Après le drame de Southport, comment l'extrême droite française s'empare du fait divers avec des affiches anti-immigration "European Lives Matter"

Suite à l'attaque au couteau qui a coûté la vie à trois petites filles en Angleterre, plusieurs organisations d'extrême droite française réagissent. À Toulouse (Haute-Garonne) et à Albi (Tarn), des affiches appelant à la "remigration" sont placardées dans les rues par des groupes identitaires.

Depuis l'attaque au couteau d'un homme sur des petites filles en Angleterre, lundi 29 juillet 2024, des émeutes sont survenues dans plusieurs villes anglaises. De violentes manifestations anti-immigration qui visent des mosquées, des commissariats ou des lieux d'hébergements de demandeurs d'asile.

La raison ? Des rumeurs propagées sur les réseaux sociaux, relayées par des influenceurs et personnalités d'extrême droite, concernant l'origine et la religion de l'agresseur présumé qui a tué trois fillettes, dans la ville de Southport au nord-ouest du pays. Qui ont ensuite été écartées.

L'auteur de l'attaque, Axel Rudakubana, un jeune de 17 ans originaire de Cardiff et résidant à Banks dans le Lancashire, a été arrêté par la police et inculpé pour triple homicide et dix tentatives de meurtre. Son identité a été révélée par les autorités pour contrer les rumeurs virales en ligne qui alimentaient les émeutes.

Le juge de Liverpool a justifié cette décision par un "intérêt public réel et légitime".
Initialement, un média peu fiable avait diffusé le nom "Ali-Al-Shakati", provoquant une désinformation massive. D’après plusieurs titres de presse britanniques, comme le Mirror ou le Daily Record, Axel Rudakubana, issu d'une famille chrétienne impliquée dans la communauté locale, est actuellement en détention provisoire.

Des affiches placardées à Toulouse et Albi

Pourtant, ces derniers jours, des affiches anti-migrants faisant référence à l'attaque au couteau de Southpark ont été placardées dans Toulouse (Haute-Garonne) et à Albi (Tarn). Les visages des trois fillettes s'y affichent avec la phrase "European Lives Matter". Le détournement d'extrême-droite du slogan "Black Lives Matter" contre le racisme systémique envers les Noirs. Un slogan apparu après le meurtre de George Floyd aux États-Unis.

Sur les réseaux sociaux, des militants de groupuscules d'extrême droite, comme Patria Albiges à Albi et Furie Française à Toulouse, se sont mis en scène et revendiquent cette campagne d'affichage sauvage.

Pour Jean-François Mignard, président de la Ligue des Droits de l'Homme Haute-Garonne, l'action n'est pas anodine. "C’est évidemment en lien avec la montée des idées de l’extrême droite, on mesure bien qu'ils cherchent à marquer l’opinion. Ils l’ont déjà fait à Albi. Nous les avons déjà fait condamner pour des raisons qui sont les mêmes, des affichettes mises dans les jardins, dénonçant, la soi-disant invasion étrangère." 

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Sur les posts partagés sur les réseaux sociaux, plusieurs groupes européens d'extrême droite semblent avoir reçu les mêmes consignes : "La façon d'agir à l'international de l'extrême droite est vieille comme le monde, on voit bien que ça circule. Ça pourrait venir dans tous les sens. La pensée politique est paradoxalement internationale alors qu’ils se veulent nationalistes." Les photos des affiches collées à Toulouse sont d'ailleurs relayées sur les réseaux sociaux d'extrême-droite aussi bien en anglais qu'en espagnol. 

Une volonté de généralisation

En Angleterre, le déchaînement de violence s'est amplifié suite à de fausses informations. Pour Matthijs Gardenier, maitre de conférence à l'université Paul Valéry en sociologie, l'objectif des groupes d'ultra-droite en Europe est le même.

"Il y a cette idée de prendre un acte individuel horrible et de passer de la responsabilité individuelle, à une responsabilité collective et dépeindre celle des immigrés, explique le sociologue. Cela ouvre aussi à des violences envers la communauté, pointée du doigt et mise en avant comme criminogène. Des rumeurs propagées affirmant que le criminel était une personne musulmane, réfugiée, qui avait traversé la manche dans un small boat, ont éclaté. Même s'il s’est ensuite avéré que cette personne n’était ni immigrée ni originaire d’un pays musulman, les émeutes avaient déjà commencé".

En Angleterre, les émeutes continuent

Les manifestations d'une rare violence en Angleterre continuent. Pour le moment, les groupuscules d'extrême droite française n'ont pas annoncé d'autres actions. Mais sur les réseaux sociaux, ils soutiennent les émeutiers. Sollicités, Patria Albiges, expliquent : "Nous avons souhaité afficher ces portraits pour que ce drame ne reste pas sous silence et que les Français sachent que nos problématiques liées à l'immigration sont communes à une grande partie de l'Europe. Nous n'avons pas prévu d'autres actions concernant ce triple assassinat. Nous aimerions ne plus avoir à en faire tout court, mais malheureusement l'actualité nous rattrape quasiment toutes les semaines avec des drames commis par des migrants ou des descendants d'immigration récente. Nos yeux le disent, les chiffres le disent."

Le drame de Southport se déroule à des centaines de km de l'Occitanie, pourtant il peut faire penser à ce qu'il s'est déjà passé en Occitanie pour le groupuscule. "On peut penser à l'attentat de Merah ou au parc d'Annecy qui ciblait des enfants. En revanche, la notion de Remigration trouve un écho partout en Europe. De l'Angleterre à la France en passant par l'Europe Centrale et de l'Est."

Il faut cependant rappeler que dans un bilan de 2022, Europol et la DGSI alertent sur le terrorisme d'extrême droite en France, devenu la deuxième menace terroriste en France, après l'islamisme. 

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