Dans le Gers, Castéra-Verduzan compte 1000 habitants. Parmi les commerces les plus fructueux, son casino. Il est le seul établissement ouvert jusque tard dans la nuit et regroupe des clients fidèles.
Personne sur la plage au bord du lac. Pas plus de monde à l'église. Sur les collines, les tournesols baissent la tête vers le sol. À Castéra-Verduzan, dans le Gers, les soirées sont comme toutes les soirées dans des villages de cette taille : à mourir d'ennui. Ce mercredi-là, un couple a décidé d'y enterrer ensemble sa vie de jeune fille et de jeune garçon. Ils n'iront même pas au casino. Pourtant seul point de vie, ici, dans ce village de moins de 1 000 habitants.
Christiane s'amuse sur sa machine à sous. Assise, elle appuie sur un bouton. Comme machinalement. Elle fait la route régulièrement de Moissac, à 1 h 15 de route de là, pour jouer aux machines à sous. "C'est un divertissement comme un autre", sourit-elle. Concernant ceux qui refusent de parler ou d'être photographiés, elle sait pourquoi : "Leurs femmes ne savent pas qu'ils sont ici !", rigole-t-elle. "On a un condensé ici de la société, ça peut arriver qu'un mari vienne avec sa maîtresse...", confie la directrice du casino, Sandra Bouquillon.
Le casino de Castéra-Verduzan n'est pas Vegas. Loin de là. Il compte 63 machines à sous et une table de black-jack avec son croupier. "Moi, je viens surtout pour jouer au black-jack, ça m'est arrivé de venir tous les jours de la semaine", sourit Jacquie. Elle habite à seulement 100 mètres du casino. "C'est un loisir pour moi", sourit-elle. Face à deux jeunes d'une vingtaine d'années, ce soir-là, elle les écrase.
Au fond de la salle, Patricia rigole avec Stéphane. Il y a deux minutes, elle ne le connaissait pas. Tous les deux jouent au poker électronique. Elle vient d'Agen. "Je viens de temps en temps, sourit-elle. Généralement, je dîne ici, prends trois ou quatre coupes de champagne et je joue." "On a tous des problèmes dans notre vie et venir ici permet de nous évader", confie-t-elle. Combien joue-t-elle ? "C'est secret."
La semaine précédente, un jackpot à 9 000 euros est tombé. Il y a quelque temps, c'est un autre de 8 500 euros qui est tombé sur une même machine et dans la même semaine. André, 82 ans, mais qui en paraît 10 de moins, n'a lui pas eu cette chance. Assis au niveau du bar, il attend que sa femme termine, "jusqu'à la fermeture", sourit-il. Avec elle, il vient de Lectoure trois fois par semaine ici. "Je suis malade et ma femme doit s'occuper de moi toute la semaine, explique l'homme. Venir ici, c'est lui faire plaisir."
Joue-t-il ? "Je me limite à 50 euros par soir, explique-t-il. Quand je n'ai plus rien, je n'ai plus rien." André est arrivé dans la région pour rejoindre son fils, après 50 années à tenir un bar-tabac en région parisienne. "On gagnait plus dans le temps, sourit-il. Maintenant, quand tu sors avec 400 euros, c'est déjà beaucoup !" Sa machine fétiche, la numéro 168, ne lui fera pas cet honneur.
Le casino de Castéra-Verduzan, créé en 1999, doit faire face à la concurrence. Dans le Gers, on compte aussi le casino de Cazaubon-Barboton. Celui de Toulouse est aussi tout près. Depuis la démocratisation d'Internet, les casinos terrestres souffrent des casinos en ligne où l'intimité et la confidentialité est encore plus grande. L'obligation de décliner son identité à l'entrée a aussi été un coup dur pour les affaires.
Pour se démarquer, le casino de Castéra-Verduzan promeut alors une autre image : celle d'un casino familial. "Notre force, c'est la proximité, explique Sandra Bouquillon. On connaît l'ensemble de nos clients." À Christiane, la directrice annonce une bonne nouvelle : elle a commandé une nouvelle machine, la préférée de sa fidèle cliente. La clientèle ici est locale et régulière. "On ne capte pas les touristes de passage", avoue la directrice.
Le casino est-il un atout pour le village ? Jacquie en est convaincue. "Sans le casino, il n'y aurait pas d'animation à Castéra", expose-t-elle. Régulièrement, des spectacles sont organisés dans son parc. C'est au casino que se sont produits des célébrités telles qu'Anne Roumanoff ou Gérald Dahan. Une femme sort de la salle. Y rentre à nouveau deux minutes plus tard, plusieurs billets de vingt euros à la main. Ici, bien qu'en campagne, le casino ferme à 1 h 30.
Découvrez le reportage de Robin Doreau et Denis Tanchereau :