Un savoir-faire de Camargue, pourquoi les bottes des éleveurs de taureaux séduisent les femmes et le Japon

Depuis deux ans, à Aigues-Vives dans le Gard, les derniers fabricants des bottes camarguaises demandent que leur savoir-faire unique en France soit officiellement reconnu. Cette fabrication traditionnelle a bien failli disparaître. En s'urbanisant et en se féminisant, la botte gardiane a séduit les japonais.

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Créée en 1958, dans la plaine gardoise, une entreprise familiale produit des bottes en cuir 100% français. Mais si la matière première vient d'Alsace et de l'Aveyron, le savoir-faire, lui est "made in Camargue".

Ce travail artisanal s'effectue en plusieurs étapes dans divers ateliers qui cohabitent au sein d'un grand hangar à Aigues-Vives : de la coupe du cuir, au façonnage des talons jusqu'à la couture, il faut compter environ trois heures pour fabriquer une paire de bottes, vendues sur place entre 300 et  500 euros.

L'atelier, où travaillent une quinzaine d'employés, se visite sur demande. On peut y rencontrer Laurent. Armé d'un sèche-cheveux à gros calibre, il manipule une grande pièce de cuir : "Là, j'enlève le gras qui ressort de temps en temps en surface, il suffit de chauffer comme ça le cuir pour le faire disparaître, avant de couper la pièce dont j’ai besoin. Et les gardians, eux, ils sont contents : ils ont les pieds au chaud, dans un cuir assez étanche", explique en souriant l'employé spécialisé dans le découpage du cuir.

De la botte des champs à la botte des villes

Les  bottes camarguaises, historiquement portées par les éleveurs de taureaux et de chevaux de la région, ont une forme très spécifique : "Le talon fait deux centimètres maximum parce qu'il faut le passer dans l’étrier, la tige de la botte est droite parce que, quand on monte à cheval s’il arrive un accident, il faut pouvoir déchausser rapidement, détaille Fanny Agulhon, co-dirigeante de l'entreprise. Et c’est ce que permet toujours cette botte, qui n'a pas changé de physionomie depuis les années 60."

La "Botte Gardiane" est la dernière entreprise à les fabriquer dans la règle de l'art, en France dans le Gard. Ce petit poucet dans le marché de la chaussure produit 12 000 paires par an : "Nous sommes un grain de sable sur la plage, alors qu’on consomme un million de chaussures par jour, rien qu’en France !", souligne Fanny Agulhon.

La concurrence asiatique

Il y a 20 ans, cette société a bien failli couler à pic sous les coups de butoir de la concurrence asiatique qui a bouleversé le marché de la chaussure.

Parallèlement, les gardians étant en voie de disparition, l’entreprise a dû diversifier ses produits vers une clientèle plus urbaine et plus féminine. C’est ainsi qu’elle a séduit une nouvelle clientèle aux antipodes: 

C’est le Japon qui a sauvé ce savoir-faire, on a exporté jusqu’à 65 % de notre chiffre d’affaires là-bas et c’est ce qui a permis à la botte gardiane de toujours exister. Les Japonais, ce sont des amoureux du savoir-faire et du cuir qui vieillit, ils sont sensibles aux produits de niche et à l’artisanat d’art à la française.

Fanny Agulhon, chef d'entreprise

Pour s’assurer de l’identité de ce produit unique, Fanny Agulhon et son frère, qui ont repris le flambeau, ont donc décidé de déposer une demande d'homologation auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).

INPI, qu'èsaco  ?

Il y a encore dix ans, seuls les produits naturels, agricoles et viticoles pouvaient bénéficier d’indications géographiques, mais la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a élargi ce champ aux produits manufacturés. Suite à la demande de l'entreprise d'Aigues-Vives, l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) a ouvert à la mi-novembre une enquête publique sur le sujet. 

Si cette demande aboutit, l’indication géographique "bottes camarguaises" couvrira 30 communes du Gard, 18 communes de l'Hérault et 10 communes des Bouches du Rhône.

Toutes les opérations de fabrication des bottes (coupe des pièces, piquage, assemblage, montage et finitions) devront être réalisées dans cette aire géographique définie en suivant un cahier des charges bien précis.

La réponse de cet organisme public, qui dépend du ministère de l'économie, est espérée pour le printemps 2024. 

Le Grenat de Perpignan, un bijou homologué

En 2018, l’INPI a homologué 13 entreprises et artisans du grenat de Perpignan, qui représentent 45 emplois et un chiffre d’affaires annuel de 1,5 million d’euros.

Le grenat de Perpignan, bijou symbolique des Pyrénées-Orientales, est une pierre aux nuances de rouge et de l’or comme les couleurs catalanes. Les premiers bijoux appelés "bijoux en grenat de Perpignan" datent de la fin du règne de Napoléon III. Ils ont pris une véritables valeurs patrimoniales à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris, en 1900.

Le bijou, composé d’or à 18 carats et d’une ou plusieurs pierre(s) en grenat avec une taille spécifique serties dans plusieurs chatons, est réalisé entièrement à la main, selon une technique qui n’est plus enseignée dans les écoles de bijouterie françaises et qui oblige les bijoutiers à transmettre eux-mêmes ce savoir-faire artisanal local, unique en son genre.

On compte par ailleurs deux autres "indications géographiques" homologuées en Occitanie : la Pierre du Midi, qui a permis de construire les Arènes de Nîmes et d’Arles et le Couteau Laguiole.

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