Mars 2012 : Mohammed Merah tue sept personnes lors de trois attentats. Des militaires, des enfants et un enseignant juifs. Traqué par la police, le tueur au scooter a été identifié. Il y a 10 ans, dans la nuit du 20 au 21 mars, l'heure de l'assaut final a sonné. Témoignages.
Il y a d'abord eu l'assassinat du soldat Imad Ibn Ziaten à Toulouse, le 11 mars 2012. Le 15, trois autres militaires sont pris pour cible à Montauban par un tueur à scooter. Nouvelle tuerie le 19 mars, à l'école juive Ozar Hatorah où Mohammed Merah abat froidement trois enfants et un enseignant. "Ce que nous redoutions, parce qu’à ce moment-là nous n’avions pas toutes les informations pour le localiser, c’est qu’il récidive", nous raconte dix ans plus tard, Lucien Pourrailly, chef de la police en Haute-Garonne à cette époque.
La traque débute sur internet
A la mi-mars 2012, les policiers et les enquêteurs du SRPJ sont sur les dents. Trois attaques, ciblant des militaires et la communauté juive faisant sept victimes, se sont succédées. À chaque fois, à quatre jours d'intervalle. "L’un d’entre nous a dit, quid le 23 ?, se souvient le chef de la police. Il y avait une espèce de climat de psychose qui commençait à s’instaurer, mais qui ne nous conduisait pas à perdre l’essentiel de ce qu’était notre action."
Depuis l'attentat de Montauban, les enquêteurs savent que les assassinats des militaires sont liés. Dans les deux cas, le tueur prend la fuite en scooter, et les analyses balistiques prouvent qu'il utilise la même arme, un 11.43 automatique. Jean Dos Santos est alors enquêteur à la PJ de Toulouse. Et pour lui, la traque s'organise notamment sur internet puisque Mohammed Merah fait sa première victime, Imad Ibn Ziaten, après avoir répondu à l'annonce du militaire qui souhaite vendre sa moto.
On se doutait bien que le tueur était parmi ceux qui ont sollicité le rendez-vous pour l’achat de la moto. Il fallait identifier 500 personnes qui ont répondu à l’annonce.
Jean Dos SantosAncien enquêteur à la PJ de Toulouse
Les enquêteurs sont confrontés à de nombreux pseudos, doivent faire des réquisitions pour procéder aux identifications. Et faute de système d'exploitation français, "il fallait passer par la Californie pour identifier ces adresses-là", précise Jean Dos Santos. Au fil de leurs recherches, les enquêteurs resserrent peu à peu l'étau. Réduisent à onze le nombre d'adresses IP pouvant correspondre à celle utilisée par le tueur. Et dans le lot, "il y avait celle de la mère de Merah".
Les éléments d'enquête sont recoupés avec les informations qui arrivent de Paris. "Une machine de guerre" se met alors en place pour "loger" le tueur, identifié le 20 mars 2012 au soir comme étant Mohammed Merah.
Mettre la main sur "ce barbare"
"Nous savions intuitivement, parce qu’il y avait des images et des éléments de police technique, que les enquêteurs mettraient la main sur ce barbare", explique dix ans plus tard, Lucien Pourrailly. Et dans la nuit du 20 au 21 mars 2012, l'ancien chef de la police en Haute-Garonne est appelé à intervenir.
Mon collègue chef de la SRPJ m’appelle vers 2, 3 heures du matin, me dit "Lucien, on a besoin de toi, de tes services". Donc j’ai compris qu’il fallait arriver rapidement, boucler le périmètre, mettre de gros moyens pour isoler la zone, pour éviter qu’il y ait des dommages collatéraux avec des riverains.
Lucien PourraillyAncien chef de la police de Haute-Garonne
Les enquêteurs ont remonté la piste du terroriste. Ont son adresse. "Le prendre vivant, c’est prioritaire. Ce qui explique que ça a pris autant de temps", raconte encore Lucien Pourrailly. Mais surtout, le chef de la police rappelle qu'alors, Mohammed Merah "est déterminé à en découdre". En effet, le tueur qui se revendiquera ensuite djihadiste, va tenir tête aux forces de l'ordre, pendant plus de trente heures.
Nathalie Martin et Florence Bouet étaient à cette époque voisines du Mohammed Merah. "Le premier assaut a quand même été assez terrible. On a entendu des coups de feu à l'extérieur. Et ensuite, une rafale de tirs véritablement à l'intérieur. Et ça a duré entre 5 et 10 minutes", se souvient l'une d'elles. Puis, des policiers frappent à leur porte. Le RAID réquisitionne le salon et la cuisine de leur appartement.
Le RAID dans leur salon
Les deux femmes assistent alors aux échanges entre les policiers et Mohammed Merah. "Il dit qu'il a voyagé. Qu'il a fait l'Egypte, la Syrie. Il raconte tout. Le négociateur lui dit "mais pourquoi tu as tué des enfants ?". Et lui, il répond "après tout, vous en tuez bien en Syrie, etc", se souvient Florence Bouet.
Parfois, il pleurait. Parfois, il était très en colère. Il était en rage. Et parfois, il était extrêmement fier.
Florence BouetAncienne voisine de Mohammed Merah
En tout, le siège va durer 32 heures. "J'ai eu recours à cette espèce de dissociation qui m'a permis de garder mon sang froid et de protéger mes enfants", se remémore Nathalie Martin. Les voisines sont ensuite évacuées, juste avant l'assaut final au cours duquel Mohammed Merah sera finalement abattu.