La chercheuse toulousaine Florence Sèdes décrypte le phénomène des "gilets jaunes" sur les réseaux sociaux

Professeur des universités en informatique à l'université de Toulouse et chercheuse à l'IRIT,  Florence Sèdes est spécialiste en écosystèmes sociaux numériques (réseaux sociaux, mobiles, smart tech...). Elle décrypte ici le phénomène "gilets jaunes" sur les réseaux sociaux. 

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Le mouvement gilets jaunes est né sur les réseaux sociaux et a été massivement propagé grâce à ces plateformes. Facebook, Whatsapp ou encore Twitter ont été le théâtre de nombreuses organisations de blocages, de débats, d'expressions de colère ou de solidarité. 

C'est un phénomène nouveau de mobilisation sociale à laquelle Florence Sèdes, chercheuse et professeur des universités en informatique à l'université de Toulouse s'intéresse. Elle se spécialise dans l'analyse de données d'écosystèmes numériques. 

Comment le mouvement des gilets jaunes s'est-il construit sur les réseaux sociaux ?

"Le mouvement des gilets jaunes tombe à un moment où tout un tas de facteurs fait que les gens ne sont pas contents. Le fait qu'il y ait une mobilisation aussi forte que ça est quelque chose qui n'aurait pas pu se produire sans les réseaux sociaux. 
Il y a eu un phénomène d'agrégation humaine qui regroupait à travers les pages Facebook des personnes mécontentes. Il y a eu les premières personnes, les "seeds" ("graines" en Anglais), qui ont lancé le mouvement avant de cristalliser et autour desquelles les autres se sont greffées. Un vrai mouvement citoyen."

Qui sont ces personnes ? 

"En statistique, on appelle ces gens les outliers : des gens "gris" dont l'opinion est indéterminée. Dans ces communautés, au départ on a une masse indéfinie, mais ensuite si on reprend leurs métadonnés, c'est à dire leurs profils (âge, profession, échelon social) et si on analyse en profondeur, on se rend compte qu'ils sont très loin d'un point de vue, mais plus proche de l'autre."

C'est-à-dire ? 

"Ce sont par exemple des gens qui lors de la dernière élection présidentielle en 2017 avaient voté pour, ou étaient sympathisants de, la France insoumise, le Front national, les Républicains etc... Tout ce qui n'était pas La République en Marche. Des gens qui ne partagent a priori pas grand chose entre-eux. Mais maintenant, ce qu'on voit avec les gilets jaunes, c'est que ces gens ont au moins un point en commun : le fait de ne pas avoir voté Macron."

Pourquoi les réseaux sociaux sont des outils qui séduisent pour ce type de mouvement ?

"Tout simplement parce qu'on y retrouve un autre discours que le discours politique ou médiatique traditionnel. C'est du parlé, quoi ! Il y a surtout un fort degré de proximité avec ces outils-là."

Quelle place ont les médias traditionnels là-dedans ? 

"Il y a eu une évolution dans la manière dont les gens se fédèrent. Avant, le principal média de communication était la télé, qui agit comme un noeud central qui va vers les gens. Sur les réseaux sociaux, à l'inverse, le contenu que l'on peut lire ou regarder est un maillage total qui part aussi bien dans un sens que dans l'autre. Mais ce qui est intéressant avec les gilets jaunes, c'est que les deux se sont un peu mêlés. On a par exemple des retraités qui regardent la télé et voient les représentants des gilets jaunes, se retrouvent dans ce qu'ils disent, et qui vont rejoindre le mouvement sur place. Des gens pas du tout connectés se retrouvent alors au sein de ces réseaux hyper-connectés. "

En l'état actuel des choses, est-ce que d'autres mouvements de type "gilets jaunes" pourraient se reproduire ? 

"Il y a des chances, oui !"

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