Des chercheurs toulousains embarquent sur un navire laboratoire pour comprendre comment l'océan Austral régule le climat

Une dizaine de chercheurs toulousains a embarqué pour 8 semaines de mer à bord d'un bateau laboratoire sur l'océan Austral. Entre 40èmes rugissants et 50èmes hurlants, ils cherchent à comprendre comment cet océan participe à la régulation du climat en absorbant le gaz carbonique atmosphérique.

Même les chercheurs toulousains ont le mal de mer. Dix d'entre eux, rattachés à l’Université Toulouse III – Paul Sabatier, n'ont toutefois pas hésité à embarquer à la Réunion mercredi 13 janvier sur le Marion Dufresne II pour 8 semaines de mer, direction l'océan Austral, autour du continent antarctique, au sud des océans Indien, Pacifique et Atlantique.

A bord de ce navire laboratoire, ils ont rejoint une centaine de personnes, dont une quarantaine d'autres scientifiques, pour mener à bien la mission Swings (South West Indian Geotraces Section), dirigée par deux éminentes chercheuses du CNRS, la bretonne bio-géochimiste Hélène Planquette (*), et l'océanographe géochimiste toulousaine Catherine Jeandel (*).

Entre 40èmes rugissants et 50èmes hurlants

Entre 40èmes rugissants et 50èmes hurlants,  la mission va tenter de mieux comprendre la pompe à carbone océanique, c'est-à-dire comment, dans le cycle du carbone naturel, la biologie marine joue un rôle essentiel en séquestrant de grandes quantités de CO2 atmosphérique dans les eaux de l'océan profond. Les chercheurs s'attacheront en particulier à observer et analyser la manière dont des éléments chimiques essentiels au stockage du dioxide de carbone sont apportés et transformés par les océans.

L'océan Austral, région clef pour le climat et sa régulation

Dans ce secteur du globe éloigné et dangereux, entre le 40ème parallèle sud et le continent antarctique, aux confins de trois océans se trouve un des puits de carbone les plus importants au monde. Il s'agit donc d'une région essentielle pour le climat et sa régulation. 

C'est là, au pays des manchots royaux, que la campagne Swings veut en apprendre d'avantage sur le rôle de chacun des éléments entrant dans le processus de séquestration de carbone. Elle s’inscrit dans le projet international Geotraces, dont "l’objectif est de décrire et de quantifier les sources d’éléments chimiques dans l’océan, leur transformation dans l’océan une fois qu’ils y sont, et enfin comment ils vont ensuite en être soustraits", explique Catherine Jeandel dans une interview qu'elle a accordé avec sa collègue au site d'information scientifique CNRS Le Journal. 

Huit semaines durant, les scientifiques vont donc prélever des échantillons de la surface jusqu’au fond de l’océan pour déterminer les concentrations de ces éléments. "On les appelle « éléments traces », d’où le nom de ce projet international et collaboratif, à l’image de notre discipline. Face au volume des océans, les scientifiques du monde entier ont compris qu’il leur serait indispensable d’unir leurs efforts", renchérit Hélène Planquette.

Les "vitamines de l'océan"

Certains de ces éléments chimiques sont indispensables au développement de la vie. "Ce sont les vitamines de l’océan et on dit qu’ils sont nutritifs, comme le fer, indispensable à la photosynthèse en surface. D’autres éléments rentrent en jeu, comme le cuivre, le zinc ou le cadmium", ajoute la chercheuse bretonne.

D'autres éléments encore constituent des "traceurs de processus". "Ils jouent le rôle de « colorants », car ils permettent d’identifier la source de la matière, ou de chronomètres des processus étudiés parce qu’ils sont naturellement radioactifs. Par exemple, le thorium nous aide à établir la vitesse de chute des matières qui tombent, depuis la surface vers les sédiments du fond, telle une neige marine dans la colonne d’eau. Comme nous sommes incapables de nous poser avec un chronomètre à 3 000 m de profondeur, le thorium nous est bien utile !",  raconte Catherine Jeandel

"Une boîte à outils  très particulière"

Mais tous les éléments chimiques présents dans l'océan ne sont pas fabriqués par l'océan. Ils peuvent être issus des poussières des continents ou des sédiments déposés par les fleuves. "Nous étudions aussi ces sources et transports", poursuit l'océanographe toulousaine. "Ainsi, les isotopes du néodyme, élément appartenant aux « terres rares » sur lequel j’ai beaucoup travaillé, permettent d’identifier l’origine de la matière en un point donné, par exemple si elle vient d’Afrique du Sud. On mesure aussi le baryum, traceur de l’activité bactérienne à moyenne profondeur, ou encore le radium, chronomètre permettant d’établir depuis combien de temps une eau a quitté la côte. Tous jouent leur rôle spécifique de traceurs dans cette boîte à outils très particulière."

Autant chercher une aiguille dans une botte de foin, ou pour les traces de fer, "la matière d’un trombone qui aurait été dissous dans 30 piscines olympiques", compare Hélène Planquette.  

A bord du navire laboratoire, les scientifiques disposent notamment de deux rosettes équipées de 24 bouteilles de 12 litres, dont une dédiée aux métaux en traces ainsi que d'une quinzaine de pompes, capables de filtrer 1 000 litres d’eau de mer pendant environ trois heures, à des profondeurs ciblées pour leur intérêt. Des carottages de sédiments sont également prévus en des points précis.  

Vulgarisation de la mission

Les scientifiques n'ont pas oublié de vulgariser en temps réél, à destination en particulier des enseignants des écoles, collèges et lycées, leurs recherches. Des documents pédagogiques ont été préparés et mis à leur disposition au service éducatif de l’Observatoire Midi-Pyrénées de Toulouse. Par ailleurs, chaque mardi matin, le journal en ligne Exploreur de l’Université fédérale de Toulouse propose un article de fond sur les thèmes de recherche de la mission Swings, dont les contenus sont également partagés sur le blog du CNRS. Enfin, les scientifiques actualisent un journal de bord consultable en ligne.

Retour prévu de la mission Swings du pays des manchots royaux le 8 mars à la Réunion.

(*) Hélène Planquette est chercheuse CNRS au Lemar (Unité CNRS/UBO/IRD/Ifremer), à Plouzané près de Brest (Finistère)

(*) Catherine Jeandel est directrice de recherche CNRS au Legos (Unité CNRS/Cnes/IRD/UPS), à Toulouse (Haute-Garonne)

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