Du déchet à l'assiette, et vice-versa : une société lauragaise fait le pari de l'économie circulaire

Produire des légumes, de la viande et de la chaleur à partir des rebuts du supermarché, de la cantine et de la déchetterie du coin: dans la campagne toulousaine, une société coopérative ambitionne de devenir un laboratoire d'économie circulaire unique en France.

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Des montagnes de portes et de cagettes, des sacs de frites et de radis, des caisses de yaourts et de saucisses: sur le site de l'entreprise Cler Verts, qui doit recevoir vendredi la visite du ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, une forte odeur de décomposition saisit le visiteur.
"Administrativement, ce sont des déchets, mais toutes ces matières, avec de bons procédés, ce sont des ressources", estime dans le vacarme des broyeuses Jean-Luc Da Lozzo, directeur de cette PME installée à Bélesta-en-Lauragais, à 35 km au sud-est de Toulouse.

Lancée en 2003, cette "composterie" récolte 25.000 tonnes de bois et 20.000 tonnes de déchets alimentaires par an, auprès des déchetteries, hôpitaux, cantines ou restaurants situés principalement dans l'agglomération toulousaine.
Triés et broyés sur place, les déchets sont ensuite transformés en compost, en bois de chauffage ou en panneaux de particules. Mais cette année, l'entreprise participe à un projet plus large: développer une zone d'agro-activités sur un territoire voisin de 55 hectares, selon les principes de l'économie circulaire, qui, contrairement au modèle linéaire actuel, vise à réutiliser les déchets et ainsi éviter l'épuisement
des ressources naturelles.

"Tous les sous-produits des activités agroalimentaires génèrent des déchets organiques que l'on peut valoriser, donc autant essayer de regrouper, d'organiser les flux", juge M. Da Lozzo.
Le projet, baptisé "Organic'Vallée" et lancé sous la forme d'une Société coopérative d'intérêt collectif (SCIC), doit notamment à terme réunir dans les collines du Lauragais des maraîchers et éleveurs bio, une huilerie, une meunerie, une "légumerie" et une usine de transformation de luzerne.
Aux panneaux photovoltaïques déjà fixés sur le toit d'un hangar s'ajoutent une unité de méthanisation et une future chaudière, qui, alimentées par les déchets, doivent produire l'électricité et la chaleur nécessaires aux productions du site.

Plumes, viscères et sang de l'abattoir

Des "boucles" existent déjà sur la zone, notamment avec une entreprise agroalimentaire voisine dont les salariés reçoivent du compost en partie issu de leurs déchets, ou avec l'exploitation de Serge Marquié, éleveur de volailles bio à 15 kilomètres de là.
"On amène des plumes, des viscères et du sang, issus de notre abattoir ici, et on reprend une partie de nos déchets en compost" pour l'étendre sur les champs de céréales qui servent ensuite à nourrir les oiseaux, indique-t-il, dans la chaleur près des animaux.
Mais il s'agit de "multiplier les boucles de production, de tout penser en boucles", insiste M. Da Lozzo, en estimant que la démarche vise à "remettre le bon sens au goût du jour".

Ainsi, les porcs élevés sur place dégusteraient les restes de pain collectés actuellement dans les boulangeries ; une jeune entrepreneuse produirait des pleurotes à partir du marc de café provenant des distributeurs automatiques de la région; et le compost produit sur place enrichirait le sol des serres où grandiraient des tomates et concombres.

"A ma connaissance, c'est unique dans le domaine de l'agro-alimentaire, dans l'échelle de la mise en oeuvre, et aussi dans l'ancienneté du programme", souligne Vincent Aurez, membre de l'Institut de l'économie circulaire, qui dit suivre le projet depuis "plus d'un an". Des Assises de l'économie circulaire avaient déjà été organisées, selon lui, dans la région dès 2012.

"Organic'Vallée" fait aussi appel à l'économie "de fonctionnalité", avec la location -- et non la vente -- des terres par les entrepreneurs.
Des chercheurs de l'INRA, qui travaillent sur des expériences de méthanisation, sont pour l'instant installés sur le site, tout comme un maraîcher et un apiculteur.
A un horizon de 5 ans, la SCIC table sur la création d'une centaine d'emplois, avec un chiffre d'affaires de 7 millions d'euros.

Voir ici le reportage de Stéphanie Bousquet et Jack Levé, de France 3 Midi-Pyrénées : 

Visite de Stéphane Le Foll à Cer Verts.


Le ministre accueilli par la FDSEA
Vendredi matin, les agriculteurs de la FDSEA et des JA de Haute-Garonne ont réservé à Stéphane Le Foll un accueil un peu particulier.
Pour se faire entendre, ils ont bloqué la voiture de leur ministre venu visiter un site de recyclage de déchets organiques.
Pendant plusieurs minutes, ils ont pu discuter avec Stéphane Le Foll et plaider pour un assouplissement de la directive Nitrates en Midi-Pyrénées. 
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