Après s'être fait souffler par Boeing une méga-commande de long-courriers chez Emirates, Airbus négociait toujours lundi un contrat qui apporterait une bouffée d'oxygène à l'A380, même si l'Européen peut compter sur des carnets de commandes encore épais pour le reste de sa gamme
Au salon aéronautique international Dubai Airshow 2017, c'est Boeing qui a décroché le premier gros contrat.
Dès dimanche, au soir du premier jour du salon, la compagnie du Golfe Emirates a annoncé avoir commandé 40 Boeing 787-10 Dreamliner. Un gros contrat pour un prix catalogue de 15,1 milliards de dollars. Et un contrat d'autant plus difficile à avaler pour Airbus que cette commande remplace en partie celle de 70 A350 annulée il y a un peu plus de trois ans par la compagnie Emirates.
Pour autant cela n'empêche pas Airbus de promettre lui aussi des commandes lors du salon, notamment celle d'une trentaine d'A380, le vaisseau amiral d'Airbus, qui pourrait toutefois intervenir après le salon.
Pas de commande ferme d'A380 depuis plus de 2 ans
"Les négociations se poursuivent", indique une source proche du dossier. "On attend que le lapin sorte du chapeau", ajoute une autre.Pour Airbus, le véritable enjeu est là, alors que son "Super Jumbo" ne parvient pas à décoller sur le terrain commercial. L'A380 a été commandé à 317 exemplaires depuis son lancement en 2007, et n'a pas engrangé de commande ferme depuis plus de deux ans.
L'avionneur est engagé dans une course contre la montre alors qu'il a annoncé en 2016 une réduction de la cadence de production de l'appareil afin de prolonger la durée de vie du programme.
Il table sur un peu moins d'un exemplaire par mois à partir de 2018, contre 27 en 2015, ce qui représente de huit à dix années de production.
Au total, le programme A380, entré en service en 2007, a coûté entre 18 et 20 milliards d'euros.
Vers des A380 cargo ?
Certains, comme l'expert aéronautique américain Richard Aboulafia, de Teal Group, avaient estimé à l'époque que "le programme ne s'en remettra(it) pas (car) la cadence est sérieusement non rentable".Pour Airbus, l'A380 était stratégiquement destiné à répondre à Boeing en proposant de relier les "hubs" des mégapoles. L'Américain avait fait le pari inverse avec le Dreamliner, basé sur le "point-à-point", c'est-à-dire des liaisons directes.
Un pari a priori gagnant puisque le carnet de commandes du 787 dépasse 1.275 exemplaires. Le Dreamliner a ouvert plus de 170 nouvelles liaisons dans le monde depuis son entrée en service en 2011.
Et c'est pour contrer l'Américain sur ce terrain qu'Airbus a lancé son A350, lui aussi un long-courrier destiné au "point-à-point". Avec succès: il s'est vendu à plus de 850 exemplaires à ce jour. Il n'y a pas péril en la demeure pour Airbus, puisque son carnet de de commandes total est de 6.645 appareils à fin octobre, soit environ neuf années de production au rythme actuel.
Et tous les espoirs ne sont pas perdus pour l'A380, "aussi compétitif que les autres +Jumbos+ modernes (à condition que) le taux d'occupation affiche complet. Ce risque est un frein majeur" à l'achat pour les compagnies aériennes, explique Jean-Louis Dropsy, analyste aéronautique au cabinet Argon Consulting.
Le succès de l'A380 est donc "intimement lié à la vitesse de la croissance du transport aérien sur les dix prochaines années et au seuil de saturation des aéroports actuels et des lignes aériennes", ajoute-t-il. "Personne ne sait quand ce seuil sera dépassé, mais si ce jour arrive avant 10 ans, l'A380 sera l'une des solutions des compagnies pour y remédier et l'avion aura un avenir".
Une éventuelle commande d'Emirates, qui pourrait être assortie d'un rachat de vieux appareils par Airbus, pourrait également contribuer à lancer le marché de l'occasion du Super Jumbo. Des A380 de seconde main pourraient faire l'affaire pour des compagnies de transport par fret. Une hypothèse d'autant plus plausible qu'il avait été certifié pour transporter des masses en configuration cargo