Le Conseil des prud'hommes de Toulouse (Haute-Garonne) a condamné, le 20 décembre 2022, le salarié d'un restaurant à rembourser la totalité de ses salaires, considérant qu'il n'avait personne au dessus de lui pour lui donner des directives. Le juge estime donc son contrat de travail comme "fictif".
Maître Christophe Marciano n'en revient toujours pas. Le 20 décembre 2022, le Conseil de prud'hommes de Toulouse déboute son client Monsieur Alex V. de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et le condamne à rembourser ses salaires perçus d'un montant de 12.000 euros. "Je n'ai jamais vu ça, s'exclame stupéfait l'avocat spécialisé dans le droit du travail. C’est presque une blague. Le Conseil des prud'hommes de Toulouse invente le salariat gratuit !"
Licencié verbalement
En mars 2018, Alex V. signe un contrat à mi-temps comme économe - celui qui assure l'approvisionnement et vérifie l'état des stocks dans un hôtel ou un service de restauration - au sein d'un restaurant vietnamien de Toulouse. "Le propriétaire de l'établissement est un ancien notaire, raconte Christophe Marciano. Pas véritablement impliqué dans l'organisation du restaurant, c'est donc mon client qui s'occupait de tout."
Alex V. gère l'ouverture et la fermeture de l'enseigne, signe les contrats professionnels, les commandes, tient la caisse. "Il dépassait ses fonctions, complète son avocat, car il n'avait personne au-dessus de lui pour assurer ces missions."
Mais un an plus tard, Ie patron l'accuse d'avoir volé dans la caisse et lui dit de ne plus jamais revenir. Me Marciano saisit les prud'hommes pour faire reconnaître le licenciement verbal de son client.
Un licenciement que conteste l'ancien notaire. Son avocat va même avancer un raisonnement étonnant devant le Conseil des prud'hommes. Selon lui, Alex V. faisait ce qu'il voulait au sein du restaurant ce qui serait la preuve qu'il n'avait pas de lien de subordination et par conséquent, il ne serait pas salarié du restaurant...
Un contrat de travail considéré comme fictif
À la surprise générale, c'est cet argument que va retenir le juge départiteur : "M. V agissait en parfaite autonomie sans aucune interférence, injonction ou directive du président de la société, organisait librement ses journées de travail, son temps de travail n'étant soumis à aucun contrôle, et se présentait aux yeux des tiers comme le véritable "patron" et le seul représentant de l'entreprise. Dès lors, ces éléments contredisant l'existence d'un lien de subordination qui est la caractéristique déterminante d'une relation de travail salarié, le contrat de travail de M. V doit être considéré comme fictif."
Ce jugement laisse Maître Christophe Marciano sans voix : "un jugement d’une page où l'on ne déboute même pas le salarié, mais à qui on demande de rembourser ses salaires, c’est juste incroyable. Pour justifier cela, il avance une jurisprudence qui existe, mais qui concerne des gérants, des propriétaires, qui se sont octroyés des salaires et des contrats de travail. Cela tient de l’emploi fictif ou de l’emploi déguisé. Mais mon client n'est pas propriétaire de l'établissement, il était seulement salarié ! Il avait même reçu un nouveau contrat à temps plein avant d'être renvoyé."
Face à cette décision ubuesque, Alex V. et son avocat ont déjà fait appel. Contacté, l'avocat du propriétaire, Maître Alfred Pecyna, ne nous avait pas encore répondu au moment de la publication de cet article.