Les anciens propriétaires du club de football de Nîmes, soupçonnés d'avoir essayé d'arranger des matches du club en 2014 pour le maintenir en Ligue 2, ont réfuté toute tentative de corruption lundi à l'ouverture de leur procès.
En présence des neuf hommes prévenus dans cette affaire, le tribunal correctionnel de Paris s'est d'abord penché sur le premier match de Nîmes après sa reprise par le duo formé par Jean-Marc Conrad, alors président, et Serge Kasparian, ex-actionnaire principal: un nul 0-0 contre Bastia, le 11 avril 2014. Nîmes était alors menacé de relégation en National, et Bastia assuré d'y descendre.9 prévenus
À la veille du match, Jean-Marc Conrad, nouveau président des Crocodiles nîmois, avait dîné à Bastia avec le président du club corse, Antoine Emmanuelli. A l'issue, placé sur écoute, il avait expliqué à sa femme que la soirée n'était "pas aussi bonne que ce que je pensais". "
- T'as perdu la main?" "
- J'ai pas perdu la main mais bon, c'est un peu compliqué".
Le 15 avril, le patron d'un club amateur soupçonné d'avoir joué le rôle d'intermédiaire, Franck Toutoundjian, l'avait interrogé: Bastia n'a "pas voulu" ?
"Non, avait répondu Jean-Marc Conrad. C'est pas faute d'avoir essayé".
Des écoutes qui, selon les enquêteurs, révèlent une tentative infructueuse d'arrangement du match, mais dont les prévenus ont une tout autre lecture. En jean et veste bleue à la barre, Jean-Marc Conrad assure qu'il s'agissait uniquement d'obtenir des informations sur "l'état d'esprit" des Bastiais. "En sortant du dîner, j'ai compris que ça allait être très dur".
Il s'agace: "Qui peut imaginer que quelqu'un puisse arranger un match sans que les joueurs participent ? C'est pas possible !" Le président du tribunal semble sceptique: "Vous espériez que (Emmanuelli) vous dise +on a déjà perdu+ ?". "- Non, répond le prévenu. Mais il y a des degrés de motivation dans un championnat à points".Degrés de motivation
Qui peut imaginer que quelqu'un puisse arranger un match sans que les joueurs participent ? C'est pas possible !
Il semble regretter a posteriori un manque de prudence dans l'expression: "Tous les matches sont préparés, j'ai appris à mes dépens que ce qu'on peut se dire entre nous sur le ton de la boutade est parfois" sorti de son contexte. Mêmes accusations d'écoutes décontextualisées de la part de Serge Kasparian qui, tout de noir vêtu, triture, nerveux, ses lunettes à la barre.
En mars 2014, à un Corse membre du cercle de jeux parisien Cadet, qu'il dirigeait, Sege Kasparian demandait : "Commence à machiner, on a absolument besoin (...), on donnera ce qu'il faut". "Commence à machiner ?" répète le président. - "Oui, vous savez, moi j'viens d'la rue". Il affirme qu'il ne s'agissait que d'activer ses réseaux corses pour s'assurer que Jean-Pierre Conrad serait "bien reçu" à Bastia.
Arranger une équipe
D'autres écoutes semblent attester une tentative d'arrangement. "Il faut qu'on se sauve sinon on va descendre en National", s'inquiétait-il début avril 2014. "Mais bon, on arrange deux ou trois matches, attends". A la barre, le sexagénaire se récrie: "Arranger, ça veut pas dire spécialement qu'il y a corruption, on peut arranger une équipe, une manière de jouer !"
"Ça fait quand même beaucoup", note l'un des procureurs du Parquet national financier
(PNF).
Arranger, ça veut pas dire spécialement qu'il y a corruption, on peut arranger une équipe, une manière de jouer
Dans une autre écoute, son fils avait évoqué une contrepartie de 50.000 euros pour Bastia et ses joueurs.
"Y'a jamais eu d'argent !", jure Kasparian.
"-Est-ce qu'il y a eu autre chose?", demande le président.
"-Non".
Manque de déontologie
En début de soirée, le tribunal a étudié le cas du match contre Istres (victoire 1-0 le 18 avril 2014), que le PNF n'avait pas jugé litigieux. L'ancien joueur Abdelnasser Ouadah, jugé pour avoir approché un joueur d'Istres quelques jours avant le match en évoquant l'intérêt que Nîmes lui portait, a concédé un "manque de déontologie", mais "est-ce que c'est un crime comme la corruption ?" a-t-il interrogé.
"Il n'y a pas eu de calcul", a abondé Jean-Marc Conrad.
Cinq autre matches seront ainsi passés au crible. Nîmes s'était finalement maintenu en L2 à l'issue de la saison 2013-2014, sans qu'un lien soit établi avec des tentatives d'arrangement. Le procès se poursuit jusqu'à vendredi.