Lundi 1er juillet 2019, 2ème jour du procès en appel de Redouane Ikil et Fabien Djetcha, poursuivis pour deux braquages d'agences postales en 2012 et 2013. Il est beaucoup question de la "moralité" des activités de l'ancien directeur de la Poste de Bellefontaine.
Boxe- Boîtes de nuit-Bureaux de poste : une combinaison qui suscite beaucoup d'interrogations dans ce procès en appel devant la cour d'assises du Tarn.
Redouane Ikil, poursuivi avec Fabien Djetcha pour séquestration et extorsion de fonds en bande organisée avec armes, a effectivement un profil qu'on pourrait qualifier d'atypique.Directeur d'une agence postale dans un quartier dit sensible de Toulouse, il est aussi (ou a été) gérant de deux discothèques. Il pratique également la boxe à haut niveau et fréquente les salles de boxe en tant que manager. Enfin, il a des liens avec des personnes en délicatesse avec la justice.
Or c'est l'un de ces liens qui va amener les enquêteurs à s'intéresser à lui, dans le cadre de ces deux affaires*. L'ADN de Sami Z. est retrouvé sur un serre-flex ayant servi à entraver la victime du braquage de la Poste de Bellefontaine.
Sami Z. est en prison au moment des faits. Il est un ancien salarié d'une des boîtes de nuit de Redouane Ikil, lequel lui envoie des mandats en prison.
"Est-ce courant de voir un directeur d'agence postale fréquenter des salles de boxe, de diriger des discothèques ?" demande l'avocat général à l'officier de police judiciaire qui dépose à la barre ce lundi 1er juillet. Non, répond celui-ci.
"Est-ce courant de retrouver l'ADN d'un individu sur une scène de crime et que celui-ci soit lié à l'ancien directeur de la Poste braquée ?" Le policier explique : "je n'avais jamais vu ça".
Les parties civiles appuient : on le sait, selon leurs avocats, le milieu de la boxe, celui des boîtes de nuit, sont souvent entachés d'une moralité douteuse. N'y a-t-il pas eu mélange des genres ?
La défense bondit. "On lui reproche d'envoyer des mandats à des détenus. Mais des philosophes, des écrivains affichent leur soutien à des prisonniers", explique maître Edouard Martial, avocat de Redouane Ikil. Le rire secoue les avocats des parties civiles.
Le ton monte. "Ne parlez pas de coeur dans cette affaire", s'emporte l'un d'eux. Le président menace de suspendre l'audience.
Avant de "lâcher" le policier, la défense lui fait redire que s'agissant du braquage de Bellefontaine, il signe un rapport le 6 septembre 2012 expliquant qu'aucun "élément décisif, probant, n'existe à l'encontre de Redouane Ikil".Mais le président de la cour d'assises du Tarn rebondit. Il demande à Redouane Ikil s'il est vrai qu'il a utilisé un téléphone portable en prison. Oui, admet l'ancien directeur. Comment cela se fait-il ?, insiste le président. "Je n'ai pas trouvé d'autres moyens".
"Souvent, cela vaut mieux d'avoir un téléphone pour assurer sa défense", plaide maître Martial. Précisant que c'est un secret de polichinelle que tous les détenus ont accès à des téléphones portables.
"Je ne peux pas entendre ça de la part d'un auxiliaire de justice !", s'exclame le président. Qui enchaîne : "Et faire des pressions sur des témoins, M. Ikil, c'est normal ?"
Redouane Ikil nie. Le président veut lui "rafraîchir la mémoire" et fait lecture d'un SMS de Redouane Ikil adressé indirectement à un témoin : "Si tu renonces à ce que tu as dit dans ta déposition, Abdelhakim [son frère, NDLR] sortira de prison".
Redouane Ikil l'affirme, ce n'est pas faire pression. Le président soupire : "Très bien, monsieur Ikil, vous pouvez vous asseoir".
* Les enquêteurs ont toujours été convaincus que seule une personne travaillant ou ayant travaillé dans l'agence de Bellefontaine avait pu renseigner les malfaiteurs sur les habitudes, les salariés, les jours où les liquidités étaient importantes. Pour la défense au contraire, n'importe quel individu surveillant les lieux de l'extérieur pendant plusieurs semaines pouvait obtenir ces renseignements.