Drogue. "L'Espagne, un lieu de provenance et de transit" les explications du procureur de Toulouse, Samuel Vuelta-Simon

L'Espagne joue un rôle majeur dans l'arrivée de drogues en France et notamment à Toulouse (Haute-Garonne). Le procureur de Toulouse, Samuel Vuelta-Simon, nous explique l'importance de l'actuelle coopération étroite entre les autorités françaises et espagnoles pour lutter contre ce phénomène.

Le trafic de stupéfiants ne connaît pas de frontières, et l'Espagne joue un rôle majeur dans l'approvisionnement en drogues de la région toulousaine. Dans cette interview, le procureur de la République de Toulouse, Samuel Vuelta-Simon, revient sur l'importance de la coopération franco-espagnole pour lutter contre ces réseaux criminels transnationaux notamment en Catalogne où chaque semaine sont démantelées de véritables usines de production de cannabis.

France 3 Occitanie : Quel rôle joue aujourd'hui l'Espagne, et plus particulièrement la Catalogne, dans le trafic de drogue à Toulouse ?

Samuel Vuelta-Simon, Procureur de Toulouse : Pour nous, l'Espagne est un lieu de provenance. En effet, si la résine de cannabis, l'herbe, provient principalement d'Afrique du Nord, notamment du Maroc - nous collaborons d'ailleurs régulièrement avec les autorités marocaines sur ce sujet - le pays de transit pour cette résine cultivée dans le Rif est l'Espagne. Actuellement, on dénombre plus de 500 groupes criminels différents sur le territoire espagnol. Ces organisations se sont emparées de la culture et de la production de cannabis en intérieur, notamment en Catalogne, depuis la pandémie de Covid-19. L'Espagne, par ses ports comme la Galice, Barcelone ou encore via son voisin le Portugal, est également une porte d'entrée pour la cocaïne en provenance d'Amérique latine, en raison de ses importantes liaisons maritimes.

Vous avez donc sur le sol espagnol l'implantation de cartels mexicains ou colombiens, une réalité bien éloignée de celle de la France où nous faisons face à d'autres groupes criminels. Ces organisations prospèrent sur le trafic de drogue. L'Espagne sert aussi de lieu de blanchiment, notamment immobilier, pour l'argent issu de ce trafic.

France 3 Occitanie : Quel est votre niveau de coopération avec les autorités espagnoles dans ce domaine ?

Samuel Vuelta-Simon, Procureur de Toulouse : L'Espagne est un partenaire exceptionnel, en particulier la Catalogne avec laquelle nous partageons la frontière la plus proche. Nous travaillons en étroite collaboration avec la police nationale espagnole, la Guarda civil et les Mossos d'Esquadra catalans. Il existe réellement une proximité opérationnelle franco-espagnole qui ne cesse de se renforcer et qui porte ses fruits dans la lutte contre le crime organisé. Mais il est certain que les produits arrivant sur la place toulousaine proviennent très fréquemment d'Espagne, puisque c'est la destination la plus proche.

France 3 Occitanie : Vous évoquez la culture de cannabis en intérieur. Chaque semaine par exemple, de véritables usines sont démantelées en Catalogne par les Mossos d'Esquadra. Ce type d'installation existe-t-il également chez nous ?

Samuel Vuelta-Simon, Procureur de Toulouse : Cela existe bel et bien en France. Mais à Toulouse, nous en avons détecté très peu. Les principales découvertes et interpellations pour ce type de production ont plutôt lieu dans le nord de l'Hexagone, notamment dans les Hauts-de-France ou la région parisienne. Il s'agit d'implantations adoptant des techniques néerlandaises, de véritables fermes cultivant le cannabis pour être au plus près des consommateurs.

Cette évolution vers une production en intérieur, sous serre voire dans des bâtiments, se développe de plus en plus en zones urbaines, contrairement à ce que l'on connaissait auparavant où ces lieux se situaient à la campagne, dans d'anciennes fermes ou serres horticoles par exemple. Désormais, ce type d'installation se retrouve fréquemment dans des friches industrielles. Pour Toulouse, ce n'est pas encore le cas. Nous espérons néanmoins pouvoir percer ces secrets afin de démanteler ce genre de culture. Mais de mémoire, depuis mon arrivée, cela ne s'est pas produit.

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France 3 Occitanie : Ces derniers mois, la Catalogne s'est révélée être une base arrière pour les narcotrafiquants français. Des caïds marseillais et des règlements de comptes impliquant des trafiquants ont eu lieu sur la côte catalane. Ce phénomène existe-t-il aussi pour les trafiquants toulousains ? Se "mettent-ils au vert" en Catalogne ?

Samuel Vuelta-Simon, Procureur de Toulouse : Oui, c'est effectivement le cas. Nous avons par exemple interpellé une personne en Catalogne lors de l'opération "Place Nette XXL" en avril dernier, sur la côte. Toute la côte espagnole du sud, de la Catalogne jusqu'en Andalousie, est aujourd'hui une destination privilégiée, un lieu de blanchiment de l'argent de la drogue et un refuge pour les malfaiteurs. Dans plusieurs ports et stations balnéaires catalans, ainsi que sur la côte andalouse à Marbella, Porto Banus et ailleurs, nous retrouvons régulièrement nos trafiquants français.

Ce n'est pas un phénomène nouveau puisque cela perdure depuis 15 à 20 ans.Les règlements de comptes pouvant naître sur le territoire français se poursuivent également là-bas. Cette situation avait alerté les autorités espagnoles il y a quelques années. Elles avaient alors tenté de freiner la présence de ces trafiquants français, une opération qui s'est révélée difficile puisqu'ils sont toujours implantés dans la région. Mais grâce à notre coopération avec l'Espagne, nous parvenons à arrêter, via le mandat d'arrêt européen notamment, toutes ces personnes qui pensent pouvoir s'y réfugier à l'abri des poursuites.

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