Depuis près de quinze jours, les salariés des raffineries de Total et d’Esso-ExxonMobil sont en grève pour obtenir des augmentations salariales. Total a contre-attaqué en communiquant la rémunération moyenne d’un opérateur. Regard d'expert à Toulouse sur ces salaires.
Depuis fin septembre, les raffineries françaises sont secouées par un mouvement de grève. Les salariés réclament d'être augmentés (pour rappel, le groupe Total a enregistré des bénéfices exceptionnels en 2021 et 2022). 30% des stations essence sont alors progressivement frappées par la pénurie de carburant. Total riposte le 9 octobre.
Dans la soirée, alors que le mouvement vient d'être reconduit, la direction de TotalEnergies décide de révéler la rémunération d’une partie des salariés du groupe, évoquant du 5.000€ brut par mois, intéressement compris.
Le lendemain, Emmanuel Lépine, secrétaire général CGT de la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC), conteste sur RTL, ces chiffres évoquant plutôt une rémunération "aux alentours de 3000 euros pour les postes à haute, très haute qualification."
Les salariés des raffineries sont-ils mieux payés que les autres ?
Depuis 20 ans, Patrice Roussel, professeur de gestion et de ressources humaines au sein de l'université Capitole 1 et de TSM Research, analyse les rémunérations salariales. En s'appuyant sur les données de l'INSEE, l'expert s'est penché sur celles des salariés des raffineries françaises.
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Le tableau ci-dessus répertorie les salaires par catégorie socio-professionnelle. Les salariés des raffineries gagnent en moyenne 68.763€ brut par an. Soit une différence d'en moyenne 30.000 euros avec les autres professions étudiées. Sur le site de l'INSEE, on peut également voir le détail des salaires moyens selon les postes occupés dans les raffineries.
À poste équivalent, les salariés ingénieurs des raffineries gagneraient 96.000 euros brut par an en moyenne, contre 65.000 pour les secteurs de la fabrication de denrées alimentaires. Autre exemple, pour les ouvriers non qualifiés, les chiffres sont de 36.933 euros brut par mois en moyenne dans les raffineries contre 29.000 euros dans la fabrication de composants électroniques. Le poste de chauffeur, est quant à lui dans la moyenne salariale.
Pour Patrice Roussel, "ces différences reflètent la situation de l'économie française depuis plusieurs décennies. C'est un phénomène qui s'inscrit dans la durée depuis au moins le début des années 80 où des secteurs excellent dans l'économie et délivrent des salaires extrêmement élevés." L'expert finit sur cet avis : "au vu des données que nous avons, c'est un mouvement de grève irrationnel."
La réponse des syndicats
Sur les réseaux sociaux, des fiches de paie d’opérateurs en raffinerie chez Total et ExxonMobil ont été publiées, révélant des revenus bien moindres que la moyenne communiquée par le géant pétrolier. Mais les salaires restent en moyenne supérieurs à ceux des autres catégories socio-professionnelles équivalentes, analysées par l'INSEE.
Aux salaires, s'ajoutent des primes mensuelles, liées par exemple au rythme contraignant. Dans les raffineries, le travail est organisé sur 24 heures avec des équipes qui se relaient toutes les huit heures pour assurer la continuité de l’activité, y compris la nuit, les week-ends et les jours fériés. "Les salariés ne se battent pas pour des primes mais pour des salaires collectifs, pour les retraites", rappelle alors Cédric Caubere, secrétaire de la CGT 31. Il ajoute :
Le mouvement, c'est avant tout à cause de l'inflation qui diminue les salaires. C'est injuste que les salariés ne soient pas revalorisés quand on voit les bénéfices de Total. On ne regarde jamais si les actionnaires c'est juste ou non qu'ils soient revalorisés ou s'ils gagnent plus qu'ailleurs.
Cédric Caubere, secrétaire de la CGT 31
Depuis l'intervention d'Emmanuel Macron mercredi 12 octobre au soir sur France 2, les prises de position se multiplient. Bruno Le Maire a notamment affirmé ce jeudi sur RTL que "Total devait augmenter ses salaires".
Pour l'heure, le bras de fer continue.
