Graves dysfonctionnements techniques, manque d'effectif, mise en danger des patients : nos confrères de Mediacités se sont procurés plus de 26 000 fiches d'incidents enregistrées par le personnel du CHU de Toulouse depuis septembre 2013.
Un défibrillateur défectueux, une coupure de courant en pleine opération au bloc, deux infirmières le matin pour 26 lits,... Ces faits ont été relevés par le personnel médical et soignant de l'hôpital de Toulouse et consignés dans des fiches d'incidents de septembre 2013 à mars 2017.
Mediacités a eu accès à 26 173 formulaires. Ces fiches d'incidents sont des rapports internes aux hôpitaux de Toulouse, rédigés informatiquement par le personnel pour signaler un événement indésirable.
La fuite de ces documents confidentiels est due à une erreur des services informatiques des hôpitaux de Toulouse qui les ont temporairement rendus visibles sur tous les ordinateurs reliés à l'intranet de l'hôpital. C'est ainsi que la rédaction de Mediacités a pu se procurer ces documents internes.
Les deux journalistes Pablo Tupin et Hakim Mokadem ont travaillé sur ces ''CHU Leaks" depuis le début du mois de février 2018. La CFDT de l'hôpital n'a pas répondu à leurs questions. Ils ont rencontré la CGT, le syndicat majoritaire, le 14 mars. La direction de l'hôpital reconnaît l'existence de ces fiches, néanmoins, elle n'a pas souhaité s'expliquer.
Sollicité par les journalistes de Mediacités, Dominique Soulié, le directeur de la communication du CHU a répondu partiellement le 29 mars par courriel : ''Nombre de vos questions relevant de la vie interne de l'établissement et n'ayant pas vocation a être rendues publiques, nous n'avons pas souhaité répondre point par point aux différentes fiches d'évènements indésirables que vous nous avez communiquées.''
Des anomalies mettant en danger la vie des patients
Ces documents internes sont des milliers de témoignages de soignants accumulés pendant 4 années. Mediacités a pu décortiquer ces retours pointant parfois des problèmes logistiques bénins, mais parfois aussi de graves anomalies mettant en danger la vie des patients.
Dans son article, Mediacités cite notamment ce fait grave, survenu en juillet 2016 au service de chirurgie faciale : ''Lors de l'intervention chirurgicale, la pièce à main du moteur....a craché un liquide noir dans la bouche du patient... et a brûlé la lèvre et la joue gauche." décrit un médecin.
Des bâtiments vétustes
Des fiches signalent aussi des bâtiments inadaptés et vétustes. Comme une porté d'entrée d'un service d'accueil et de soins d'urgence défaillante ou encore une coupure d'électricité en pleine opération qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques. Dans ce dernier cas, la direction assure ''qu'un programme d'investissement technique important a été engagé par le CHU pour améliorer les équipements et sécuriser les installations".
Un personnel épuisé
De nombreux formulaires concentrent des remarques sur le manque de personnel. Comme par exemple, le 30 septembre 2016, le message d'une infirmière : ''deux infirmières le matin pour 26 lits = danger !!!!On en a marre car ça fait deux fois dans la semaine''.
Cette enquête est publiée alors que le secteur de la santé est en pleine crise. En dix ans, le ministère de la Santé a réalisé 7 milliards d'économies sur le budget de l'hôpital public et les professionnels de santé sont de plus en plus nombreux à exprimer leur ras-le-bol. L'hôpital toulousain n'échappe visiblement pas à ce constat.
Vidéo : le reportage de Martin Vanlaton et Jean-Pierre Duntze