Comme cette montre, ces objets sont "un peu comme des fétiches" : le projet #stolenmemory restitue aux familles de déportés des effets personnels saisis par les nazis

Dans un conteneur à Toulouse (Haute-Garonne) s'exposent au regard des passants les destins de déportés dans les camps de la mort. Une exposition itinérante qui sillonne différentes villes d'Europe pour porter au plus près du grand public le projet #StolenMemory. L'ambition : restituer aux familles de déportés les objets saisis par les nazis aux portes des camps de concentration.

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Marie-Christine Jené sort délicatement de son sac à main un objet à la valeur inestimable. Une montre, toute simple. Ses aiguilles se sont arrêtées sur 11h et 50 minutes. Une montre qui appartenait à sa mère Braulia Canovas Mulero déportée à Ravensbrück qui a mis 80 ans à lui revenir.

"Je l'ai toujours avec moi. Mais je ne peux pas la porter. Ma mère est décédée en 1993. Je pense toujours à elle. Mais cette montre c'est comme un lien avec une période tragique de sa vie".

Braulia est une jeune fille de 22 ans lorsqu'elle est arrêtée à Perpignan (Pyrénées-Orientales). Réfugiée espagnole ayant fui le franquisme, elle entre dans la résistance sous le nom de Monique. Elle est dénoncée en 1942. Elle passera plus de 2 ans dans le camp de Ravensbrück. Elle survit et reprend le cours de sa vie à Perpignan.

Des objets témoins de l'histoire

"Nous étions très proches avec ma mère. Elle m'a tout raconté de son histoire. Comment elle a survécu avec une foi en la vie qui l'a toujours portée. Elle m'a raconté aussi des moments de solidarité avec les autres femmes", nous confie Marie-Christine. "Les archives d'Arolsen m'ont contactée pour m'informer qu'elles étaient en possession d'objets ayant appartenu à ma mère. Et nous sommes allés en famille les récupérer. C'était un moment d'une immense émotion. Ces objets cristallisent beaucoup de choses." Comme la montre "on les garde un peu comme des fétiches", explique Marie-Christine. 

L'histoire de Braulia et de Marie-Christine, est l'une de celles que l'on retrouve dans l'exposition #Stolenmemory présentée à Toulouse (Haute-Garonne) jusqu'au 9 juillet sur les parois d'un conteneur métallique bleu qui semble échoué sur les allées Jean Jaurès à Toulouse.

Des destins singuliers

Quand ses portes se déploient, ce sont les destins individuels de déportés dans les camps de la mort qui s'exposent au regard des passants. Un nom, une courte biographie et des photos d'effets personnels saisis par les nazis à l'entrée dans les camps de concentration.

Des milliers d'effets personnels conservés dans les archives d'Arolsen en Allemagne depuis les années 60. "Les archives d'Arolsen ont été dépositaires d'à peu près 5000 enveloppes contenant des objets ayant appartenu aux déportés. La vocation des archives n'est pas de les conserver mais de les restituer aux descendants, aux familles des victimes", explique Theresa Nisters, coordinatrice du projet StolenMemory.

Depuis 2016, 900 objets ont ainsi été restitués après des enquêtes minutieuses qui ont permis de constituer le destin, le parcours qui se cachent derrière chaque nom.

Un travail d'enquête à travers le monde

"Le projet Stolen memory consiste à faire appel au grand public afin de nous aider à retrouver les familles des victimes de la déportation. C'est un peu une course contre la montre parce qu'avec le temps les témoins directs disparaissent et les familles s'éloignent de cette histoire. Dans sa forme, nous avons souhaité une exposition qui touche directement les gens. Comme un vis à vis. Ce n'est pas l'histoire racontée avec un grand H dans les livres. Avec une courte biographie nous proposons de découvrir des destins plus personnels".

Dans les rayonnages des archives d'Arolsen se trouvent encore près de 2000 objets qui attendent de retrouver des proches de déportés.  Le travail d'enquête se poursuit donc avec des historiens amateurs et professionnels. Des bénévoles sont mobilisés à travers l'Europe pour éclaircir les histoires, les parcours qui se cachent derrière chaque nom. Les familles sollicitent également les archives pour en savoir plus sur un grand-oncle, un cousin. 

C'est le cas de la famille d'Ernesto Kühn. Arrêté et déporté parce qu'apatride, on sait de lui qu'il est un rescapé des camps de concentration. On sait aussi qu'il a vécu à Toulouse dans les années 70 rue du Clairon Pouget. Un appel à témoin est lancé pour en savoir plus sur sa vie. 

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