Eglise : l’embarrassante affectation d’un prêtre, accusé d’attouchements, à Toulouse

ENQUETE - Depuis 2017, le père Bernard Peyrous est démis de ses fonctions par l'archevêque de Bordeaux «  à la suite de gestes gravement inappropriés" sur une femme. L’abbé vient d'être affecté, près de Toulouse, dans la plus grande discrétion et malgré l'existence de nouveaux faits.  

« Le père Peyrous ? Ah non. cela ne me dit rien.» Au téléphone, ce membre de l’équipe d’animation pastorale de l’ensemble paroissial Aucamville-Saint-Loup Cammas, près de Toulouse, feint l’ignorance. « Vous ne connaissez pas le père Bernard Peyrous ? » Durant quelques petites secondes, le silence se fait à l’autre bout de la ligne. « Aaaah ! Mais vous parlez du père Bernard ! » s’exclame soudain le paroisien.

Difficile, au sein de l’Eglise, de ne pas connaître l’abbé Bernard Peyrous. Ce prêtre de 71 ans est une figure de la Communauté de l’Emmanuel. Il est, notamment, spécialiste en histoire de la spiritualité et en théologie spirituelle, et ancien postulateur de la cause en béatification de Marthe Robin
  

Des gestes gravement inappropriés 

En octobre 2017, l’ecclésiastique fait parler de lui pour des faits nettement moins glorieux. A la surprise générale, le père Peyrous quitte, sans explication, une retraite spirituelle organisée au Foyer de charité de Châteauneuf de Galaure.

Une semaine plus tard est mis en ligne, sur le site internet de la Communauté de l’Emmanuel, ce communiqué  : « Le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, en lien avec les responsables de la Communauté de l’Emmanuel, a pris des mesures conservatoires à l’égard du Père Bernard Peyrous à la suite de gestes gravement inappropriés de sa part vis-à-vis d’une femme majeure. Il lui est demandé d’interrompre ses charges pastorales actuelles, et de renoncer, jusqu’à nouvel ordre, à la prédication de retraite et à l’accompagnement spirituel. »
 
La communauté l’Emmanuel et le cardinal Ricard n’en disent pas plus mais comme le souligne un prêtre bien informé sur ce type d’affaires « en pur langage ecclésiastique, cela signifie que les faits sont graves. » La victime n’aurait pas souhaité déposer plainte. L’abbé Peyrous a reconnu les attouchements et a été démis de ses fonctions. 
 

Une nomination dissimulée

 
Le prêtre disparait des radars. Jusqu’au 13 septembre 2018 où son nom surgit à nouveau sur le site internet du diocèse de Toulouse. Mgr Le Gall le nomme avec un autre membre de la communauté de l’Emmanuel, le père Pierre Protot, au sein de l’ensemble paroissial d’Aucamville. Mais très rapidement, cette trace est effacée. Sur la page des nominations du diocèse toulousain le nom de l’abbé a disparu. Désormais, seul est cité le père Protot (ici).  
 
Au sein même de la paroisse d’Aucamville, les fidèles se contentent d'appeler l’ecclésiastique d'un simple « père Bernard ».  L'abbé est semble-t-il dissimulé aux yeux du grand public.

« Le vicaire général a réuni l’ensemble de l’équipe d’animation paroissial lors de son arrivé, nous raconte l’un de ses membres, pour nous prévenir de ce cas. Cela est resté entre-nous et n’a pas transpiré au sein de la paroisse. Le père Bernard n’a jamais expliqué ce qu’on lui reprochait. Il a complètement omis son passé. Ce n’est pas le premier prêtre, mis de côté, placé au sein de notre paroisse. Un autre était déjà venu. » Ce dernier a été condamné en juillet 2008 à six mois de prison avec sursis pour possession d’images pédopornographiques.
 

« Il y a effectivement un raté de communication, reconnait le modérateur de la communauté de l’Emmanuel, Michel-Bernard de Vregille. Nous aurions dû être plus explicites mais il n’y avait aucune volonté de le cacher» 

Au diocèse de Toulouse, on tente d'éteindre la polémique : « Seuls les prêtres de communautés religieuses, ayant des missions reçues de l’Evêque, font l’objet d’une nomination sur le site internet du diocèse, explicite la directrice de la communication du diocèse de Toulouse, Capucine Malleville. Il a donc été demandé de rectifier le site, ce qui est fréquemment le cas. Peut-être était-ce une erreur compte tenu de l’histoire du prêtre concerné mais il n’y a eu aucune volonté de dissimulation. »
 

Reprise de son ministère

 
Pourtant, depuis son arrivée, le prêtre exerce de nouveau son ministère. Il n'hésite d'ailleurs pas à apparaître souriant et détendu sur les photos de sa nouvelle paroisse. Une situation en totale contradiction avec les mesures annoncées par le cardinal de Bordeaux, Jean-Pierre Ricard, en octobre 2017. 
 
Dans une publication sur le site de l’ensemble paroissial, le père Pierre Protot présente d'ailleurs sa mission et celle du père Bernard à Toulouse sans aucune ambiguïté : « Concrètement, en paroisse, nous sommes des prêtres « normaux », pour coopérer à la charge du curé et à la mission que lui confie l’évêque, à votre service et heureux d’être avec vous. » 
 
 
 « Nous le voyons très peu, précise le membre de l’équipe pédagogique. Il est très pris par ses activités extérieures. Mais il effectue, toujours accompagné, des célébrations, comme des funérailles et travaille au sein du Service Évangélique des Malades dont la mission touche les personnes en maison de retraite. »
 
Pour Michel-Bernard de Vermille de la communauté de l’Emmanuel, ceci n'a rien d'anormal : « Vu le cheminement du père Peyrous depuis quelques mois et la fin de son année de suspension décidée par le diocèse de Bordeaux, nous avons trouvé à Toulouse un lieu où il peut vivre sa vie sacerdotale, continuer son suivi psychologique qu’on lui a imposé pour se soigner et assurer une mission très cadrée, détaille le modérateur. La victime du père Peyrous est d’ailleurs au courant et s'avère satisfaite car l’une de ses demandes était que l’on s’occupe de lui. »
 
La mise à disposition de l’abbé Bernard Peyrous s’est concrétisée sous la forme d’une convention entre l’archevêque de Bordeaux, Mgr Ricard, et celui de Toulouse, Mgr Le Gall. « Le P. Peyrous n’a reçu aucune mission pastorale dans le diocèse, il n’a donc aucune responsabilité en paroisse et rend des services (…) dans le respect des mesures conservatoires prises : pas d’accompagnement de femmes, pas de retraites prêchées, pas de réception à son domicile, suivi psychologique…Ce dispositif permettant d’éviter de nouveaux abus,  détaille Capucine Malleville, chargée de la communication du diocèse de Toulouse. Le diocèse rappelle que sa préoccupation première est de faire de l’Eglise une maison sûre : si d’autres faits anciens ou encore des faits nouveaux étaient portés à sa connaissance, une réévaluation de la situation du P. Peyrous serait automatique et Monseigneur Le Gall demanderait l'ouverture d'une enquête canonique. »

De nouveaux faits 

Des faits nouveaux sont justement connus depuis la suspension de l’abbé Peyrous. A son départ, la communauté de l’Emmanuel a ouvert une ligne d’écoute. « Trois  personnes ont alerté et ont été entendues sur d’autres agissements du père Peyrous, révèle Michel-Bernard de Vregille. C’était des faits qui n’étaient pas du même niveau  que ceux subis par la première victime. Elles n’ont pas voulu aller plus loin et n’ont pas déposé plainte. » 
 

Malgré ces témoignages, aucune enquête canonique n’a été engagée « Il fallait que le Cardinal Ricard le souhaite, puisque le père Peyrous est incardiné au diocèse de Bordeaux. » rajoute le modérateur de l’Emmanuel. 
 
Contacté, par l’intermédiaire de son délégué épiscopal à l’information, le père Jean Rouet, le diocèse de Bordeaux indique ne pas être au courant de ces nouveaux éléments. « Pour qu’il y ait un procès canonique, il aurait fallu une plainte. » précise-t-il. D’autres diocèses ont pourtant ouvert des procédures, sans qu’aucune plainte n’ait été déposée.
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