Taureaux de Camargue : "On travaille la peur au ventre", les manadiers lâchés par leurs assureurs

Les manadiers se disent désespérés et alertent sur leur difficulté croissante à trouver des assureurs. Une situation qui met en péril la profession comme la tradition. Les éleveurs de taureaux camarguais, réunis début septembre à Gallician dans le Gard, ont annoncé la probable fin prochaine de leur profession.

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Des taureaux de Camargue, encadrés par des cavaliers, qui courent dans les rues des villages ou sur les plages gardoises : un spectacle traditionnel auquel des milliers de personnes vont assister chaque année à la belle saison, en petite comme en grande Camargue.

Ces cavalcades, qui animent les fêtes votives, sont de plus en plus menacées et risquent tout simplement de disparaître, faute de manadiers.

La profession se dit exsangue, à cause de la frilosité des assureurs qui, incident après accident, augmentent leurs tarifs avant de finir par refuser d'assurer ces éleveurs.

Lors des fêtes votives, on a toujours peur qu’il arrive un accident et, à cause d’un article de loi qui date du temps de Napoléon, on est responsable de tout. Aujourd’hui, on travaille avec la peur au ventre, on est à la merci de notre assureur, parce que dès qu’on a plusieurs sinistres, on perd notre assurance et notre activité s’arrête du jour au lendemain.

André Vitou, manadier de Marsillargues

Une charte anti-obstacle

Dans le collimateur des assureurs qui se désengagent : le nombre croissant d’accidents liés aux fumigènes, cartons et autres bâches jetés sur le parcours pour déstabiliser les cavaliers.

Réunis près de Vauvert, dans le Gard, début septembre, les manadiers ont rédigé une charte visant à faire respecter les règles de sécurité sur les parcours des chevaux et des taureaux.

"Il faut que le préfet interdise tout obstacle sur les manifestations taurines, il faut qu’on en arrive là, c’est malheureux mais on est au bord de la rupture. On est encore 35 manades à faire des abrivados en Camargue sur trois départements, mais d’ici deux à trois ans, on ne sera plus qu’une dizaine, j’ai peur de cela", explique Frédéric Lescot, un manadier de Saint-Martin de Crau, en Camargue.

Toujours plus d'accidents

Cette année 2023, les accidents se sont multipliés lors des fêtes votives. Bon nombre de spectateurs ne respectent pas les consignes de sécurité et se retrouvent au beau milieu du parcours, alors que des taureaux qui vivent en liberté leur foncent dessus.

En 2023, 90% de ces manifestations ont été émaillées par des incidents sur les parcours. Les manadiers demandent donc désormais à ce que les préfets obligent les maires à appliquer leur charte.

Dans leur combat, ils sont soutenus par le sénateur du Gard, Laurent Burgoa :

"Le manadier est automatiquement responsable alors que, si quelqu’un se met sur un parcours, c’est lui qui doit être le responsable. Ce n’est pas la faute du manadier si quelqu’un se trouve au milieu du spectacle. Il faut sensibiliser le ministère de l’économie, il va falloir donner un coup de trident à Bercy pour qu’ils entendent cet appel", assène le sénateur gardois.

De leur côté, les jeunes manadiers attendent, eux aussi, une décision politique en urgence afin de pouvoir se projeter dans l’avenir et pouvoir décider de prendre la relève de leur parents.

L’économie de tout un territoire est également en jeu : 300 à 400 millions d’euros sont générés par les fêtes votives. Et pour certains villages, ces recettes sont vitales.

L'avenir du taureau de Camargue, une des plus anciennes races d'Europe, est en suspend, car si ces manifestations taurines meurent, ces animaux sauvages risquent de disparaître avec elles.

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