Le député LREM de Toulouse Pierre Cabaré visé par une enquête pour harcèlement sexuel

INFO FRANCE 3 - Le député de la 1ère circonscription de la Haute-Garonne fait l’objet d’une enquête du SRPJ de Toulouse après la plainte d’une assistante parlementaire qui est sa suppléante. Un autre de ses salariés affirme avoir été licencié pour avoir dénoncé ses agissements. 

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Les enquêteurs du service régional de police judiciaire (SRPJ) de Toulouse font leur travail. Ils interrogent des témoins, les anciens collaborateurs du député et rassemblent des éléments.
Ils ont été saisis en toute discrétion, il y a quelques semaines, par le parquet de Toulouse, dans le cadre d’une enquête préliminaire pour harcèlement sexuel et moral. La plaignante a aussi porté plainte pour agression sexuelle. 

Au centre de cette enquête "sensible", un membre de la majorité parlementaire, du groupe de la République en Marche à l’Assemblée nationale : le député LREM de la 1ère circonscription de la Haute-Garonne, Pierre Cabaré.

Collaboratrice et députée suppléante

Cette enquête fait suite au signalement de l’inspection du travail auprès du procureur ainsi qu'à la plainte déposée par celle qui était alors encore l’assistante parlementaire du député mais qui est aussi (et toujours)… sa suppléante au poste de député de la Haute-Garonne !

Lucie Schmitz affirme dans sa plainte avoir subi les assauts de son patron à plusieurs reprises. Elle a déjà déposé une première fois, pendant plusieurs heures, devant les enquêteurs. 

Malgré son statut de suppléante du député, elle a été licenciée par Pierre Cabaré. Elle devrait, dans les semaines qui viennent, entamer également une procédure prudhommale. 

Contactée par nos soins, par l’intermédiaire de son avocat, elle ne souhaite pas s’exprimer pour le moment, préférant laisser les policiers poursuivre leur enquête. 

Quand au député, il indique à France 3 que, selon lui, sa suppléante, qui travaillait à temps partiel à son service, a été licenciée car elle ne répondait pas "aux règles professionnelles et aux injonctions de l’Assemblée nationale concernant les collaborateurs parlementaires". Selon lui, c’est par "ressentiment" qu’elle a porté plainte.

"Vous savez, ça ne veut pas dire grand chose qu’elle soit suppléante. Elle ne peut me remplacer que si je suis ministre ou si je meurs dans la dernière année de mon mandat ! Et je n’ai pas pour projet de devenir ministre (Pierre Cabaré)

Un autre collaborateur licencié

Un autre collaborateur de Pierre Cabaré a lui aussi été licencié début 2019. Selon nos informations, le jeune homme s’est vu reprocher son "comportement inapproprié" par le député qui l’a licencié pour faute grave. Il a entamé depuis une procédure devant le tribunal des Prudhommes pour licenciement sans motif réel et sérieux. 

Toujours selon nos informations, recoupées par plusieurs sources, cet assistant parlementaire aurait été le témoin visuel des agissements du député envers sa collègue. En décembre 2018, il serait personnellement intervenu pour demander à son employeur de cesser d’importuner sa collègue.

Pour toute réponse, il a reçu une proposition de rupture conventionnelle de son contrat de travail, qu’il a refusée, suivie d’une mise à pied à titre conservatoire et d’une convocation à un entretien préalable pour un licenciement. Le licenciement a été effectif le 6 février 2019.

Depuis, le dossier est entre les mains de la justice. L’ex-collaborateur, qui a professionnellement quitté la politique, a obtenu le 17 mai dernier une première condamnation de Pierre Cabaré par le Conseil des Prud’hommes de Paris, saisi en référé, pour absence de fourniture d’un certificat de travail. Condamné aux dépens, le député a dû payer les frais de justice.

"Un climat délétère" et 6 départs de collaborateurs !

Durant les derniers mois, un habitué des couloirs de l’Assemblée nationale et bon connaisseur des difficultés professionnelles inhérentes à la profession des assistants parlementaires, décrit "un climat délétère" dans l’équipe de Pierre Cabaré.

Un climat qui explique selon lui, le départ de six collaborateurs, selon les informations que nous avons collectées ! 

Outre les deux licenciements, depuis le début du mandat du député LREM de la Haute-Garonne, quatre autres collaborateurs à son service ont quitté leurs fonctions : certains au bout de quelques semaines, en pleine période d’essai, les autres en négociant une rupture conventionnelle ces dernières semaines.

"Il a fallu que je renouvelle l’équipe, explique Pierre Cabaré. Certains ne faisaient pas l’affaire et d’autres ont souhaité partir. Aujourd’hui j’ai une équipe de collaborateurs qui vont dans mon sens et travaillent vers plus de proximité".

Les derniers départs, au cours de l’été 2019, concernent des salariés qui travaillaient pour Pierre Cabaré depuis le début du mandat pour l’un, depuis plusieurs mois pour l’autre. Aujourd’hui son équipe est totalement renouvelée.

Vice-président de la délégation aux droits des femmes

Membre de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée, Pierre Cabaré est aussi l’un des quatre vice-présidents de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

A ce titre, on le voit souvent aux côtés de la secrétaire d’Etat en charge du dossier, Marlène Schiappa. 

Dans l’hémicycle, il n'est pas parmi ceux qui interviennent le plus selon le site nosdéputés.fr, qui recense minutieusement l’activité des députés. On l’y a entendu notamment, le 15 mai 2018, dans le cadre de la discussion de la loi sur les violences sexuelles, au cours de laquelle il s’était félicité du renforcement des sanctions contre les auteurs de violences sexuelles envers les mineurs.

Imbroglio autour de son investiture par En Marche !

Pierre Cabaré, prothésiste dentaire de profession, avait été investi par En Marche ! sur la première circonscription de la Haute-Garonne pour les élections de juin 2017.

Mais, comme il avait omis de rappeler qu’il avait été condamné en 2003 au sujet de ses comptes de campagne des législatives de 2002*, la commission nationale d’En Marche avait suspendu l’investiture En Marche ! 

Dans les faits, les affiches où il figurait aux côtés d’Emmanuel Macron étaient déjà imprimées et le candidat avait continuer à faire campagne comme n’importe quel autre candidat du mouvement. 

Lui affirme aujourd’hui qu’on ne lui a finalement jamais retiré l’investiture En Marche ! 

Elu, de peu, au second tour, face à la candidate de La France Insoumise Claire Dujardin, Pierre Cabaré n’a d’ailleurs eu aucun mal à intégrer les rangs de la majorité présidentielle. Il a d’emblée été inscrit au groupe LREM à l’Assemblée nationale.

Sur sa page facebook, on le voit régulièrement en photo en compagnie de ministres ou de ses collègues députés. Une photo le montre aussi en compagnie du Président de la République Emmanuel Macron. Elle date de septembre 2017, peu de temps après son élection.
 

"Je répondrai à toute atteinte à mon intégrité"

Dans un long entretien téléphonique accordé à France 3, le député indique ne pas avoir eu connaissance du contenu de la plainte déposée par son ancienne collaboratrice à son encontre. 

"Je saurai réagir quand j’aurai connaissance de la plainte et je me réserve le droit de porter plainte moi-même contre toute personne qui porte atteinte à mon intégrité (Pierre Cabaré)

"J’ai besoin qu’on respecte ma façon de travailler, poursuit-il. Si un collaborateur veut partir, qu’il le fasse. Mais je ne critiquerai jamais mon ancienne équipe" poursuit-il.

Entendu bientôt par les enquêteurs

Selon nos informations, les policiers du SRPJ qui mènent l’enquête procèdent en ce début septembre aux premières auditions des témoins. Le député devrait bientôt être convoqué pour être entendu.

Il est présumé innocent et c’est à l’issue de l’enquête préliminaire menée par le SRPJ que le parquet décidera s’il y a matière à ouvrir une information judiciaire et à nommer un juge d’instruction ou au contraire à classer la plainte sans suite. 


* Candidat aux législatives en 2002 sur la première circonscription de la Haute-Garonne, Pierre Cabaré, alors sous l’étiquette Cap 21 le mouvement de Corinne Lepage, avait obtenu 1,09 % des voix. Mais la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait saisi le Conseil constitutionnel qui l’avait condamné en février 2003 à une peine d’un an d’inéligibilité : son mandataire financier n’avait pas ouvert de compte bancaire et une partie des dépenses de campagnes avaient été réglées sans passer par le mandataire. « J’avais payé moi-même 70 euros pour des tracts, j’ai reconnu mon erreur, d’ailleurs je n’avais pas fait de recours contre cette condamnation », explique-t-il encore aujourd’hui. 
L'intersyndicale des collaborateurs parlementaires à l'Assemblée réclame une "réunion d'urgence"
Après nos révélations, l'intersyndicale des collaborateurs parlementaires à l'Assemblée a demandé mercredi une "réunion d'urgence" pour des "mesures concrètes" contre le harcèlement moral et sexuel.

L'intersyndicale CFE-CGC, CFTC, CGT, CFDT, SNCP-FO, Solidaires, Unsa, qui a déjà alerté sur la problématique du harcèlement, a réclamé mercredi une réunion d'urgence au président de l'Assemblée Richard Ferrand (LREM) ainsi qu'aux huit présidents des groupes politiques.
    
"Il est en effet nécessaire de tout mettre en oeuvre auprès des députés et des collaborateurs, non seulement au Palais Bourbon mais aussi en circonscription, pour s'assurer de la réelle prise en compte des cas de harcèlement moral ou sexuel en matière de prévention et de sanctions", a écrit l'intersyndicale."Lorsque ces agissements sont avérés, ils sont en effet indignes de notre institution",

 
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