Personnels épuisés, sous-effectif et risque professionnel, à l’appel de la CGT les agents de l’Hôpital des enfants du CHU de Toulouse lancent une grève illimitée mardi 11 janvier. La direction ne nie pas les difficultés de recrutement mais dit avoir apporté "une réponse inédite et anticipée".
Déjà en décembre 2019, des chefs de services de l’hôpital des enfants du CHU de Toulouse avaient symboliquement démissionné de leur fonction administrative pour alerter sur la situation d’une structure à bout de souffle et sur le risque professionnel existant. En janvier 2021, les infirmiers du bloc opératoire étaient en grève pour dénoncer le non-remplacement d'une dizaine d'infirmières.
L’hôpital des enfants compte entre 700 et 800 personnes, demain mardi 11 janvier l’appel à la grève illimitée en pédiatrie lancé par la CGT pourrait être très suivi. Infirmiers, auxiliaires puéricultrices, médecins, brancardiers, personnels administratifs… vont se rassembler devant l’Hôpital des enfants à 13 heures, après une minute de silence ils rejoindront à Saint-Cyprien le cortège des manifestants du secteur de la santé et de l’action sociale. Une mobilisation nationale à l’appel de la CGT où les personnels revendiquent de véritables améliorations de leurs conditions salariales et de travail.
"Des conditions de travail dégradées"
A l’Hôpital des enfants du CHU de Toulouse la situation s’est dégradée. C’est dans tous les cas ce qu’affirme Pauline Salingue, éducatrice spécialisée et secrétaire au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’Hôpital Purpan à la CGT :
La situation est catastrophique, les conditions de travail sont dégradées. Nous sommes en sous effectifs et c’est le cœur du problème.
"Il y a un manque de personnel à la fois structurel car l’hôpital manque de personnel même quand il n’y a pas d’arrêt maladie et un recrutement insuffisant de la part de la direction par rapport aux épidémies hivernales", explique Pauline Sanguine.
"Nous avions averti dès le mois d’octobre en CHSCT que les recrutements prévus n’allaient pas être suffisants et malheureusement on se retrouve avec des collègues sur les rotules avec des patients qui doivent attendre aux urgences.
"Mise en danger des collègues et des patients"
A la fin du mois de décembre, il y avait selon la CGT, 2h30 d'attente le week-end ne serait-ce que pour être vu par l’infirmière d’orientation aux urgences enfants, le constat n’est pas exagéré précise Pauline.
Aujourd’hui il y a une réelle mise en danger à la fois de nos collègues et des patients avec un manque de place et d’effectif. Des patients qui attendent et des collègues épuisés avec un risque professionnel important.
Manque d’anticipation de la direction qui "n’assume pas ses responsabilités"
"Au Chu de Toulouse, il nous manque 1500 postes depuis 2014 c’est 300 postes qui ont été supprimés en 2020 en heures supplémentaires, l’équivalent de 250 temps plein de travail et puis dans tous les services des postes vacants qui ne sont pas occupés et aucune capacité de remplacement, vous avez un collègue en arrêt maladie et au CHU on pratique l’auto remplacement, en revenant sur vos repos vos congés", dénonce la syndicaliste.
La situation est particulièrement exacerbée à l'hôpital des enfants notamment en raison de l’épidémie hivernale et du manque d’anticipation total de la direction selon la CGT, " alors que cela fait des années que l’on dit qu’il faut recruter car les agents ne peuvent pas poser leurs trois semaines de congés l’été parce que tous les hivers ça craque on nous refusait des recrutements et désormais on nous dit on n’arrive pas à recruter", s'agace Pauline .
"Cette politique de destruction de l’hôpital est nationale mais la direction applique parfaitement les directives nationales de suppression de postes de lits avec une politique de management pathogène envers les agents de l’hôpital des enfants qui se démènent pour bien faire leur travail. Que fait la direction tous les agents qui étaient à 80 % elle les remet à 100%!"
De nombreux personnels démissionnent ou s’orientent vers le privé, si rien n’est fait en termes d’embauche et de revalorisation salariale, dans quelques mois selon la CGT, l’hôpital de manière générale va "exploser".
De son côté la direction du CHU ne nie pas ses difficultés à recruter du personnel mais "ne peut pas laisser dire notamment sur les réseaux sociaux que la direction ne fait rien face cette situation", explique Edouard Douheret, directeur des Ressources Humaines du CHU de Toulouse.
La directrice du pôle Enfants, Sarah Viguier, tient à "saluer les cadres et les équipes mobilisés malgré les problèmes d’effectifs face à la réalité des difficultés de recrutement dans un contexte de crise épidémique sévère que l’hôpital des enfants a dû affronter et ce dès le mois de septembre. Nous mettons désormais tout en œuvre pour renforcer le pôle afin que les années à venir soient plus simples à vivre".
" A Crise inédite, la direction essaye d’apporter une réponse inédite et anticipée".
"On observe contrairement à la phase de Noël une décrue concernant les urgences pédiatriques car nous sommes en dessous des 200 passages jour, également sur les bronchiolites nous sommes sur moins de 40 patients observés", explique Christophe Mazin , secrétaire général du CHU de Toulouse. L’hôpital a en effet dû faire face à une crise particulièrement redoutable début décembre et complexe à gérer avec un mélange de bronchiolites, de gastros et de virus respiratoires divers entrainant une activité très dense aux urgences.
"Une crise d’autant plus complexe à gérer du fait de problèmes de recrutements des infirmiers sur le marché du travail", précise Christophe Mazin, secrétaire général du CHU de Toulouse.
"Pour faire face à cette crise inédite le CHU a mis en place dès le début un plan épidémique pédiatrique anticipé avec les équipes médicales et paramédicales pour convenir d’une capacité d’accueil, donc des lits supplémentaires et des recrutements supplémentaires. A crise inédite, une réponse inédite a été proposée et qui a butté au sens de mise en place. Une mise en œuvre compliquée avec des difficultés de recrutement et en même temps nous étions confrontés à un absentéisme lié à l’épidémie de covid".
Pour faire face à cette crise hivernale les 40 lits supplémentaires n’ont pas pu être armés, ce niveau a atteint 20 lits à la mi-décembre avec 16 lits supplémentaires à Noël ce qui nous a permis de tenir jusqu’à aujourd’hui avec une décrue qui s’amorce."
Désormais les déprogrammations se font au cas par cas, elles sont moins systématiques et la bascule ambulatoire est favorisée.
Christophe Mazin précise "nous sommes conscients que sur les ressources humaines nous avons des difficultés, on entend le ressenti des soignants, on est à leur écoute, à cette crise inédite on essaye d’apporter une réponse inédite et anticipée".
Politique de recrutement et anticipation
En terme d’emplois pour ce plan épidémique et pour le pôle enfant, la direction a collecté plus de 118 candidatures au cours de l’année et recruté 72 personnes , "je parle de tous profils de soignants et dans ces recrutements plus de 2/3 sont dédiés au plan hivernal c’est dire l’effort consacré depuis septembre pour ce plan épidémique", explique Edouard Douheret, directeur des Ressources Humaines au CHU de Toulouse.
"Nous recrutons dans un contexte épidémique particulier. La plupart des personnes recrutées notamment les infirmiers et infirmières vont rester au CHU, car depuis cet été nous recrutons en CDI directement nos infirmiers infirmières".
Des modalités nouvelles," nous donnons des perspectives à ces agents, au bout de 8 mois nous leur proposons de devenir fonctionnaires, c’est 8 mois aujourd’hui ce sera 6 mois demain".
Au pôle Enfants, Sarah Viguier explique les efforts nouveaux en matière de recrutement de personnels. "Anticiper plus et former davantage en amont les professionnels pour mieux prendre en charge les périodes saisonnières mais au-delà il y a les problématiques de l’absentéisme quotidien. Il nous faut donc mettre les moyens de suppléance nécessaires. On a mené de véritables analyses en ce sens-là au premier semestre 2021 pour augmenter le dimensionnement de notre équipe de suppléance. Travailler sur les modalités horaires de cette équipe, travailler sur les compétences des professionnels. Autant d’adaptation que l’on cherche à mettre en œuvre pour améliorer le bien-être de nos agents toute l’année et non pas que sur la période saisonnière".
"La gestion de l’épidémie nous amène à repenser notre organisation à la fois sur les RH et sur les organisations médicales et tout ceci s’intègre plus largement dans toute la stratégie du grand hôpital régional des enfants pour lequel on a obtenu sur 5 ans un financement majeur de 147 millions confirmé par l’ARS. En même temps on a pu obtenir des moyens supplémentaires une enveloppe de 300 000 euros sur les équipements dédiés au pôle enfants", rajoute Christophe Mazin.