Coronavirus : drives et laboratoires saturés, difficile (voire impossible) de faire un test Covid rapidement à Toulouse

Rendez-vous impossible avant 7 jours sur Doctolib, laboratoires d'analyses saturés... Restent les drives pour espérer faire un test de dépistage du Covid-19 dans un délai raisonnable à Toulouse. A condition de s'armer de patience. Reportage.

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10h15, ce mardi matin, place Jean Diebold à Toulouse. Devant l'un des sept drives de dépistage gratuit mis en place dans la ville rose, la file d'attente s'étire. Près de 250 personnes patientent, réparties en un long escargot entre les barrières de métal. "Je suis là depuis 7h15" explique Elisabeth "j'espère passer avant 11h00". Elle part en voyage et le loueur de son appartement exige un test PCR négatif pour maintenir la location. "Je suis déjà allée samedi au drive des allées Jules Guesde mais je me suis fait refouler car il y avait trop de monde alors je retente ma chance ici". A côté d'elle, Cécile attend depuis aussi longtemps. Pour elle aussi, c'est la deuxième tentative. "Je suis déjà venue hier" explique-t-elle "une de mes collègues est positive et ce week-end, j'ai été gênée, j'ai ressenti des symptômes. J'ai décidé de ne pas prendre de risque". 

Je trouve ça absurde. Je suis auxiliaire de vie, je travaille avec des personnes handicapées. Il y a un risque et un vrai problème aussi car personne n'est là pour me remplacer auprès d'elles. Je trouve ça dommage de devoir attendre autant de temps. Ils devraient prioriser les cas contact et les personnes symptomatiques.

Cécile

Ce que Cécile ignore, c'est qu'avec l'ordonnance que lui a fait son médecin, elle aurait au moins pu gagner un peu de temps.Car il y a une file d'attente réservée pour les personnes munies d'une ordonnance. Mais dans la queue, beaucoup sont comme elle et ne le savent pas. Il faut dire que les informations circulent essentiellement par le bouche-à-oreille et sont souvent contradictoires.

Des profils très différents

Voyageurs en partance, cas contact ou personnes symptomatiques, il y a tous les profils dans cette file d'attente.
Nour, Thomas et Imad patientent ensemble depuis maintenant 3 heures. Ils sont tous les trois élèves de la même classe de BTS et ont tous reçu le même message de la CPAM. "On a été contacté par l'assurance maladie pour nous dire qu'on doit se faire dépister" explique Thomas. "On est des cas contact car un élève de notre classe est positif au Covid-19".
"Depuis, on a appris qu'une deuxième élève est positif" explique Nour. Quelques minutes plus tard, ils reçoivent un nouveau message sur leur téléphone, de leur école cette fois. Leur classe est fermée jusqu'à nouvel ordre. Les cours seront virtuels pendant quelques temps pour les trois amis. 
Alexandre lui, touche au but. "J'ai des symptômes depuis ce week-end. je viens surtout pour ma mère" explique-t-il. Il a déjà passé le questionnaire administratif, et s'assoit pour le prélèvement. Tout est assuré ici par des étudiants appelés en renfort par les laboratoires. 

Des laboratoires débordés et en manque de réactifs

Ce drive ne fonctionne que de 8h45 à 12h00. Et dès le début de la matinée, il est tellement pris d'assaut qu'il faut refouler du public. Au-delà de 300 personnes, les vigiles chargés de la sécurité du site ferment les barrières chaque jour. "On ne peut pas tester plus de 240 personnes par matinée" explique Michel Pietri, médecin biologiste du laboratoire Biosud. "Nous sommes deux laboratoires présents ici et chacun limite à 120 le nombre de personnes à tester. On n'est présent que le matin car après il y a un très gros travail administratif, il faut enregistrer et traiter tous les dossiers". Mais le problème des laboratoires, déjà saturés de demandes, ce n'est pas seulement le traitement des dossiers, souligne-t-il, c'est aussi celui des réactifs pour les tests.

On aimerait tester plus de personnes mais on n'arrive plus à suivre. On manque de réactifs pour réaliser nos tests. Notre grand problème, c'est qu'il y a des machines avec lesquelles on travaille qui sont des machines américaines et pour lesquelles on ne peut pas aujourd'hui s'approvisionner en réactifs. Les Américains les thésaurisent. L'ARS essaie de mettre en place des passerelles avec les laboratoires vétérinaires et le CHU nous aide, on lui envoie une partie de nos tests, mais on a un vrai problème d'approvisionnement.  

Michel Pietri, médecin biologiste

"Une situation martienne"

Pour ce médecin-biologiste, la situation est inédite. "Vous avez déjà vu ça, vous, des images comme ça ?" interroge-t-il, derrière son masque et sa visière. 

C'est une situation martienne. On est débordé. On n'a jamais connu ça. Il y a eu le VIH, dans les années 1980, Ebola ou la maladie de la vache folle mais on n'a jamais connu de situation de ce genre. Toute la population est touchée, on est tous concernés. C'est très spécial et à la fois, c'est le coeur même de notre métier.

Michel Pietri, médecin-biologiste

Des délais qui s'allongent pour les résultats

Une situation martienne et des délais qui s'allongent pour connaître les résultats. C'est mathématique, explique Michel Pietri, plus on fait de tests, plus les délais s'allongent. Plus question aujourd'hui d'avoir ses résultats au bout de 24h00, comme au début des campagnes de test. "On est aujourd'hui à 4 à 5 jours de délai pour connaître les résultats, ce qui pose un vrai problème de santé publique". Car en effet, comment dépister à temps les cas contact et éviter des contaminations si les résultats arrivent si tard ?

La situation"ubuesque" de Wanda

J'ai failli aller à Carcassonne car c'était la seule place que j'avais trouvé sur Doctolib et puis je me suis ravisée quand on m'a dit les délais que ça prendrait pour avoir les résultats. Nous sommes déjà venues hier matin à 9h00 mais c'était trop tard. On nous a dit de revenir aujourd'hui

Wanda, dans la file d'attente depuis 3 heures

Wanda est au tout au bout de la file. Elle est là depuis 7h40, avec sa fille Magdalena, élève de CM2. "Ma fille est cas contact depuis le 4 septembre, parce qu'une élève de sa classe est positive au Covid-19" explique-t-elle "elle aurait dû faire le test beaucoup plus tôt mais on a perdu 4 jours parce que l'école nous a prévenu tard." Et depuis, impossible de trouver un rendez-vous dans un laboratoire. 
Magdalena n'a pas de symptôme mais elle ne peut pas revenir à l'école sans présenter un test négatif, explique sa maman. Et l'école ne veut pas non plus ramener la quatorzaine à la septaine désormais en vigueur. Résulat, Wanda essaie sans succès de faire tester sa fille. 

C'est ubuesque ! Il me faudrait une ordonnance pour ne pas attendre pendant des heures. Ma pédiatre ne veut pas me faire d'ordonnance puisque ma fille n'a pas de symptôme et parce que ça fait 11 jours déjà qu'elle est cas contact donc, ça n'a plus de sens et je suis d'accord avec elle. L'école, elle, ne veut pas que ma fille revienne sans test négatif. Alors je fais quoi ? Je ne vais quand même pas mentir et inventer des symptômes à ma fille pour avoir une ordonnance ! Il y a un vrai problème dans les préconisations du rectorat. Je suis vraiment excédée par cette situation. On n'a rien à faire ici. On ne devrait pas être là.

Wanda

Les mêmes images devant tous les drives

A Toulouse, les mêmes scènes se répètent devant tous les drives mis en place par la préfecture, l'agence régionale de santé (ARS), le centre hospitalier universitaire (CHU), la mairie de Toulouse et l'union régionale des professionnels de santé biologistes d'Occitanie (URPS). Des files d'attente de plusieurs heures pour accéder aux tests de dépistage.
Sur les allées Jules Guesde, seul lieu ouvert le dimanche avec le drive du CHU, certains viennent même dès 5h00, selon le vigile...

Difficiles rendez-vous

Si on fait partie des premiers arrivés, les drives semblent malgré tout aujourd'hui le seul moyen de faire un test dans les temps préconisés en cas de symtômes (7 jours) aujourd'hui à Toulouse. Car sur rendez-vous, c'est encore plus compliqué. Sur la plateforme de rendez-vous en ligne, Doctolib, le premier rendez-vous proposé est le 22 septembre 2020. 
Quant au drive de l'hôpital Purpan, seul drive de l'agglomération pour lequel une prise de rendez-vous est obligatoire par téléphone, il est impossible à joindre tellement les appels sont nombreux. 
Enfin, de nombreux laboratoires ont décidé de prioriser les tests et refusent certains prélèvements. "Dans nos laboratoires, on n'accueille plus aujourd'hui les gens qui ont besoin d'un test PCR pour voyager" explique ainsi Michel Pietri, "on a arrêté de les faire. De toute façon, on ne peut pas les traiter dans les délais."
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