Pour compenser leurs pertes liées aux épisodes de gel de début avril, les producteurs français de pêches, prunes, cerises… pourront demander à l'Etat une aide d'urgence pouvant s'élever jusqu'à 20.000 euros. Une annonce décevante pour la fédération nationale des producteurs.
Ce samedi 5 juin, le gouvernement a décidé "la mise en place d'une aide sous forme d'avance remboursable à la suite des dommages aux récoltes de fruits à noyaux causés par le gel survenu du 4 au 14 avril 2021", selon un décret publié samedi au Journal Officiel pour une entrée en vigueur dès aujourd'hui, dimanche 6 juin.
Une annonce décevante pour Françoise Roch, présidente de la fédération nationale des producteurs de fruits et arboricultrice à Moissac. "C’est un peu mieux que d’habitude mais on n’est pas dans un contexte habituel, globalement c’est décevant ce n’est pas à la hauteur des pertes des producteurs. On va mettre des années à s’en remettre".
Aide d’urgence immédiate à hauteur de "20% du montant des pertes"
Les arboriculteurs d’Occitanie n’avaient pas connu un épisode aussi dévastateur depuis 1991. "Les dégâts provoqués par la vague de gel du mois d’avril dernier sont colossaux", nous explique Françoise Roch, beaucoup ne s’en remettront pas.
Certains parlent "d’une gelée noire" et ont perdu plus de 70% de leurs cultures, notamment les arboriculteurs du Tarn-et-Garonne, premier producteur français de pommes et de prunes. Les professionnels du secteur avaient alors demandé au ministère de l’agriculture des mesures d’urgence et un accompagnement pour affronter "une année blanche".
Pour chaque agriculteur, l'aide représentera 20% du montant des pertes. Elle ne pourra pas dépasser 20.000 euros. Il s'agit des agriculteurs dont l'activité concerne pour plus de moitié les fruits à noyaux, parmi lesquels les pêches ou les cerises, et qui ont perdu plus de 70% de cette production à cause du gel.
L'aide d'urgence annoncée ce samedi 5 juin vise les agriculteurs qui voudraient se faire rembourser au titre du régime des calamités agricoles. Ce fonds public prévoit bien d'indemniser les pertes mais il nécessite une longue procédure. En attendant d'être remboursés dans ce cadre, certains agriculteurs pourront donc immédiatement demander une avance, qui sera déduite le moment venu lors de leur indemnisation définitive.
"Cela a été fait dans l’urgence, on a pris en compte que les rentrées d’argent des producteurs de fruits à noyaux se faisaient en juin, juillet, c’est donc une avance. Mais cela reste minime, 20.000 euros c’est le chiffre d’affaires d’un hectare de fruits, voilà, facile à comprendre", précise la présidente de la fédération nationale des producteurs de fruits.
On comptait beaucoup sur ses aides aux titres des calamités et au final ces aides ne sont pas à la hauteur de nos attentes. Le fait que votre titre de calamité soit plafonner à 40% du forfait par l’Europe, beaucoup de producteurs de s’y retrouvent pas avec des chiffres d’affaires supérieur à ces forfaits.
Episode gel : un milliard d’euros d’aides débloqué par le gouvernement
La France a connu dix jours de gel intense à cette période, avec de très lourdes conséquences pour les producteurs de fruits et les viticulteurs. Le gouvernement avait annoncé un milliard d'euros d'aides, mais les modalités devaient être précisées.
Pour Françoise Roch, le compte n’y est pas. "Beaucoup de gens vont se retrouver sur le carreau. Un milliard d’aide pour toutes les cultures, viticulteurs et arboriculteurs c’est insuffisant. Nous estimons les pertes à 2 milliards d’euros sur 4 milliards de chiffres d’affaires rien que pour l’arboriculture. Et ce n’est que l’amont de la filière!"
Les professionnels du secteur travaillent sur ce dossier avec le préfet Michel Papaud, nommé coordinateur du plan de soutien aux exploitants touchés par le gel. On est toujours dans les compromis, précise Françoise Roch. "Ceux qui vont arriver à s’en sortir ce sont ceux qui ont réussi à sauver une partie des récoltes. Entre les aides et un meilleur prix cela devrait passer mais pour les autres…"
Déception sur les mesures durables
Au-delà des mesures d'urgence de ce type, le gouvernement a, par la voix du Premier ministre Jean Castex, promis fin mai de prendre des mesures durables pour répondre à de futures catastrophes, estimant nécessaire de prendre en compte la "récurrence de ces événements".
De leur côté les professionnels du secteur souhaitaient mettre en place un plan triennal qui n’a pas été accepté. "Il faut donner les moyens aux producteurs de se protéger dans les années à venir mais là le gouvernement demande à ce que les aménagements s’effectuent en un an à peine avec un million d’euros d’aide. La aussi l’aide est plafonnée à 40%, le producteur s’autofinance à 60% c’est trop on ne peut pas accepter".
L’arboricultrice pointe aussi du doigt la problématique du renouvellement des vergers. "On a demandé 20 millions d’euros d’aide sur 5 ans mais cela n’a pas été accepté. On est dans le gris. Au final ce n’est pas assez pour sauver tout le monde. On souffre déjà depuis des années…"
"Au bout d’un système"
Françoise Roch explique qu’il faut tout remettre à plat, "que le secteur arrive au bout d’un système, d’une logique".
"Je suis déçue, ce sont toujours de jolies annonces, le gouvernement parle de souveraineté alimentaire alors que rien ne change. Aujourd’hui la seule façon de tenir c’est de grossir, il faut avoir au minimum 20 hectares de culture pour exister. Avec la pratique des prix bas cela fait des années qu’on est loin d’amortir les coûts de production".