Des courriels rendus publics révèlent qu'en 2018, des fonctionnaires de l'administration de l'université Jean Jaurès ont établi des listes de personnels engagés dans la grève afin de restreindre leur accès aux bâtiments de la faculté. L'une des salariés concernés e témoigne.
Les faits remontent à mai 2018. L'université Toulouse II Jean Jaurès, bloquée pendant plusieurs mois à cause du mouvement contre Parcoursup, rouvre ses portes.
C'est dans ce contexte qu'ont été échangés plusieurs courriels, récemment rendus publics par Médiacités et Médiapart : ils révèlent que des fonctionnaires au sein de l'administration ont établi une liste des personnels grévistes afin de restreindre leur accès aux bâtiments de l'université.
"Je suis choquée"
24 noms sur une liste noire. Cette agent administratif a appris la semaine dernière qu'elle était l'une des salariés visés par la restriction. Aujourd'hui, elle reste sous le choc, et se souvient du climat tendu qui règnait dans les couloirs et les allées de la faculté au moment de la réouverture de l'université. Lorsqu'elle a constaté que son badge ne fonctionnait plus normalement, elle ne s'est d'abord pas méfiée :
"On n'a pas le droit de faire ce genre de choses"
Son nom est sur la liste, comme celui de 4 autres personnels administratifs et de 18 enseignants, envoyée par une directrice d'UFR destinée au directeur général des services de l'époque, qui n'est plus en fonction aujourd'hui. Quelques jours plus tard, un autre courriel provenant cette fois de l'adjoint du directeur général des services, demande à plusieurs autres dirigeants d'UFR d'établir également des listes "à titre préventif et pour limiter toutes nouvelles perturbations" de personnels, "au regard de leur engagement dans le mouvement de blocage de l'université." L'administrateur provisoire de l'époque, Robert Laganier, aujourd'hui recteur de l'Académie de Nice, est en copie de ces échanges de courriels. Toutes ces révélations indignent la salariée concernée : "on n'a pas le droit de faire ce genre de choses."
"Elle m'a fait du mal"
Suite à ces récentes révélations, une mission d'inspection, ordonnée par le ministère de l'Enseignement supérieur, enquête en ce moment à l'université Toulouse II. La présidente de l'université, élue fin 2018, attend les conclusions avant de prendre une décision. Les syndicats déplorent l'absence de mesures conservatoires, le temps de l'enquête. Si certaines personnes impliquées dans cette affaire ont changé de poste, d'autres sont toujours présentes. La situation est difficile à vivre pour cette salariée.
La présidente de l'université condamne "fermement"
Interrogée par nos soins à ce propos lundi dernier, Michèle Saint-Jean, la directrice de l'UFR SES, qui avait proposé une liste noire à la direction générale des services, affirme : "évidemment je ne suis pas la seule concernée. C'est ma hiérarchie qui l'avait décidé. Je ne me suis même pas posée la question de la légalité, on m'a demandé de le faire, je l'ai fait", indique-t-elle sans plus de précisions.La présidente de l'université Toulouse II Jean Jaurès, qui a pris ses fonctions fin 2018, après les faits, s'est de nouveau exprimée ce mercredi : "je condamne fermement tout comportement discriminatoire". Elle dit souhaiter le retour à un climat serein au sein de l'université "le plus rapidement possible". Concernant d'éventuelles mesures, elle déclare attendre les conclusions de la mission d'inspection avant de prendre sa décision.
Le reportage complet du mercredi 22 janvier de Delphine Gérard et Pascal Dussol :