L'intelligence artificielle peut-elle remplacer un maître pâtissier ? À Carbonne (Haute-Garonne), Pascal Gélis a testé ChatGPT pour élaborer une carte de 12 bûches pour les fêtes de fin d'année. Si l'outil est un très mauvais cuisinier, il s'est avéré être un formidable assistant. Ce duo unique en France pourrait révolutionner nos desserts.
"Au début, j'étais réticent" avoue Pascal Gélis, maître pâtissier à Carbonne au cœur du Lauragais. Sa Maison est une institution artisanale depuis 1927. Trois générations de pâtisserie et un savoir-faire souvent récompensé.
ChatGPT 4 : un assistant culinaire inattendu
"C'est ma femme qui a suivi une formation sur l'IA et eu l'idée de la tester dans notre cuisine" poursuit-il. Le couple achète ainsi ChatGPT 4. Cette version permet de rajouter des données supplémentaires. "Je l'ai alimenté avec des sites web américains ou anglo-saxons qui référencent des saveurs".
Car l'idée n'est pas de former un nouvel apprenti. L'objectif est de trouver de nouvelles associations de saveurs et d'ingrédients afin de doper la créativité pâtissière.
Je n'ai pas pas l'occasion de voyager pour s'ouvrir et découvrir de nouvelles saveurs. L'IA peut m'aider.
Pascal Gélis
Elle a ainsi "permis d’explorer plus de 33 saveurs uniques", allant des classiques comme la vanille de Madagascar et le chocolat noir, jusqu’à des ingrédients plus audacieux tels que la patate douce, le poivre de Timut ou encore la coriandre.
"Des combinaisons étonnantes ont vu le jour. Mais l’IA n’est que le point de départ : seuls nos pâtissiers peuvent transformer ces idées en véritables desserts" souligne-t-il.
50 heures d'expérimentation pour perfectionner les recettes
"D'ailleurs, quand je lui demandais une recette avec ses suggestions, cela ne marchait pas toujours" rassure Pascal Gélis.
Le pâtissier avoue qu'il a fallu convaincre son équipe de 18 salariés.
"Nous avons dû démontrer que l’IA ne faisait que stimuler notre créativité. Elle nous ouvre des horizons, mais c’est l’humain qui reste au cœur du processus".
Cette expérimentation entre la machine et l'homme a nécessité plus de "50 heures à tester, ajuster et perfectionner chaque recette" complète son épouse, Alexandrine Gélis.
Nous voulions sortir des sentiers battus tout en restant fidèles à ce que nous sommes : des maîtres artisans pâtissiers. Avec l’IA, nous avons pu imaginer des saveurs que nous n’aurions jamais envisagées.
Pascal Gélis
Si l'expérience gourmande semble séduire ces artisans, reste à convaincre les clients.
La nouvelle carte composée de 12 bûches inédites, sera dévoilée le dimanche 1er décembre 2024 dans leur boutique de Carbonne.
"Nous allons éditer un livret pour expliquer notre démarche" expliquent Pascal et Alexandrine Gélis. Ils espèrent que la magie de Noël sera au rendez-vous.
Une première dans la pâtisserie française ?
Si c'est le cas, leur expérience sera une grande première pour la pâtisserie française, selon Luc Trunzler, expert de l'intelligence artificielle conversationnelle depuis 15 ans.
Pour ce spécialiste toulousain, il y a déjà eu des essais plus ou moins réussis, dans le whisky ou le parfum mais jamais dans les gâteaux.
"L'IA a cette capacité d'associer des données entre elles et devenir un levier créatif" analyse-t-il. "C'est l'un des cinq gains de l'IA : temps, qualité, confort, montée en compétences et aspiration".
L'une des nouvelles bûches de Noël, propose une génoise à la madeleine et à la patate douce. De quoi devenir un nouveau sujet des repas en famille.