Comment le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc cumule mandats et emploi de haut-fonctionnaire

Le maire LR de Toulouse, président de la métropole et de France Urbaine est toujours contrôleur général économique et financier. Une activité professionnelle pour laquelle il perçoit un traitement. Explications.

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Il n'est pas membre du gouvernement mais il a "un agenda de ministre" : maire de Toulouse, la 4ème ville de France, président de la métropole, président de l'association France Urbaine (qui regroupe les communautés urbaines et les métropoles), Jean-Luc Moudenc (Les Républicains) partage son temps entre réunions de quartier, réception de délégation, conseil municipal et métropolitain, séances de travail avec ses équipes, inaugurations, conférences de presse, dîners officiels, etc.

Mais le maire de Toulouse est aussi haut-fonctionnaire : il occupe toujours, à Paris, un poste de contrôleur de 1ère classe au contrôle général économique et financierun organisme rattaché au ministère de l'Economie et des Finances. Une activité professionnelle qu'il n'a jamais cachée, décidé d'ailleurs à répondre à nos questions à ce sujet : 

Par souci de transparence, je trouve normal que les choses soient demandées". (Jean-Luc Moudenc)


Un emploi pour un élu, qu'il soit public ou privé, c'est évidemment tout à fait légal. Mais comment un élu aux mandats aussi importants fait-il pour occuper en même temps un poste de haut-fonctionnaire ? 

Nommé par Nicolas Sarkozy

Petit retour en arrière : en 2008, celui qui a remplacé Philippe Douste-Blazy au Capitole est battu aux élections municipales par Pierre Cohen (PS). Jean-Luc Moudenc commence une traversée du désert politique comme élu d'opposition, et financière, l'élu perdant son indemnité de maire de Toulouse. Il se retrouve sans emploi. Le 13 juin 2008, quelques mois après sa défaite, le Président de la République Nicolas Sarkozy lui accorde une faveur :  il le nomme contrôleur général économique et financier de 1ère classe au tour extérieur (hors concours de la fonction publique).

Jean-Luc Moudenc rejoint alors une institution moins prestigieuse et connue que l'inspection des Finances ou la Cour des Comptes. Mais il intègre la citadelle du ministère des Finances. Le contrôle général est directement rattaché à Bercy. Les patrons du contrôleur Moudenc sont les ministres de l'Economie, des Finances et des Comptes Publics. Depuis le 17 mai 2017, les supérieurs hiérarchiques du haut-fonctionnaire toulousain s'appellent Bruno Le Maire et Gérald Darmanin.

Dans ses fonctions, Jean-Luc Moudenc croise majoritairement des énarques mais aussi d'autres élus, nommés, comme lui, au tour extérieur. Il existe 84 contrôleurs généraux. Selon nos informations, les élus sont très peu nombreux. Et la présence dans les effectifs de la CGeFi d'un maire de grande ville est exceptionnelle. L'ancien ministre et ex-maire de Bourges, Serge Lepeltier, est, selon une source, le seul autre "grand" élu local. "Je suis le seul grand élu en poste" reconnaît Jean-Luc Moudenc.

Une pause pendant son mandat de député​

En 2012, Jean-Luc Moudenc est élu député de la Haute-Garonne. Un mandat législatif est incompatible avec l'emploi de haut-fonctionnaire à la CGeFI. Jean-Luc Moudenc est donc placé en disponibilité. Deux ans plus tard, l'élu gagne cette fois les élections municipales, face à Pierre Cohen, et redevient maire de Toulouse. Il respecte une promesse de campagne et abandonne alors son mandat de député. Jean-Luc Moudenc peut donc retrouver son emploi et sa rémunération de haut-fonctionnaire. Mais il se passe deux ans avant qu'il ne soit réellement affecté à une mission.

Le 6 juin 2016, alors qu'il est déjà maire de Toulouse depuis deux ans, un arrêté de Bercy affecte Jean-Luc Moudenc "à la mission fonctionnelle «Études-conseil» du service du contrôle général économique et financier".  C'est la règle. Les élus n'exercent pas de mission de contrôle. Ils se retrouvent aux "Études et Conseil", sous la direction d'un chef de service. 

Selon une source, le rôle de ce chef de service est de "cadrer et d'encadrer" les élus-contrôleurs et notamment de vérifier la qualité de leurs travaux. Selon l'expression d'un fin connaisseur de Bercy, le chef des "Etudes et Conseils" veille à l'absence de conflit d'intérêts et la véracité du travail.

Des "crédits d'heures" pour ses mandats d'élu et du télétravail

Comme tous les élus, Jean-Luc Moudenc bénéficie de crédits d'heures et d'absences autorisées lui permettant de s'absenter de son activité professionnelle pour exercer ses mandats. Contacté par France 3, le Contrôle général économique et financier (CGeFi) "confirme que M. Jean-Luc Moudenc est membre du corps des contrôleurs généraux. Conformément au code général des collectivités territoriales et à la circulaire de la Fonction Publique du 13 janvier 2005, il bénéficie d’autorisations d’absences et de crédits d’heures en rapport avec ses fonctions électives et ne perçoit que le traitement correspondant"

La réglementation prévoit qu'un "élu municipal peut bénéficier d'autorisations d'absence pour se rendre et participer :
  • aux séances plénières du conseil municipal
  • aux réunions des commissions dont il est membre,
  • aux réunions des assemblées délibérantes et des bureaux des organismes où il a été désigné pour représenter la commune".
Un maire d'une ville de plus de 10 000 habitants peut également bénéficier de 140 heures de crédit pour ses activités d'élu. A noter que crédit d'heures et absences autorisées ne peuvent dépasser 803,5 heures par an mais que ce cumul est majoré de 30 % pour un élu de chef lieu de département, ce qui est le cas de Toulouse.

"Quand j'ai été réintégré au CGeFI en 2014, précise Jean-Luc Moudenc, j'ai demandé à exercer à temps partiel. Or les textes en vigueur ne le permettent pas. C'est la raison pour laquelle, afin de réduire mon temps de travail, je bénéficie, à ma demande, du cumul des dispositifs maximaux prévus (autorisations d'absences, crédit d'heures, congés). En outre, j'ai été autorisé à bénéficier de la possibilité d'exercer mon activité en télétravail à mon domicile"

Quel​s travaux ?

Interrogé par France 3 sur le contenu de son activité professionnelle, Jean-Luc Moudenc précise son rôle : "Je suis haut-fonctionnaire, membre d'un corps qui ne gère pas un service public mais qui, réunissant des expertises de haut-niveau, contrôle et émet des recommandations destinées à améliorer la performance de l'action publique d'organismes situés dans le giron de l'Etat. Mon rôle consiste à mettre l'expertise et l'expérience qui sont les miennes au service du corps auquel j'appartiens".

Entre 2008 et 2012, Jean-Luc Moudenc était donc affecté à des missions de contrôle des chambres de commerce et de métiers. Mais cette mission est incompatible avec des mandats d'élus. Il est donc désormais affecté à la mission "Etudes-Conseil" et précise lui-même ses fonctions : "auditions, préconisations de l'expertise, revues de dépenses, exercices d'évaluation réguliers commandés par le gouvernement, groupes de travail pour auditer certains organismes d'Etat en vue d'accélérer sa modernisation, etc."

Alors que le CGeFI, complète Jean-Luc Moudenc, est composé à 90 % de hauts-fonctionnaires ayant l'expérience de l'Etat, j'apporte, avec d'autres rares collègues, un regard et une expertise territoriale, celle de la France décentralisée, spécificité utile et appréciée par ma hiérarchie.


A ce titre, Jean-Luc Moudenc a participé par exemple, avec d'autres contrôleurs généraux, à deux revues de dépenses en 2017 ("Optimisation de la dépense publique en faveur du sport" et "Patrimoine des collectivités locales") et à deux autres en 2017 ("Ressources humaines des collectivités locales" et "Maîtrise des risques des entreprises publiques locales") ainsi qu'à deux groupes de travail ("Observatoire CCI-CMA" et Réforme territoriale"). 

Pour quels revenus ?

Dans sa déclaration d'intérêts obligatoire rédigée en 2015, Jean-Luc Moudenc indique le montant de ses rémunérations à la CGeFI. Sur le document, toujours consultable en ligne, il indique comme revenus annuels : 
  • 91 946 euros en 2009
  • 94 780 euros en 2010
  • 99 044 euros en 2011
  • 48 479 euros en 2012 (élu député en juin)
  • 52 euros en 2013
  • 0 euros en 2014
Aujourd'hui, Jean-Luc Moudenc perçoit un traitement de "Contrôleur général Economique et Financier de 1ère classe, 5ème échelon du grade, groupe hors échelle C, 3ème chevron" qui en raison de son aménagement du temps de travail "se traduit par une amputation salariale significative". Il bénéficie également d'une part variable annuelle "du montant le plus bas de l'échelle en vigueur". Enfin son emploi lui ouvre des droits à versement d'une retraite. 

Ce traitement de haut-fonctionnaire s'ajoute aux indemnités de maire de Toulouse : environ 6000 euros nets mensuels en tant que maire de la 4ème ville de France. Il ne perçoit pas d'indemnité en tant que président de la Métropole. Enfin, son activité de président de France Urbaine est quant à elle bénévole.

7 jours de travail par semaine

Congés, crédit d'heures, autorisations d'absences, télétravail... Jean-Luc Moudenc bénéficie donc d'une panoplie d'aménagements de son temps de travail. Pour autant, il lui faut donc travailler en plus de ses mandats. Alors question : mais comment fait-il ?
"Je me rends dans les locaux d'Ivry plusieurs fois par mois ou davantage en cas de réunion ponctuelle, plénière ou spécifique ou de groupes de travail. Le télétravail, les horaires décalés et l'amplitude de travail sur une semaine de 7 jours effectivement travaillés font que je remplis mon quota d'heures annuel et l'ensemble des missions qui me sont confiées par ma hiérarchie"

Même mon opposition reconnaît que j'ai une capacité de travail importante" (Jean-Luc Moudenc)


Il indique ne s'être pas posé la question d'une demande de mise en disponibilité par le CGeFI : "J'ai déjà été en dispo durant les 4 ans de mon mandat de député, si j'avais demandé une nouvelle mise en disponibilité pendant les 6 ans du mandat de maire, j'aurais été absent de mon travail durant 10 ans. Le lien aurait été rompu". Mais il se "réserve cette possibilité" dans les années à venir.

Avant de conclure : "Cette activité me permet de garder un lien avec la vie professionnelle, la situation contraire étant souvent reprochée aux politiques"

FV et LD
Jean-Luc Moudenc, contraint de licencier... sa femme
Le président de la Métropole de Toulouse a procédé le 15 février dernier au licenciement de son épouse, Blandine Moudenc. Elle était employée comme cheffe de cabinet de la Métropole depuis 2014. 
Aucune faute ne lui est imputée.
Ce licenciement est simplement le moyen de se mettre en conformité avec la nouvelle loi Belloubet, consécutive à l'affaire Pénélope Fillon.
Désormais les élus ne peuvent plus embaucher leur conjoint ou leurs enfants. 
Selon Jean-Luc Moudenc, sa femme Blandine (qui avait été précédemment son assistante parlementaire) recherche désormais un emploi et s'est inscrite à Pôle Emploi. 
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