de ses patients pour les faire maigrir.
À la barre, le Docteur Marçais reconnaît des "maladresses" et le "souci de sauver des patients atteints d'obésité". Ce gastro-entérologue gardois comparaît depuis ce vendredi matin 20 décembre 2024 devant le tribunal correctionnel de Nîmes pour "escroquerie".
Fin 2015, la CPAM du Gard avait déposé plainte contre ce médecin qui pratiquait des injections d'acide hyaluronique dans leur estomac, par voie endoscopique, et sous anesthésie générale à la Polyclinique Grand Sud dans le but de faire maigrir des patients en situation d'obésité et de surpoids.
Un acte ensuite facturé à l'assurance-maladie du Gard qui estime le préjudice à 150 000 euros. La caisse estime qu'elle a payé des actes qui ne correspondaient pas à ce qui a été réalisé comme l'analyse Me Christian Barnouin, défenseur de la CPAM du Gard :
La demande de remboursement à la sécurité sociale bien évidemment vise une endoscopie classique à des fins d’exploration pour vérifier la future pose d’un diagnostic. Or, ce n’est pas ce qu’il a fait. Donc ça pose bien un problème au niveau de la facturation qui a été adressée à la sécurité sociale
Me Christian Barnouin, avocat de la CPAM du Gard
Au total, 555 patients seraient concernés entre 2011 et 2015. Un appel à témoins avait même été lancé. Mais seulement 28 victimes se sont portées partie civile.
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Une "technique innovante"
Avec ces injections d’acide hyaluronique, le praticien estime avoir proposé "une technique innovante qui montre des résultats intéressants". Mais elle ne repose sur aucune étude scientifique "internationale contre l'obésité" comme il l'aurait prétendu. Le médecin est également poursuivi pour d'autres délits notamment "tromperie sur une prestation de services entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal" ; mais aussi "faux et usage de faux."
Au tribunal, le médecin exprime des regrets que résume son avocat, Me Baptiste Scherrer à France 3 Occitanie :
Il ne réagit pas comme étant un médecin pour gagner de l’argent, il est là pour sauver des vies. Il a dit tout à l’heure dans le cadre de l’audience qu’il était très peiné que les personnes malades ne puissent pas être traitées de la manière la plus efficiente.
Me Baptiste Scherrer, avocat du docteur Marçais
Des conséquences sur la santé
Ces injections n'ont pas été sans conséquence sur les patients qu'il prétendait vouloir soigner. L'une d'entre elles a témoigné ce vendredi.
Aujourd’hui, j’ai été tellement malade qu’on m’a enlevé l’estomac, on m’a enlevé la vésicule, et je suis toujours malade. Est-ce que je l’aurais fait si c’était des essais cliniques ? Bien sûr que non. J’ai la confiance qui a été totalement perdue vis à vis du corps médical, j’y allais les yeux fermés, je vous avoue que plus du tout maintenant. Pour moi, ce médecin s’est pris à un moment donné pour Dieu.
Amandine Boulet, patiente victime d'injection à l'acide hyaluronique, partie civile
C'est après avoir consulté un autre gastro-entérologue que cette patiente a réalisé le subterfuge.
Mis en examen en 2018 pour escroquerie à l'égard de la CPAM du Gard, il est enfin jugé 9 ans après le premier dépôt de plainte. D'autres institutions, comme l'Agence régionale de santé, le conseil de l'ordre des médecins ou encore des organismes de santé comme la sécurité sociale agricole (MSA) ou le régime social des indépendants (RSI) poursuivent le praticien. Le docteur Marçais a déjà indemnisé ces dernières, avant cette procédure. Le préjudice pour ces organismes serait de 450 000 euros.
"C'est quelqu'un qui manque d'humilité, il pense que cette technique fonctionne et c'est une technique qu'il a utilisée presque au quotidien et qui avait pignon sur rue et c'est là le cœur du problème", a souligné la vice-procureure de la République.
L'injection ne figure parmi aucune recommandation, ce sont des éléments qu'on ne peut pas contester. Rien dans la littérature médicale ne prévoit cette technique,. C'est nécessairement de la recherche, car cela n'a pas été éprouvé. Ça ne peut être qualifié que de cette manière et il y a un cadre à respecter.
Nathalie Welté, vice-procureure de la République
Deux ans d'emprisonnement avec sursis simple et 40 000 euros d'amende ont été requis.
(Écrit avec Auriane Duffaud)