Bébés secoués : quels sont les signaux qui doivent alerter et comment prévenir cette maltraitance ?

Le nombre de cas de bébés secoués a augmenté d'au moins 20% pendant le confinement d'après une étude menée en Ile-de-France. Comment prévenir cette maltraitance ? Une neuro-psychologue toulousaine, Claire Maiore, a accepté de répondre à nos questions.

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Les cas de syndrome du bébé secoué (SBS), appelé aussi "traumatisme crânien non accidentel" (TCNA), ont augmenté pendant la pandémie de Covid-19. Ils ont doublé en 2021 d'après une étude faite en région parisienne. La mortalité a été décuplée par rapport à la période antérieure à la pandémie. La neuropsychologue Claire Maiore décrypte les signes avant-coureurs qui peuvent alerter les parents, les assistantes maternelles ou leur entourage afin d'éviter ce passage à l'acte aux conséquences souvent irréversibles.

France 3 : Peut-il y avoir une prévention concernant le syndrome du bébé secoué ?

Claire Maiore : Il y a différents symptômes avant-coureurs : un état de nervosité, le fait qu'on ne prenne plus ou moins de plaisir à prendre soin de l'enfant qu'on garde ou de notre enfant, le fait qu'on ne supporte plus les cris, qu'on soit dans un état toujours un peu anxieux, à vif... Le fait qu'on a tendance à se replier sur soi-même, qu'on ne sort plus, qu'on n'arrive plus à trouver un équilibre. Avoir la sensation qu'on est peut-être envahi et débordé...  Ce sont les symptômes avant-coureurs d'un potentiel passage à l'acte.

France 3 : que faut-il faire ?

Claire Maiore : en parler. II faut accepter de dire qu'on arrive à saturation, à la limite. Si on est assisté, demander un relais. Si on garde des enfants, se mettre en arrêt de travail, en parler à son médecin. Le tout c'est de mettre du dialogue, ne pas rester tout seul emprisonné dans cette souffrance parce qu'il y a une culpabilité : c'est une démarche d'amour la présence ou la garde d'un enfant et c'est culpabilisant de ne pas être à la hauteur. Il faut en parler, ne pas rester seul avec ça.

France 3 : Il n'y a pas d'éducation pour les parents dans ce domaine...

Claire Maiore : en France, de manière générale, on surmédicalise la préparation à l'accouchement et l'accouchement alors que c'est quelque chose qui se fait depuis des siècles. Aujourd'hui, en plus, on a le choix du mode d'accouchement avec la péridurale. Ce n'est pas un sujet en soi le fait d'accoucher.

Par contre, le développement de l'enfant, les différentes étapes du développement neurologique, ces sujets ne sont pas abordés. On sait par exemple, que l'autisme peut être détecté assez rapidement mais les parents n'ont pas d'informations sur le sujet. Il y a la fixation du regard, le fait de répondre à son prénom et le geste de pointage... L'enfant désigne quelque chose et va partager un intérêt avec l'adulte alors que chez l'enfant autiste, le geste de pointage va désigner par exemple un verre d'eau. Il s'en sert pour exprimer un besoin mais ne va pas être dans un partage avec l'entourage. 

France 3 : cette connaissance devrait être partagée...

Claire Maiore : Oui. On n'accompagne pas le petit être qui va se développer, ce qui suit le fait de lui donner la vie. C'est ça qui crée l'incompréhension, la détresse, le sentiment d'incompétence parfois, la culpabilité que peut avoir un parent de ne pas comprendre son enfant, de ne pas comprendre ses pleurs, de se dire qu'au fond il n'est pas capable.

Des études ont par exemple montré qu'un enfant, physiologiquement, est capable, à partir du moment où il fait 5,3 kg, de supporter plus de 12 heures de jeûne. Donc on peut se poser la question de la pertinence du biberon de nuit. Et ça, juste de le dire aux parents c'est important car ils peuvent se déculpabiliser de ne pas se lever trois fois par nuit. C'est remettre de la connaissance, dédramatiser, faire prendre conscience aux parents qu'ils ont toutes les ressources et qu'ils peuvent poser toutes les questions. Il n'y a pas de questions bêtes.

France 3 : est-ce qu'on peut dire qu'on est dépassé sans craindre de se voir retirer ses enfants ou les enfants que l'on garde ?

Claire Maiore : il y a un boulevard entre le fait de dire : "j'ai du mal à comprendre l'enfant que je garde ou mon enfant", ou bien "je ne me sens pas à la hauteur dans les soins que je peux lui donner" et le fait de prévenir la protection de l'enfance parce qu'il y a maltraitance. Ça peut arriver à tout le monde de ne pas se sentir en pleine possession de ses capacités et il ne va pas pour autant perdre son travail ou son propre enfant ne va pas être placé.

France 3 : qu'est-ce que vous conseillez ?

Claire Maiore : il faut être au clair avec ce qu'on est capable de donner à l'enfant qu'on garde, au clair avec ses limites et accepter qu'un jour, on ne soit pas à la hauteur de ce qu'on nous demande de faire, des soins que l'enfant nécessite. Il faut en parler, demander un temps de pause, demander du relais, prendre un arrêt de travail si on est assistante maternelle. Et si on sent vraiment que le débordement a lieu, on part prendre l'air, on sort, on appelle une copine, on se dit : là, c'est stop.

Le fait d'oser le verbaliser, que ce soit à un ami, son compagnon, son collègue de travail. Déjà le fait que quelqu'un soit témoin de notre détresse, c'est une première étape car ça peut engendrer un relais vraiment rapide. Il faut en parler à son médecin traitant, aller voir des spécialistes comme des psychologues, des médecins psychiatres.

France 3 : on ne va pas être taxé de maltraitant ?

Claire Maiore : non... On va être taxé d'humain parce que la fragilité, elle existe chez n'importe qui. Il faut être au clair avec cette posture. La vie n'est pas un long fleuve tranquille, on ne peut pas être au max de sa forme tout le temps. Mais par contre, nuire à un être sans défense, ça, ça n'est pas envisageable.

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