Le 11 Mai 2021 Valentin Marcone a tué son patron Luc Teissonnière, 55 ans, et Martial Guérin 32 ans, un de ses collègues de travail dans une scierie, aux Plantiers, dans les Cévennes gardoises. Quels sont les attentes et les enjeux pour les proches des victimes et pour l’accusé dont le procès commence ce mercredi devant les assises du Gard à Nîmes. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
À quelques jours du procès de l'homme qui a tué son mari, Fiona Teissonière accepte de recevoir la presse une dernière fois à la demande de son avocat « pour qu’on la laisse enfin tranquille pendant le procès et après ». Luc Teissonière, son époux et Martial Guérin, un des employés de la scierie dirigée par son mari ont été tués le 11 mai 2021 par Valentin Marcone, un de leurs collègues de travail. Il a laissé la vie sauve à Vincent Amalric, 19 ans. Le jeune homme s’est enfui et a donné l’alerte.
Les victimes n'attendent rien du procès
Près de trois ans après, Fiona Teissonnière dit ne rien attendre du procès de Valentin Marcone et se projette déjà dans un an.
D’une façon ou d’une autre le mal est fait. Quelle que soit la peine qu’il aura ça ne changera pas ma vie. Elle a basculé il y a presque trois ans.
Fiona Teissonière, veuve de Luc TeissonièreFrance 3 Occitanie
"Quelle que soit la peine qu’il recevra, malheureusement on se prépare à un éventuel appel. Donc on sait que les choses ne seront probablement pas terminées cette fois-ci et on devra remettre ça", explique Fiona Teissonnière.
Familles soudées
Les veuve et compagne des deux victimes se sont rapprochées et se soutiennent depuis le drame. Elles ont fini par former une sorte de famille. Elles sont aussi devenues très proches de Vincent, le survivant. Dans la scierie, où ils reçoivent les journalistes, le jeune homme réservé affiche un sourire timide et renchérit : "Le procès, je n’ai pas forcément envie d’y aller mais comme je suis le seul témoin je suis obligé d’y aller. J’aurais préféré rester chez moi tranquillou".
Ça a pris tellement de temps [jusqu'au procès] que je n’attends rien. Je n’ai pas de questions. Je n’attends pas de réponse. Pas d’excuses. S’il me dit "excuse-moi" ça ne changera rien du tout.
Vincent AmalricTémoin du double homicide
Il reprend le travail quatre mois après le drame
Le jeune homme a vu son patron et son collègue se faire tuer. Lui a eu la vie sauve. Malgré le traumatisme et les cauchemars, il a tenu à retourner travailler à la scierie.
Ça s’est passé le 11 mai, j’y suis retourné le 1er septembre. Au début je ne marchais pas là où sont morts Luc et Martial.
Vincent AmalricTémoin et partie civile
"Je faisais le tour. Si je voyais quelqu’un écraser un mégot sans faire exprès ça m’énervait j’allais le voir et je lui disais : « fais pas ça » maintenant je suis passé à autre chose".
Seul témoin
"Pour Vincent c’est compliqué car il intériorise beaucoup, il donne le change pour ne pas montrer ses sentiments", ajoute Rémy Nougier, son avocat. Il sait en revanche que son témoignage va être déterminant, qu’il a un rôle essentiel dans cette procédure et il n’a pas envie qu’on le fasse passer pour un menteur qui serait là et fausser le jeu de la vérité", ajoute l'avocat du jeune homme interrogé par France 3 Occitanie à quelques jours du procès. Et Rémy Nougier d'ajouter :"les proches des victimes ne sont pas dans une logique de vengeance qui ne leur ramènera pas leurs mari, père, époux". Elles attendent que le procès se passe pour tenter de retrouver un peu de tranquillité et d'anonymat dans leur village des Cévennes gardoises.
Comprendre
Frédéric Marcone attend beaucoup de l’audience. Le père de Valentin Marcone est toujours très ému à l’évocation des faits. S'il ne les justifie pas, depuis trois ans, il cherche à comprendre les circonstances du passage à l’acte de son fils. "J’ai mené mon enquête sur ce qui s’est passé avant, explique-t-il. J’espère que Valentin pourra le redire au procès. Tout ce que me disait Valentin, je ne le prenais pas pour argent comptant. Je mettais en doute ce qu’il me disait et j’essayais de voir si ça correspondait".
Petit à petit j’ai reconstitué un puzzle. Valentin a vu quelqu’un qui voulait le licencier pour faute grave.
Frédéric MarconePère de Valentin Marcone
Le fait qu’on lui reproche de ne pas avoir dit « bonjour », ce matin-là l’a fait basculer et commettre l’irréparable.
Peur, paranoïa
Une réaction dans un contexte de peur et de paranoïa et de sentiment d’insécurité pour l’accusé qui se déplaçait armé et avec un gilet pare-balles suite à un conflit sur le droit du travail avec un ancien maire et précédent employeur. "La conversation qu’il affirme avoir entendue et qui aurait eu pour but de le pousser à la faute pour le licencier est l’élément qui l’aurait fait basculer», ajoute son avocat. Il regrette bien évidemment son acte, il l’avait regretté dès le départ et se rend compte que sa réaction a été totalement disproportionnée par rapport à la situation qu’il vivait à ce moment-là. Il veut s’expliquer", ajoute Hélène Mordacq, une des avocates de Valentin Marcone, que France 3 Occitanie a rencontrée à Nîmes.
Pour les parties civiles, cette conversation n'aurait pas eu lieu, en tout cas pas le jour des faits.
La question de la préméditation
Pour Valentin Marcone et ses avocats, l'enjeu majeur de ce procès qui va durer quatre jours : convaincre les jurés de la cour d’assises, que l'accusé, dont le jugement a été altéré au moment des faits, n’a pas prémédité ses crimes. Un enjeu de taille car il risque la peine maximale : la réclusion criminelle à perpétuité.