Après deux sorties lors de la mission de 2017, c'est la troisième sortie hors de l’ISS pour l’astronaute Thomas Pesquet, une sortie extra-véhiculaire qu’il vit avec son compagnon de bord l'Américain Shane Kimbrough. L’opération a débuté à 12h GMT et durera plus de 6 heures.
Il s’agit de la première sortie extra-véhiculaire, une EVA (extravehicular activity) dans le jargon spatial, depuis l’arrivée dans l’ISS en avril dernier. Depuis 12h GMT et pendant plus de six heures, Thomas Pesquet et son acolyte américain Shane Kimbrough flottent en apesanteur, à 400 kilomètres au-dessus de la Terre, accrochés à la Station spatiale internationale, pour y installer un nouveau panneau solaire.
L’opération sera renouvelée dimanche 20 juin pour installer un second panneau, afin de faire passer la puissance du vaisseau spatial de 160 kilowatts à 215 kilowatts.
Les panneaux solaires ?️ que nous allons installer et déployer demain ! Pour l'instant ils sont enroulés sur eux-même. Les équipes sont prêtes et Shane et moi aussi... on est tous très impatients ! #MissionAlpha pic.twitter.com/DEwJs0rXX1
— Thomas Pesquet (@Thom_astro) June 15, 2021
Une sortie complexe
Ce n’est pas une première pour Thomas Pesquet qui a déjà fait deux sorties en 2017 lors de son précédent voyage dans l’espace. Il était déjà accompagné du même coéquipier. Toutefois, cette EVA est « inédite sur le plan technique et s'annonce plutôt complexe", d’après Pooja Jesrani, le responsable des sorties orbitales à la NASA qui s’exprimait lors d’un point presse en début de semaine.
EVA 1, c'est le chef, en gros. Maintenant je ne suis plus le petit jeune !
Pour cette sortie extra-véhiculaire, les rôles sont inversés : Thomas sera « EVA 1 » et Shane Kimbrough "EVA 2". "Le n°1, c'est le chef en gros. Maintenant je ne suis plus le petit jeune", a commenté l'astronaute de 43 ans. "J'ai hâte que Thomas soit dans ce rôle et d'être un bon soutien", a tweeté en réponse son collègue de 54 ans. Le «chef de mission» sera reconnaissable à sa combinaison à rayures rouges. Des bandes de couleur ont été posées sur sa combinaison pour le différencier de son homologue américain. Son équipement a été conçu sur-mesure aux Etats-Unis.
? LIVE NOW: It's a perfect day for a spacewalk. Watch as @Astro_Kimbrough of @NASA_Astronauts and @Thom_Astro of @ESA work outside the @Space_Station to upgrade the station’s solar arrays: https://t.co/CKRBRGYf87
— NASA (@NASA) June 16, 2021
L’opération est orchestrée au geste près par la NASA et toutes les tâches minutieusement réparties entre les deux hommes. Leur objectif est de déployer les panneaux solaires à bâbord de l'ISS, qui font approximativement la taille d’un terrain de football.
Les panneaux ont été livrés par cargo sous forme compacte et ont déjà été fixés à l'extérieur du vaisseau. Thomas Pesquet doit en premier lieu récupérer l'objet de 350 kilos, puis, grâce à un bras robotique, il doit longer la station pour aller le passer à son acolyte. Tous deux sont accrochés par les pieds au bras robotisé. Du dévissage, du déboulonnage et enfin déplier le panneau de 19 mètres de longueur.
Une triple sécurité
Même si Thomas Pesquet parle de "rêve dans le rêve", il est conscient des risques encourus lors des sorties extra-véhiculaires. Les deux astronautes sont évidemment reliés en permanence à la Station par un câble et veillent constamment l'un sur l'autre mais des incidents plus ou moins dangereux peuvent se produire.
Une perte d'étanchéité du scaphandre peut avoir lieu en cas d'impact de micro-météorite. Le système de refroidissement peut aussi s'écouler dans le système de ventilation, comme l'a vécu l’Italien Luca Parmitano en 2013. « Une bulle d'eau s'est collée derrière sa tête, il n'entendait plus et a dû écourter sa sortie. Il aurait pu se noyer", raconte Hervé Stevenin, chargé de l’entraînement à ces sorties pour l’Agence spatiale européenne (ESA)
Une sortie très physique pour un enjeu de taille
La journée sera sans aucun doute éprouvante pour les deux astronautes. Un véritable challenge physique comme le décrit Hervé Stevenin à l'AFP : "Une EVA revient à courir un 100 mètres sur la durée d'un marathon". Il ajoute que « travailler en scaphandre est extrêmement difficile. Tous les sens sont limités, on manque de dextérité avec les gants: tenir un outil, c'est comme presser une balle de tennis, des centaines de fois pendant six heures".
Une EVA revient à courir un 100 mètres sur la durée d'un marathon !
Par ailleurs, le champ de vision est limité avec l’équipement et les deux hommes doivent tenir une dizaine d'heures dans leur scaphandre, comme dans une "boîte de conserve", avec seulement une petite réserve d'eau pour boire. Et pourtant, malgré l’inconfort et les risques encourus, il faudra être efficace…
Thomas Pesquet essaiera accessoirement durant cette sortie de mettre à profit l’expérience des premières fois et les conseils de son acolyte américain : « On a l’impression de faire de l'escalade avec une grosse boule qui tourne sous nos pieds. Lors ma première sortie, Shane m'avait dit « regarde autour de toi » parce qu'on n'avait pas levé le nez du guidon. Là, je vais essayer de le faire".
Retour d’expérience d’un ancien spationaute
Seulement 4 astronautes français ont eu la chance de se confronter au « vide spatial » : Jean-Loup Chrétien, Jean-Pierre Haigneré, Philippe Perrin et enfin Thomas Pesquet.
Philippe Perrin était en direct sur France 3 Occitanie depuis la Cité de l’espace à Toulouse, ce 16 juin, et s’est exprimé sur la mission de ce mercredi et de dimanche :
« C’est une mission extrêmement difficile et Thomas sera leader de la mission. Pour un astronaute, le premier risque est celui de ne pas réussir à remplir la mission, potentiellement ne pas pouvoir installer les panneaux qui ont été soumis aux contraintes au décollage et qui ont été stockés. Il y a beaucoup de choses à dévisser, déboulonner et beaucoup de manoeuvres. Le risque est surtout lié au scaphandre, dans un milieu qui n’est pas naturel pour l’homme, avec des températures qui oscillent en +120°C et -160°C donc quelque chose d’agressif pour l’homme ».
Il se confiait également sur ses ressentis lors de sa propre mission en 2002 : « C’est une ivresse, pas l’ivresse des profondeurs mais c’est comparable pour ceux qui ont fait de la plongée et à qui cela parle. C’est une expérience qui tient de la béatitude. On peut la voir comme une mission « sportive », une expérience risquée … Chacun la vit différemment. »
Vous pouvez suivre la sortie de ce jour en direct à partir de 18h sur le YouTube d’Arte.
Pour la sortie de dimanche 20 juin, ce sont les chaînes Twtich et YouTube du CNES (Centre National des Etudes Spatiale) qui diffuseront la sortie à partir de 13h45. La NASA diffuse aussi les deux sorties en direct.